Terrassé au Moyen-Orient, Daesh reste une menace mondiale

Que reste-t-il de ce fameux « État islamique » – ou Daesh – qui a épouvanté le monde et conquis une moitié de la Syrie et un quart de l’Irak ? L’année 2017 aura été fatale au « califat » proclamé par Abou Bakr al-Baghdadi à Mossoul en juin 2014. Écrasé sous les bombes, Daesh n’est plus que l’ombre de ce qu’il était, mais il serait bien présomptueux de conclure que les djihadistes seraient hors d’état de nuire. Certes, une vaste coalition aérienne mise sur pied dès août 2014 par les États-Unis avec le concours de nombreux alliés (dont la Belgique) a frappé sans relâche les fiefs du « califat » en Irak comme en Syrie. La mobilisation, dans le premier pays, de l’armée nationale aidée par des milices chiites armées par l’Iran a fini par faire la différence. Au prix de la destruction de plusieurs villes dont Mossoul, seconde cité d’Irak. En Syrie, pendant que le régime et l’aviation russe feignaient de combattre Daesh, ce sont surtout les milices kurdes, aidées par les forces spéciales US, qui ont eu raison des djihadistes, avec ici aussi des villes annihilées, comme la « capitale » de Daesh, Raqqa. Les djihadistes n’ont pas disparu et contrôlent encore des villages et des bandes de terres éparses dans diverses sections de Syrie et d’Irak, mais ils sont en déroute militaire. « En termes pratiques, écrit dans le quotidien émirati The National le chercheur d’origine syrienne Hassan Hassan, cela signifie que le monde ne fait plus face à une menace de la même échelle. L’élan qui avait permis à l’organisation d’attirer des milliers de combattants étrangers et leurs familles est tari. La capacité du groupe de croître et de menacer d’autres pays a été sérieusement réduite. L’EI subit une énorme pression, il est à son point le plus bas depuis 2014 en termes de main-d’œuvre, de finances et de capacité d’attaquer ou de se défendre. Résultat : son idéologie et son pouvoir d’attraction ont également été sapés. » Que sont devenus les combattants djihadistes ? Ils étaient des dizaines de milliers sur le terrain, dont 40.000 volontaires étrangers, estime-t-on. La majorité est sans doute morte dans les bombardements et les combats. Mais des milliers ont survécu et cherchent, pour les étrangers, soit à rentrer dans leur pays d’origine, soit à se reconvertir sur d’autres théâtres d’opération. Car la « marque » Daesh s’est exportée avec succès. Comme le constatait la ministre française de la Défense Florence Parly le 31 octobre dernier, « le chant du cygne de Daesh s’accompagne de nouvelles actions terroristes clandestines, parfois spectaculaires et la notoriété virtuelle de l’organisation reste tout à fait intacte. Au Sahel, au Nigeria, au Levant, au Yémen ou aux Philippines, on trouve des territoires où se répandent encore les métastases de la haine aveugle ». Haine aveugle ou pas, force est en effet de constater que les raisons mêmes des succès de Daesh restent souvent présentes. Même la Syrie et l’Irak ne peuvent considérer qu’ils se sont débarrassés du problème djihadiste, loin de là. « Les mêmes causes produiront les mêmes effets, soulignait sur son blog l’expert français Jean-Pierre Filiu le 12 novembre dernier. En pire. Si la population arabe et sunnite, majoritaire en Syrie, minoritaire en Irak, se voit privée de tout pouvoir réel, voire soumise à de sanglants règlements de compte, les djihadistes apparaîtront comme un recours. » Une fois de plus, en effet. Ailleurs dans le monde, Daesh – et ses « métastases » – risquent d’encore nuire, et pour longtemps. « Il n’y aura certainement plus, en France, en Amérique ou ailleurs, de gros attentats téléguidés de l’étranger, à l’image de ceux du 13 novembre 2015 à Paris, se risquait à prédire pour l’AFP l’ancien agent de la CIA Marc Sageman le 16 décembre. Désormais ceux qui font des attentats se mobilisent seuls, en s’imaginant soldats d’une communauté islamique idéalisée voire fantasmée, qu’ils veulent défendre ou venger. » Les exemples abondent déjà. Car, si les vétérans revenus du Levant incarnent la suspicion même, les chiffres ne mentent pas, comme le relevait l’expert Thomas Sanderson pour la même Agence France Presse : « Sur les 19 dernières attaques majeures qui ont eu lieu en Europe, 17 ont été menées sans aucun rapport avec des éléments extérieurs ». Le Belge Jonathan Piron, conseiller à Etopia, concluait ainsi une très pertinente tribune libre dans Le Vif le 25 février 2016 déjà : « Si nous voulons réussir à éradiquer complètement la menace que représente l'État islamique, il est de notre devoir de comprendre les réalités historiques et politiques qui permettent son enracinement. (...) Il est ainsi proprement sidérant qu'aucune réelle alternative post-Daesh incluant à la fois l'Irak et la Syrie n'ait encore fait l'objet d'un vrai débat, tant ici que là-bas. De même que la dynamique de peur qui s'étend ici et son instrumentalisation par les mouvements racistes et populistes contribue au renforcement de la dynamique terroriste. Le délitement de l'Europe face à la crise des réfugiés syriens et le repli sur le tout au sécuritaire ainsi que le tout identitaire est la pire des solutions à suivre. »

Votre compte

Terrassé au Moyen-Orient, Daesh reste une menace mondiale

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Proche-Orient

Sept blessés, dont deux grièvement, dans une attaque contre un bus à Jérusalem

Décodage Proche-Orient: les partis gazaouis affirment leur unité contre Israël

Podcast - Coupe du monde: le Qatar doit encore faire ses preuves

Reportage Proche-Orient: la dernière bataille enfonce toujours plus Gaza dans un siège sans fin

Israël: Yair Lapid sort renforcé de la confrontation avec le Jihad islamique

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Salman Rushdie «sur la voie du rétablissement» malgré de «graves» blessures, selon son agent

Des orages attendus lundi: le numéro 1722 activé en raison d’un risque de tempête ou d’inondation

La mobilisation déguisée de mercenaires par l’armée russe défaillante

Banques, postes, supermarchés…: ce qui est ouvert et fermé ce lundi de l’Assomption

Centrale nucléaire de Zaporijjia: «Les risques augmentent chaque jour»

Quelle banque choisir pour ses ados?

Gestion des salaires : quand la Belgique est à la pointe de la technologie

Combiner travail et études : voici vos droits et obligations

Voiture de société et grandes vacances : tout ce qu’il faut savoir

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel