Doulkeridis: «Renforcer les Régions, sans casser la solidarité entre Wallons et Bruxellois»

Les protagonistes ne se sont pas concertés, mais on assiste bien comme à une offensive par vagues successives : Pierre-Yves Jeholet et Jean-Luc Crucke d’abord, pour le MR ; puis Christophe Collignon, Pierre-Yves Dermagne et Nicolas Martin, au PS ; enfin, Thierry Bodson, dans Le Soir lundi, au nom de la FGTB wallonne… Tous veulent, peu ou prou, liquider la Communauté française, ou Fédération Wallonie-Bruxelles, et transférer aux Régions ses compétences clés, à savoir l’enseignement et la culture. L’idée d’une réforme institutionnelle de grande envergure au sud du pays divise à la FGTB comme au PS, et met le CDH et le FDF hors d’eux. Ecolo ? Les verts se positionnent à leur tour. Et mandatent Chistos Doulkeridis à cet effet. Le député bruxellois et à la Communauté française, qui fut jadis secrétaire d’Etat, président de la Cocof (un peu le gouvernement francophone bruxellois), candidat à la direction de son parti, nous précise : « Je parle au nom d’Ecolo, ses ailes wallonne et bruxelloise. » Et se lance : « Nous ne sommes ni pour le statu quo, ni pour des réponses simplistes qui donnent bonne conscience à leurs auteurs mais qui ne changent pas grand-chose. » Un « ni-ni » qui n’est pas fuyant. Christos Doulkeridis raisonne : « Le vrai débat, ce n’est pas de savoir d’où l’on fait les choses, depuis quelles structures, avec quelles institutions, mais ce que l’on fait, le contenu. » Traduction, en deux points Un : « Si la discussion devait s’engager concrètement, Ecolo ne serait pas défavorable au transfert aux Régions des compétences hors enseignement et culture, je pense au sport et à l’aide à la jeunesse, étant entendu que ces matières passeraient bien alors de la Communauté à la Région wallonne et à la Région bruxelloise à part entière, associant francophones et Flamands ». Deux : « Pour Ecolo, il est hors de question de régionaliser l’enseignement et la culture. Dans le premier cas, j’entends qu’il s’agirait notamment de rapprocher l’école du monde de l’entreprise… Cette sorte d’“adéquationnisme” est réductrice et dangereuse, ce serait continuer à faire la même chose avec quelques adaptations alors que l’on est bousculé de toutes parts, dans des domaines de l’économie, du climat, du vivre-ensemble, et que l’enjeu, dans ce contexte, est de créer les conditions de l’émancipation pour nos enfants, pour nos jeunes, ce qui est bien plus large qu’un ajustement institutionnel. En revanche, tenir compte des spécificités locales, bruxelloise, liégeoise, hennuyère, entre autres, en mettant en œuvre les fameux “bassins de vie” dont on parle souvent, cela, oui, et je constate que le dossier est pratiquement au point mort ! Quant à la culture, loin de régionaliser, il faudrait que les pouvoirs régionaux, provinciaux, communaux, se coalisent pour des “contrats de la culture” qui donneraient de l’air aux acteurs socio-culturels en termes de budget, d’emplois, de création : Ecolo exhorte PS et CDH, au pouvoir tant à Bruxelles qu’en Wallonie, d’agir en ce sens, et est prêt à s’associer à la démarche. » Le « ni-ni » vert francophone, hostile au « statu quo » comme à la « fuite en avant », ne se perd pas dans l’entre-deux et la zone grise. Christos Doulkeridis assène en effet : « Transférer l’enseignement et la culture, j’y vois, nous y voyons, une démarche plus de droite que de gauche, car avec la Sécu, l’école est l’autre grande compétence des pouvoirs publics qui permet d’organiser la solidarité entre les gens, entre des publics différents, inégaux socialement… » L’élu vert ajuste : « Et si l’on fait cela, que répondra-t-on à ceux qui, demain, voudront scinder la Sécu, expliquant qu’elle serait mieux gérée et plus efficace ? Franchement, sur un plan stratégique, aller comme ça dans des logiques de rupture de solidarité, c’est… je cherche le mot… étonnant, j’en reste là. » Toujours pas partisan du « statu quo », Christos Doulkeridis a « au fait, une proposition simple, que l’on peut appliquer tout de suite : faire en sorte que le ministre-président wallon prenne les commandes du gouvernement de la Communauté, et que le ministre-président bruxellois ait le portefeuille du budget, ce qui mettrait les deux postes stratégiques aux mains des représentants des Régions, qui devraient travailler et assumer ensemble les politiques communes. Il va sans dire que nous complétons le dispositif en établissant, dans la même logique, des doubles casquettes pour les ministres, qui émaneraient donc des exécutifs wallon et bruxellois, cela en réduisant leur nombre : PS et CDH avaient au total 19 ministres sous la législature précédente, 13 et 6 respectivement ; ils en ont toujours 19 sous celle-ci, où ils ont pourtant été évincés du fédéral… Cherchez l’erreur. Un casting qui a juste visé à recaser tout le monde, point. » Point final, justement : « Quant à l’idée selon laquelle une entité politique, comme la Wallonie, ne peut connaître d’essor réellement sans détenir l’enseignement et la culture, cela n’a pas de sens, sauf à marcher dans les pas des Lombards, des Catalans, des ultras flamands, dans une démarche de droite, je l’ai dit. Est-ce cela que veulent les progressistes ? »

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