Les politiques sur Twitter, des drôles d’oiseaux un peu maladroits

Nicolas Vanderbiest est un spécialiste des nouveaux médias, chroniqueur dans l’émission « A votre avis » (RTBF). Il scrute quotidiennement l’activité de la classe politique sur Twitter. Des drôles d’oiseaux qui utilisent encore très mal cet outil particulier. Que peut-on apprendre de l’analyse de l’utilisation de Twitter par les partis et les hommes politiques ? On voit bien qu’il y a des pratiques par parti qui sont différentes. Ecolo tweete plus que le CDH qui est dans les abîmes depuis des années sur ce plan. L’activité de l’ensemble des élus du CDH sur une année représente un mois de celle du PTB ou d’Ecolo, en volume. [scald=11724282:sdl_editor_representation] Cette présence peut-elle expliquer pourquoi le CDH recule dans les sondages, à l’inverse du PTB ou d’Ecolo ? Je n’en sais rien. Twitter n’est pas le média qui va permettre de toucher une audience grande et éparse. C’est un média de niche qui touche les journalistes, les ONG et les catégories socioprofessionnelles supérieures, à l’inverse de Facebook, de la télé ou de la radio. Peut-on pour autant se permettre d’y être discret ? Non. C’est un média de répercussion qui va activer les autres médias. Ne pas tweeter, c’est se priver d’un bon potentiel de reprise et d’audience. Comme tous les journalistes y sont, il vaut mieux être sur Twitter. Cela permet d’avoir une prise de parole qui est notée et reprise, bien plus qu’un communiqué à l’ancienne. Le champ lexical choisi par les politiques correspond-il en général aux matières qu’ils traitent ou aux enjeux de leur parti ? Oui. Je réalise le nuage des mots pour les politiques invités dans « A votre avis ». Il y a des constantes en fonction des matières suivies mais aussi de la ville dont ils proviennent. Comme ils tweetent souvent sur leur ville, c’est un des mots qui revient souvent. Y compris pour les partis qui ont un ancrage local moins fort. Les hommes politiques utilisent les réseaux sociaux de façon nombrilistes. Ils s’y montrent eux-mêmes en scène. Ainsi les communicants qui gèrent le compte de Fadila Laanan ont tendance à montrer ce qu’elle fait et où elle est. Aujourd’hui, il est difficilement défendable de ne pas être sur Twitter. Certains essaient-ils de produire des pensées ou des aphorismes sur Twitter, comme Edgar Morin ou Bernard Pivot ? Non. Je ne pense pas que ce soit leur rôle. Un Pivot peut le faire mais on se moquerait des politiques s’ils faisaient cela. Didier Reynders joue même au jeu de la météo tous les soirs, en évoquant le temps qu’il fera mais c’est du second degré et on en rigole. De plus, la plupart des hommes politiques ne gèrent pas eux-mêmes leur compte Twitter. Benoît Lutgen a longtemps été absent de Twitter car il considérait que s’il y était, il devait gérer lui-même son compte. N’est-ce pas plus sage, en définitive ? Aujourd’hui, il est difficilement défendable de ne pas être sur Twitter. C’est afficher un côté vieillot. La nouvelle garde en politique, ce sont des « serial twitter ». Georges-Louis Bouchez (MR) en joue beaucoup. Mathieu Bihet (président des Jeunes MR) aussi. L’arrivée de Benoît Lutgen sur Twitter est la preuve irréfutable de cet état de fait : il disait ne pas vouloir y aller et pourtant, il y est. Y a-t-il un politique qui utilise Twitter de façon idéale ? Il ne faut pas avoir une vision normative. Ces gens utilisent Twitter en fonction de leur personnalité. Mais se contenter de montrer où l’on est allé, c’est trop court. Ecolo l’utilise très, très bien, avec un bon taux de retweet. Le politique doit s’approprier cet outil en adéquation avec qui il est. Et la façon de l’utiliser évolue avec le temps et la fonction que l’on occupe. Un député de l’opposition ne va pas en faire le même usage qu’un Premier ministre. Chaque tweet est une bouteille à la mer. Y a-t-il d’autres facteurs influents ? Ceux qui étaient Premier ministre à un moment profitent d’une audience internationale. Le nombre de leurs followers a augmenté, principalement en raison de cette affluence étrangère. Un autre facteur, c’est l’année d’inscription. Ceux qui se sont inscrits sur Twitter lors de la première vague de 2009, disposent de plus de followers. Car quand on veut s’inscrire, on doit suivre un certain nombre de comptes qui nous sont proposés par Twitter. Et ce sont ceux qui disposent d’un plus grand nombre de followers. Enfin, en Flandre, on est plus actif sur Twitter qu’en Wallonie. Cela tient au fait que ce média a plus d’audience dans cette région que dans la partie francophone du pays. Le volume d’activité reste néanmoins prépondérant… Chaque tweet est une bouteille à la mer. Pus vous en envoyez, plus vous avez de chance que l’une d’elle soit reçue. Autrement dit, plus on tweet, plus on a des capacités de retweet, ce qui permet de décloisonner les communautés qui nous suivent et de recruter sur des terres qui ne sont pas les nôtres. Un homme politique qui va tweeter sur le football et voir son message retweeté par un footballeur ou un amateur de football, aura plus de chances de voir celui-ci reçu dans la communauté des amateurs de football. Cela se remarque dans les audiences. Catherine Fonck (CDH) par exemple, possède une communauté dans la médecine et le monde hospitalier. Elle peut ainsi spécialiser sa communication et atteindre une communauté que d’autres ne toucheraient pas. Ainsi, si les communicants travaillant pour un parti se coordonnaient pour tous se retweeter, cela leur permettrait d’enclencher le trends topic (sujets les plus discutés sur les réseaux sociaux) et de mutualiser leur audience. Twitter et les réseaux sociaux, c’est s’adresser à la bonne personne, la bonne communauté, avec les bons messages. Or les politiques ont une méconnaissance de Twitter à ce niveau-là. Ils postent des messages et pensent qu’ils seront automatiquement lus. C’est une erreur.

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