Cela s’est passé un 19 décembre 2012: «Georges Jobé ne se battra plus»

(article paru le 21 décembre 2012) Il était de ces rocs qu’on croyait indestructibles. Un regard acéré, une volonté inépuisable. La maladie, pourtant, a fini par terrasser, à 51 ans, celui qui restera l’un des meilleurs représentants belges en motocross. A croire que le destin du Liégeois devait être à l’image de son talent : exceptionnel. Formé dans le culte du dépassement de soi, Georges en a fait un mode de vie. Comme si sa vie devait être une éternelle succession de luttes, un combat qui finirait seulement après l’ultime étape. En une petite quinzaine d’années à fréquenter le paddock du mondial, il a marqué à tout jamais le milieu du motocross. Déjà par des débuts fulgurants. L’homme n’avait que 19 ans – un record de précocité qui tient toujours – quand il décrocha sa première couronne en 250. Mais, au delà de ces 5 titres mondiaux, que retiendra-t-on du Liégeois ? Une multitude de coups de gueule ? Des tas de déclarations à l’emporte-pièce ? Des fâcheries avec la moitié du milieu ? Georges avait transformé sa vie de tous les jours en une gigantesque séance de qualification où il devait forcément détenir le meilleur chrono, battre la concurrence. Après la période motocross, sa reconversion fut tout aussi mouvementée. Jamais en panne de projets, il lança une noble idée par le biais d’une ASBL : « En vie d’avenir » tentait le délicat pari de l’intégration de jeunes en rupture avec la société par la pratique de la moto tout-terrain. En même temps, il renoua avec le prestigieux passé de la FN qui fabriquait des motos avant des armes en lançant des kits pour des bécanes de cross. Mais Georges l’hyperactif, Jobé le bagarreur, ne pouvait se contenter d’une vie entre mécénat et business, coincé entre l’azerty d’un PC et les ronds de jambes à des politiques du cru. Il lui fallait renouer avec l’action, lutter encore et encore pour (se) prouver qu’il était toujours le meilleur. C’est ainsi qu’on retrouva son nom sur la liste des engagés d’un Grenade-Dakar – la carrière de Stéphane Peterhansel le faisait rêver – ou encore dans ces épreuves du championnat de France de motocross réservées aux vétérans. Cette moto qui lui donna tout – la reconnaissance, la gloire, les titres mondiaux et l’argent – faillit tout lui reprendre un jour d’hiver 2007 dans les Emirats. Du côté de Dubaï où il séjournait régulièrement, la « Grande Faucheuse » faillit l’emporter dans une violente chute. Un nouveau combat s’engageait pour ne pas être paralysé à jamais : « Je jure qu’avant trois mois, je marcherai de nouveau », nous avait-il confié alors qu’il était cloué sur son lit d’hôpital. Georges ne pouvait admettre cet état où il subissait les choses. Et comme s’il voulait sauver un titre mondial (il avait pourtant 46 ans), il multipliait les séances de rééducation et s’était fait livrer un vélo d’appartement dans sa chambre pour accélérer le processus. Une fois encore, il remporta le défi : malgré des vertèbres cervicales malmenées, il recommença à marcher, à redevenir autonome. Une autre épreuve l’attendait, plus sournoise : un cancer de la peau. Qu’il finit par vaincre, lui aussi. Et alors qu’il pensait en avoir terminé avec les services hospitaliers, c’est une forme de leucémie qui se déclara voici plus de 18 mois. Un combat inégal où la maladie, plus d’une fois, lui donna l’illusion de battre en retraite. En juin, alors qu’il sortait d’un isolement de plusieurs semaines à la suite d’une greffe de moelle grâce à sa sœur Christiane, donneuse compatible, Georges nous avait reçu dans sa maison de Retinne. Amaigri (il était passé de 87 à 73 kg), les muscles en lambeaux, un crâne luisant à la place de sa tignasse de fauve, il parlait autant de sa reconstruction physique que celle de son âme. Une discussion en forme de confession… « J’en ai fait trop dans ma vie. Que ce soit au niveau sentimental ou sur le plan professionnel. Je veux tout remettre en ordre, profiter de mes amis, passer du temps avec les membres de ma famille, voir mes enfants le plus souvent possible . » Il rêvait de s’acheter un vélo de route, d’enfourcher une moto de trial « pour faire des ronds dans mon jardin, à tourner autour des arbres comme un gamin de huit ans ». La myélodysplasie ne l’a pas laissé aller au bout de ses projets. Mercredi soir, à quelques jours de son 52e anniversaire et pour la première fois, Georges Jobé a perdu le combat.

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