L’arrivée de TF1 sur le marché publicitaire belge, «un marathon»

On pourrait dire d’elle qu’elle a décroché le contrat du siècle ou qu’elle a fait rentrer le loup dans la bergerie. C’est selon. La petite régie publicitaire anversoise Transfer, inconnue jusqu’ici en dehors du microcosme des médias, a acquis une notoriété exceptionnelle en 2017 en décrochant la commercialisation des publicités de TF1 pour le marché belge. Elle est la seule régie à avoir accepté ce job, ce qui lui a valu pas mal d’inimitiés et d’attaques de la part de ses concurrents : RMB (RTBF) et IP (RTL). Fondée par deux anciens du groupe télé SBS (Vier, Vijf), Birgitta De Smet et Koenraad Deridder, il y a 6 ans, Transfer est à l’origine spécialisée dans les chaînes thématiques (Cartoon network, National Geographic, History…). Elle ne s’était jamais occupée d’une grande chaîne généraliste avant que TF1 ne la choisisse (un peu par défaut il faut dire). Propriété à 100 % de 21th Century Fox, elle s’apprête maintenant à changer de propriétaire puisque le groupe Disney vient d’annoncer le rachat de la major américaine. Les deux patrons de Transfer reviennent sur les péripéties ayant accompagné l’arrivée de TF1 en Belgique et tirent un premier bilan. Quel regard portez-vous sur cette année 2017 ? Birgitta De Smet C’est une année très positive pour nous. De plus en plus de chaînes nous font confiance. Si on prend en compte les 12 télévisions locales, nous arrivons désormais à 40. Les chaînes du groupe Roularta Canal Z/Kanaal Z vont se rajouter également. Pour la première fois, nous allons dépasser le cap des 100 millions d’euros de revenus brut, ce qui fera de nous la dixième régie du pays. On a engagé une dizaine de personnes cette année. Nous sommes désormais 27 et on ouvre un bureau à Bruxelles début 2018. Cette croissance s’explique-t-elle par l’arrivée de TF1 dans votre portefeuille de chaînes ? Koenraad Deridder Pas uniquement. Nous sommes en croissance de 28 % sur les chaînes thématiques alors que toutes les autres régies sont en baisse. Les chaînes très ciblées intéressent de plus en plus de téléspectateurs. C’est un phénomène qu’on observe depuis des années à l’étranger et c’est la raison pour laquelle on a lancé Transfer il y a six ans. Il y a une tendance à la fragmentation des audiences. La Belgique avait un peu de retard. Elle est en train de le rattraper. Vous avez fait l’objet d’attaques très dures la part des régies de la RTBF (RMB) et de RTL (IP). IP a commandé une étude pour démontrer que les spots sur TF1 seraient moins efficaces que ceux sur RTL. Transfer a été présentée comme une petite régie pas très pro… KD On a fait l’objet d’attaques plus agressives qu’attendu, mais on a l’habitude de vivre ce type de situation. Quand VT4 a débarqué sur le marché flamand, VTM – qui était tout seul – ne nous a pas rendu la vie facile. Nous avons été attaqués sur tous les fronts : politique, économique… C’est le prix à payer quand on est pionnier. Que répondez-vous à ceux qui vous accusent d’avoir laissé TF1 entrer sur le marché alors que toutes les autres régies ont fait front pour qu’il ne vienne pas ? BDS Je rappellerais que certaines régies ont approché TF1 elles-mêmes. Il y avait des candidats et nous n’étions pas les premiers à nous manifester. Tout le monde a refusé au final… BDS Oui parce qu’il y a eu des pressions extérieures. Ce qui est surprenant, c’est qu’il ait fallu attendre 30 ans pour que TF1 commercialise ses audiences en Belgique. C’était inévitable. On dénonce un acteur étranger qui vient en Belgique mais regardez l’actionnariat des groupes télés en Belgique. RTL et SBS non plus ne sont pas belges. (NDLR : actionnariat luxembourgeois pour le premier, américain pour le second). Oui, mais ces acteurs sont fortement implantés en Belgique et y investissent… KD TF1 investit déjà en Belgique, notamment en collaboration avec la RTBF. On ne peut pas attendre de TF1 qu’il fasse tout tout de suite. RTL a une avance de 30 ans. Cela viendra. Et puis on se trompe de cible. Pour moi, les loups, ce sont plus Google et Facebook que les groupes télés traditionnels qui respectent l’écosystème existant. Les débuts de TF1 en Belgique semblent assez poussifs. On a vu dans les écrans publicitaires beaucoup de spots d’auto-promo ou pour des ONG (non payants). Parfois les mêmes spots étaient diffusés plusieurs fois… BDS C’est vrai qu’au début (NDLR : septembre), on a eu recours à du remplissage mais la situation évolue. Chaque semaine, on ouvre de nouveaux écrans. Aujourd’hui, on est à 14 écrans par jour, soit un tiers de la totalité des écrans TF1. On a réalisé sur 2017 des revenus bruts de 13 millions d’euros (hors pub « gratuite » : échanges, autopromo…). Plus de quarante annonceurs nous ont fait confiance dont BNP Paribas, Delhaize, Base… Nos objectifs ont été dépassés et TF1 est satisfait. Depuis la rentrée, TF1 a réalisé sa plus faible audience depuis 11 ans. Ce n’est pas le contexte idéal pour se lancer… KD RTL a avancé beaucoup de programmes pour les concentrer durant septembre – octobre, ce qui a fait baisser les audiences de TF1 mais la situation est déjà différente en novembre. Quoi qu’il en soit, TF1 reste leader en prime time le week-end et numéro deux le reste de la semaine. Il faut aussi analyser où l’audience baisse. Ce n’est pas lors des prime time autour desquels nous commercialisons nos spots mais plutôt le matin. BDS On apporte 33 à 35% de l’audience achetable (NDLR : celle réalisée par les écrans publicitaires de toutes les chaînes). C’est une audience que les annonceurs ne voyaient même plus en Belgique. Elle était devenue invisible. Aujourd’hui, on leur donne accès à celle-ci. Dans ce contexte, la baisse d’audience de TF1 n’est pas un problème. Quels sont vos objectifs de revenus pour 2018 ? BDS On ne donne aucun objectif chiffré. Nous allons continuer à implanter TF1 sur le marché belge. Nous avons la chance que TF1 nous donne la possibilité d’avancer de façon progressive et réaliste. Il veut être là pour le long terme. Pour lui, ce n’est pas un sprint mais un marathon. L’avantage, c’est que nous pouvons cette fois participer aux négociations qui permettent la conclusion d’accords à l’année avec des annonceurs. En 2017, on n’a pu signer ce genre de contrats car on a commencé la commercialisation en cours d’année. Comment se passent ces négociations ? La concurrence entre régies est-elle rude ? KD Oui. IP est très agressif sur les prix mais on ne compte pas pour autant changer notre politique commerciale. On aligne nos tarifs sur ceux de La Une. TF1 préfère se fixer des objectifs réalistes plutôt que de mettre la pression sur les prix pour obtenir rapidement des parts de marché. Combien d’écrans comptez-vous ouvrir en 2018 ? KR On devrait dépasser en début d’année la barre des 50 % d’écrans publicitaires belges sur TF1. Pour la fin 2018, tous les écrans seront-ils « belges » ? KD On ne peut pas aller au-delà de 90 % pour des questions de droits d’auteur. Atteindra-t-on ce chiffre ? C’est encore un peu tôt pour le dire. Tout dépendra du succès des négociations avec les annonceurs qui auront lieu en début d’année.

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