Et pendant ce temps, la Hongrie s’est isolée de la crise des réfugiés…

Les semaines passent et la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Croatie, la Slovénie et l’Autriche sont le théâtre d’une même scène, qui se répète quotidiennement : des centaines de demandeurs d’asile qui avancent – en bus, en train, en taxi – vers l’Allemagne , la Suède, les Pays-Bas, la Belgique… [scald=180369:sdl_editor_representation] Le mois dernier, la Hongrie faisait encore partie des pays de transit des réfugiés. Mais depuis le 16 octobre, elle a fermé sa frontière avec la Croatie, avec une clôture barbelée de quatre mètres de haut – un mur, autrement dit. Le 15 septembre, elle avait fait de même à sa frontière avec la Serbie, après avoir adopté des lois communément appelées « antimigrants » (trois ans de prison pour les réfugiés qui entrent illégalement sur le territoire hongrois ; cinq ans si la personne a endommagé la clôture). Conséquence : depuis la mi-octobre, presque plus aucun réfugié ne s’est aventuré en Hongrie. 1 Combien de réfugiés reste-t-il en Hongrie ? Sur les 300.000 réfugiés qui sont passés par la Hongrie entre janvier et début octobre, il n’en reste que 11.917 dans le pays. Au total, 869 d’entre eux attendent dans des centres d’accueil, le temps que l’asile leur soit accordé, et 11.048 autres sont « détenus » par les autorités – d’après les données et les termes employés par un porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). Ils sont « en détention » soit parce qu’ils ont franchi illégalement la frontière hongroise (c’est le cas de 889 réfugiés), soit parce que leurs demandes d’asile n’ont pas encore été évaluées. Le nombre de réfugiés présents en Hongrie (11.917) ne va probablement pas augmenter : peu de « nouveaux » réfugiés se présentent aux postes frontières hongrois. Lorsque c’est le cas, et qu’ils introduisent une demande d’asile, la Hongrie les renvoie généralement en Serbie, jouant sur le fait qu’ils arrivent de ce pays sûr et qu’ils doivent donc y retourner. 2 Viktor Orban crie-t-il victoire ? Ne plus avoir de réfugiés en Hongrie était l’objectif du Premier ministre nationaliste hongrois. Mais alors que la route migratoire évite désormais la Hongrie, Viktor Oban, très probablement satisfait de ce constat, se fait relativement discret. On l’a tout juste entendu réagir à la mise en place de barbelés à la frontière entre la Slovénie et la Croatie : « Plusieurs pays, en Europe, aimeraient être à la place de la Hongrie aujourd’hui, un pays qui a su reconnaître à temps la nature et l’ampleur du danger que représente l’immigration illégale », a-t-il ironisé mardi. En Hongrie, les journaux proches du parti Fidesz (le parti de Viktor Orban) parlent certes d’une nette victoire politique, mais à l’étranger, son discours antimigrant et les déclarations par lesquelles il crierait victoire ne sont plus (ou pas) relayés. Pourquoi ce « silence » de Viktor Orban ? La Hongrie est le seul pays européen à s’être si ouvertement « débarrassée » de la crise migratoire et, pour l’avoir fait, elle est loin d’être soutenue par les autres pays européens. Si ce n’est peut-être la Slovaquie, la République tchèque et la Roumanie qui avaient également rejeté en septembre le plan de répartition des 160.000 réfugiés entre les pays européens… Alors que la tendance est encore globalement à l’accueil des réfugiés au sein des 28, la Hongrie fait profil bas sur la scène européenne. Ce qui n’empêche pas Viktor Orban de s’en prendre, dans ses déclarations aux Hongrois, désormais davantage à Bruxelles, aux bureaucrates des institutions européennes et à Angela Merkel qu’aux réfugiés, nous indique un observateur de la politique hongroise. Mais concernant la chancelière allemande, Viktor Orban n’a pas intérêt à formuler de trop vives critiques : le Fidesz et la CDU (le parti d’Angela Merkel) siègent tous deux au Parti populaire européen (PPE), dont Orban doit veiller à ne pas se faire éjecter… 3 Orban est-il encore vivement critiqué ? Depuis que l’on entend moins parler des réfugiés en Hongrie, les critiques envers Viktor Orban ont aussi disparu de l’actualité… Cependant, certaines procédures sont en cours : la Commission européenne, bien qu’elle ne se soit jamais prononcée ouvertement contre Viktor Orban, avait envoyé, en octobre, une lettre au gouvernement hongrois, demandant des explications sur la politique « antimigrants » de Budapest (des questions sur les lois adoptées en septembre, sur les conditions d’accueil aux postes frontières, etc.). La Commission a reçu les réponses hongroises le 4 novembre. Elle est en train d’en analyser la compatibilité avec la législation européenne. En cas d’incompatibilité, des procédures d’infractions pourront être lancées. 4 Qu’en pensent les Hongrois ? La cote de popularité de Viktor Orban serait en train d’augmenter, en Hongrie. Bien que les sondages ne soient pas vraiment fiables, souligne une source hongroise, le Fidesz est en train de gagner des points (alors qu’il en avait perdu il y a un an, lorsque des manifestations antigouvernementales faisaient rage à Budapest). Les manifestations ne sont plus dans l’air… Le soutien aux réfugiés, organisé en septembre par la société civile à Budapest surtout, non plus. L’opinion publique, qui reste divisée sur la question des actes politiques posés ces derniers mois par Viktor Orban, soutiendrait tout de même davantage le Premier ministre hongrois que l’inverse. Même au sein du parti socialiste (parti d’opposition, mais sans grande influence), une partie des politiques est passée dans le camp « antimigrants ». L’ancien président du parti socialiste a déclaré qu’il n’y avait pas, pour l’instant, de meilleure solution à la crise qu’une clôture de barbelés. Si la population hongroise approuve la politique de Viktor Orban, c’est notamment parce que ce dernier les y a conditionnés, bien avant les arrivées massives de réfugiés de cet été. En janvier déjà, une large campagne « anti-migrants » (contre les migrants économiques, dans un premier temps) avait commencé en Hongrie. En mars, un questionnaire avait été envoyé à toute la population (mais rédigé uniquement en hongrois !) pour sonder l’opinion sur le traitement à réserver aux migrants clandestins. Le texte d’introduction suggérait un lien entre migration et attaques terroristes…

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