Droits humains: «Les politiques invoquent la discrétion, mais il n’y a pas de résultats»

Entre contrats et contacts politiques, on peut se demander quelle est la place des droits humains dans une visite comme celle qu’Emmanuel Macron vient d’achever en Chine. Nous avons posé la question à Philippe Givron, qui est coordinateur Chine pour Amnesty International Belgique francophone. Une visite officielle est-elle le meilleur moment pour parler de droits humains avec les dirigeants chinois ? Lorsqu’on fait le débriefing des visites de responsables européens dans des pays où il y a des problèmes, ils invoquent tous la nécessité en la matière d’une diplomatie discrète qui serait plus efficace que les grandes déclarations publiques. Mais quand on constate ensuite une absence de résultats, on n’est pas sûr que le message soit réellement passé. Or la Chine est très sensible à son image à l’étranger, elle veut apparaître comme un partenaire crédible, fiable et respectable. On aimerait donc voir nos responsables se montrer moins timides sur ces sujets. En matière de droits humains en Chine, la tendance est plutôt à un durcissement ? L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping il y a 5 ans avait soulevé de grands espoirs, mais on a assisté depuis à une lente dégradation. Il y a eu quelques mesures positives, comme une réduction du nombre de crimes passibles de la peine de mort. Un autre texte de loi a affirmé que des aveux obtenus sous la torture ne pouvaient pas être utilisés. Mais parallèlement, on a assisté à de nombreux reculs. La liberté d’expression y est cadenassée. La Chine figure parmi les pires pays dans le classement de la liberté de presse établi par Reporters sans frontières : 176e sur 180. Le cyberespace est soumis à un contrôle intense : les citoyens chinois n’ont accès ni à une information nationale libre ni aux médias internationaux. Ceux qui tentent de franchir la “muraille de Chine virtuelle” courent de grands risques. Une loi dite de sécurité nationale assimile en outre le Parti communiste à l’Etat : toute opposition au PC est considérée comme une menace à la stabilité nationale et donc lourdement punie. Certains paient leur indépendance d’esprit au prix fort… Le plus connu est le prix Nobel de la Paix Liu Xiaobo qui est mort en détention. Et son épouse Liu Xia, qui n’a jamais été accusée d’aucun crime, est moralement bâillonnée, perpétuellement surveillée, ce qui l’a rendue malade. Mais il y a de nombreux autres cas, comme celui de Su Chan Glan qui a purgé la peine de trois ans de prison à laquelle elle avait été condamnée : c’est une militante des droits des femmes qui s’est mobilisée pour défendre de multiples causes humanitaires. Elle a été libérée mais est toujours sous surveillance. Et on se rend compte que la plupart du temps, les familles des militants des droits humains sont elles aussi persécutées. Alors que la Chine a fait de grands progrès en modernisant considérablement son secteur de l’éducation et celui de la santé, la situation est catastrophique en matière de droits civils et politiques. Même en Belgique, des citoyens chinois redoutent de s’exprimer sur des sujets délicats, tant ils redoutent la délation. Par ailleurs, toutes les pratiques religieuses sont strictement contrôlées par l’Etat, et les régions du Tibet et du Xinjiang font l’objet de mesures liberticides.

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