Notaires: «Les jeunes, pas propriétaires à tout prix»


Renaud Grégoire est notaire à Moha, dans la commune de Wanze. Il est également le porte-parole de la Fédération royale du notariat belge. Au vu des cas qui lui sont soumis quotidiennement dans son étude, il tente de brosser un portrait de ce que nous réserve 2018.
L’attitude des banques tout d’abord. « Depuis un an ou deux, elles ont resserré la vis, dit-il ainsi. Aujourd’hui, si vous ne disposez pas de 20.000 euros en argent propre, vous aurez beaucoup de mal à devenir propriétaire. Si les banques la resserrent davantage, les plus démunis auront encore plus de difficultés. »
Conséquence : pour acheter, de plus en plus de gens souscrivent un crédit à la consommation dont les taux sont limités dans le temps (maximum 8 ans). « Beaucoup d’acheteurs doivent rembourser cet emprunt en plus des rentes mensuelles pour leur logement, constate avec inquiétude Renaud Grégoire. Si un problème survient dans les 2 ou 3 premières années après l’acquisition, comme une chaudière à remplacer ou un problème de toiture par exemple, le propriétaire se retrouve avec davantage de dettes que d’actifs. Nous autres notaires sommes conscients de ce problème grandissant mais nous n’avons aucune prise. Nous voyons souvent revenir nos clients après quelques semaines. Ils n’ont d’autre choix que de revendre. Et s’ils ont acheté cher et vilain, à un prix supérieur au marché, le cocktail peut devenir carrément explosif… »
Les taux d’intérêt ensuite. « Nous savons tous qu’ils vont remonter doucement, note le notaire. Pour l’acquéreur lambda, cela ne va pas changer grand-chose car le nombre d’achats restera sensiblement le même. Mais pour les investisseurs, très nombreux sur le marché aujourd’hui, cela va changer la donne. Ils seront moins nombreux puisque si les taux remontent, on peut supposer que les banques remonteront également les taux des livrets d’épargne et la tentation de se tourner vers l’immobilier comme valeur refuge sera donc moins évidente. »
Un message à l’égard des promoteurs qui doivent être, plus que jamais, sur leurs gardes. « Oui, car il pourrait y avoir un effet en cascade sur les prix, relève Renaud Grégoire. Moins d’investisseurs veut dire moins de ventes, donc prix à la baisse. Aujourd’hui, l’appartement est le bien le plus recherché dans les nouvelles promotions, c’est une évidence. Mais nous vivons dans une période où les gens ont acquis une telle liberté d’action que le marché pourrait être malsain, même si j’ai la conviction qu’on ne risque pas de bulle immobilière en Belgique. On vend, on achète, on transforme, on se quitte en un claquement de doigts. J’ai des clients qui se séparent après la signature du compromis et tant pis s’ils doivent payer 10 % d’indemnités. Et je ne vous parle même pas de ceux qui se séparent après l’achat d’un logement… »
Le porte-parole des notaires perçoit toutefois un point positif : la suppression des droits d’enregistrement jusqu’à 175.000 euros pour une première habitation à Bruxelles. Une mesure qui a également été annoncée par le gouvernement wallon même si on ignore encore quand elle entrera en vigueur dans le sud du pays. « C’est une bonne mesure qui incite le Belge à rester propriétaire de son logement, explique Renaud Grégoire. Et l’État a intérêt à ce que les gens soient propriétaires, puisque cela limite la paupérisation. Reste à voir ce que fera la génération suivante, qui a un rapport différent à la propriété. »
Le notaire fait référence ici à la génération Y, celle qui rêve de libertés et d’aventures et qui n’hésite pas à mettre son logement en Airbnb pendant les vacances. « Ces jeunes-là ne souhaitent plus devenir propriétaires à tout prix et recherchent des logements pratiques, sans jardin, pour avoir le moins de contraintes possible, relève notre interlocuteur. Personnellement, je vois passer énormément de dossiers où les parents voudraient effectuer une donation de leur bien mais les enfants refusent ! Beaucoup de gens prédisent que cette génération Y va droit dans le mur mais je suis certain que nos parents disaient la même chose de nous… »
Dernier point, qui est directement lié au précédent : l’inadéquation entre l’offre et la demande. « À ce sujet, il faut savoir que les gros projets immobiliers qui vont sortir de terre ont été conçus il y a déjà 4 ou 5 ans et ne correspondent plus à la réalité, note Renaud Grégoire. Je fais surtout référence aux grands immeubles à appartements. Ce qu’il faut aujourd’hui, ce sont des logements participatifs, évolutifs, qui développent le côté durable à l’instar de ce qui a été fait à Louvain-la-Neuve où le piétonnier occupe une place prépondérante. Les jeunes, et même les moins jeunes, rêvent désormais de voyages et d’activités diverses et ils se retrouvent face à un habitat en décalage. »
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