Deux ténors à l’assaut de la Citadelle

Le cyclo-cross vit de duels mais il vient de tomber dans une petite léthargie l’espace de trois week-ends. Van Aert et Van der Poel se retrouveront ce dimanche à Namur, pour la 9e édition du cross de la Citadelle qui fera office de 6e manche de Coupe du Monde. Préférant se préparer au soleil, songeant déjà au prochain printemps sur la route, le champion du monde n’a plus pédalé dans la boue depuis le 26 novembre. Son principal adversaire, Mathieu Van der Poel, se montre intraitable depuis la reprise (17 victoires) et profite de l’appétit pour les pavés de son principal rival. Lorsqu’il devance le champion du monde de la spécialité Tony Martin sur le prologue du Tour de Belgique en 2016, les suiveurs ne peuvent qu’applaudir Wout Van Aert. Rebelote cet été quand le champion du monde de cyclo-cross a levé les bras à trois reprises sur des semi-classiques belges. À 23 ans, Van Aert a désormais décidé d’alléger son hiver (et de sacrifier ses performances), passant de 42 à 30 épreuves, et en mettant un terme à sa saison après le Mondial, le 4 février prochain. « Je veux découvrir un maximum de classiques flamandes et Paris-Roubaix », clamait le représentant de Crelan-Willems dans la presse flamande au début de l’hiver. Van Aert ne songe pourtant pas encore à un passage définitif sur la route. Il faudra d’abord que son équipe décroche une invitation pour les plus grands rendez-vous (le manager Nuyens avait obtenu une participation au Tour des Flandres mais pas à Roubaix). Mais surtout, l’avantage financier est irréfutable. En cyclo-cross, la formule permet de générer de grosses recettes : droits télévisés, droit d’entrée (jusqu’à 10.000 entrées payantes oscillant entre 12 et 15 € par personnes, vous faites le compte), publicité… Et les coureurs en bénéficient ! Là où un routier compte quasi exclusivement sur son salaire fixe versé par son équipe, un crossman pourra monnayer sa présence sur une épreuve. Les stars, comme Van Aert et Van der Poel peuvent toucher plus de 10.000 € de prime de départ par course. Sur une saison, chacun dispute entre 35 et 45 épreuves. Le bonus s’élève à près d’un demi-million d’euros. Des transitions difficiles Ajoutez-y les primes de performance substantielles (1.500 à 5.000 €, plus les challenges de régularité de fin de saison) et le montant total des bonus rassemblés par Van Aert et Van der Poel peut atteindre 700.000 €. Cette rondelette somme, certes brute (les taxes des fédérations et les impôts doivent encore être déduits, 60 % environ arrivent vraiment dans la poche du coureur), est aussi élevée que le salaire de base inclus dans le contrat liant le coureur à son équipe. Van der Poel et Van Aert empochent ainsi annuellement une somme oscillant entre 1,1 et 1,3 million d’euros. Un montant réservé à une vingtaine de pointures mondiales comme Gilbert, Aru ou Kittel sur la route. « Le cyclo-cross permet de gagner beaucoup d’argent », confirme Erwin Vervecken, qui gère notamment les relations entre Golazo et les coureurs. « Au niveau financier, il est quasi impossible pour ces garçons de passer sur la route et d’immédiatement gagner mieux leur vie. Demandez à Zdenek Stybar. Ce fut mon équipier en cross, et il m’a dit qu’il a dû attendre sa troisième année sur la route pour gagner autant qu’en cross. » Le Tchèque est en effet l’exemple-type d’une transition à moitié réussie. Aucune star en cyclo-cross n’a réussi à atteindre le même statut sur la route. Peter Sagan ou Julian Alaphilippe ont été formés dans les labourés, mais ont supprimé la discipline de leur programme à la sortie des catégories de jeunes. Stybar, lui, a conquis trois titres mondiaux chez les Elites dont le dernier en… 2014, trois ans après son arrivée chez Quick-Step. Le puncheur s’est depuis imposé sur le Tour et sur la Vuelta, mais son talent doit se fondre dans un collectif puissant. Lars Boom connaît pareille destinée, avec plus d’inconstance sportive et un peu moins de réussite encore. Pire encore, Sven Nys. Impérial durant près de deux décennies en cyclo-cross, le Cannibale de Baal n’a jamais remporté d’épreuve majeure sur la route, malgré six années passées en ProTour chez Rabobank. Mais au-delà des intérêts purement monétaires, il reste l’attrait sentimental pour cette discipline populaire au Nord du pays. Le format est dynamique, agréable à suivre mais également à disputer pour un coureur. Mathieu Van der Poel, surtout, refuse d’évoquer un passage définitif sur la route. Et pour cause, le gamin de Poulidor, 22 ans, ne voit que par le fun et le plaisir. C’est ainsi qu’en mai dernier, il a préféré quitter la route du Tour de Belgique au soir de la 2e étape qu’il a… remportée, pour prendre la direction d’une manche de Coupe du Monde de VTT. Discipline bien moins ennuyeuse aux yeux de Van der Poel, que les cinq heures à pédaler sur la route avant que le feu d’artifice ne puisse vraiment débuter. Le talent est là, la route attendra… Bruxelles ou Liège en 2019 Les remparts de la Citadelle de Namur doivent se sentir bien isolés dans le grand cirque du cyclo-cross. La capitale wallonne est désormais l’unique entité du sud du pays à accueillir une épreuve internationale de cyclo-cross. La province de Liège a bien réussi à remettre un challenge pour jeunes sur pied (300 participants chaque week-end), mais les tentatives de développement d’une épreuve professionnelle ont échoué. Spa-Francorchamps, dont le mythique circuit et les pentes du Raidillon, accueillait les meilleurs crossmen dans le cadre du Superprestige depuis 2014. Mais les lourdes pertes financières (plusieurs dizaines de milliers d’euros sur un budget tournant entre 150.000 et 250.000€ par organisation) générées par le rendez-vous ardennais ont poussé la société organisatrice, Golazo, à stopper l’hémorragie de manière radicale. « Mais nous possédons toujours la licence d’organisation », rappelle Erwin Vervecken. Golazo a donc, pour les prochaines années, la possibilité de réutiliser la même licence d’organisation sur le territoire wallon ou bruxellois. « Nous étudions diverses possibilités. Ce ne sera pas encore possible pour l’hiver prochain, mais je suis convaincu que nous trouverons une solution pour 2019. Diverses pistes sont envisageables, notamment à Liège ou en banlieue bruxelloise », précise l’ancien champion du monde. La région bruxelloise tiendrait la corde, pour sa situation géographique plus favorable afin d’attirer le public néerlandophone.

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