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Les stades de football, derniers bastions du racisme ou miroirs de la société

Le 27 décembre, le joueur du Standard Uche Agbo a été victime de cris racistes lors du déplacement des Rouches à Courtrai dans le cadre du championnat de Belgique. De tels comportements ne se limitent pas au monde du ballon rond.

Carte blanche - Temps de lecture: 4 min

Les stades de football du Royaume et d’ailleurs sont régulièrement le théâtre d’événements à caractère raciste. Derniers épisodes en date chez nous : les insultes racistes subies au bien nommé Stade des éperons d’or de Courtai par le joueur nigérian du Standard Uche Agbo et les chants anti-wallons entonnés par une partie des supporteurs de KV Kortrijk durant la soirée.

Ces graves événements ne sont malheureusement que la pointe médiatisée de l’iceberg. Les comportements et gestes racistes abondent autour et sur les terrains de football du pays semaine après semaine et ce, qu’il s’agisse des rencontres de jeunes, de celles des séniors ou même des compétitions de vétérans auxquelles je participe depuis 20 ans en tant que joueur d’un club de l’ABSSA. Je pourrai relater un florilège d’exemples que j’ai moi-même observés au fil des ans. Je n’en mentionnerai qu’un : lors d’une rencontre que je disputais et qui était dirigée par un jeune arbitre africain, des joueurs de l’équipe adverse trouvaient drôle de s’adresser à lui en imitant un accent africain.

Des traces puissantes et pernicieuses

Peut-on pour autant en conclure que le monde du football est un des derniers bastions du racisme ? Je ne le pense pas. Cette conclusion au-delà d’être simpliste, contribue à stigmatiser un milieu, le monde du football et ce faisant, elle permet de se racheter une vertu à peu de frais. Car en effet, si les attitudes, les gestes, les comportements racistes sont légion dans le football professionnel et amateur, c’est parce qu’ils sont légion dans les autres espaces de la vie quotidienne et souvent aussi dans nos institutions, y compris les institutions politiques. Le monde du football est en fait comme un miroir, certes pas toujours totalement fidèle, de notre société. Le racisme et les idéologies racistes ont laissé des traces puissantes dans notre culture. Elles sont d’autant plus pernicieuses que parfois elles sont inconscientes. Le racisme au quotidien est partout dans la rue, sur internet, dans les transports en commun. Il l’est parfois aussi dans nos institutions en dépit de l’existence d’excellentes législations pour le contrer. Il est aussi parfois plus ou moins adroitement utilisé par certains responsables politiques qui usent et abusent de tweets et de vidéos parfois très nauséabonds.

Des exemples positifs existent aussi

Par ailleurs, si le racisme est partout, il n’est heureusement pas accepté, encouragé, toléré par tout le monde, ni dans le football, ni dans la société dans son ensemble. Ainsi, dans le football professionnel, certains groupes de supporteurs en Belgique comme ailleurs se positionnent clairement contre le racisme et le fascisme. C’est le cas des Ultra Infernos du Standard de Liège que certains journalistes qualifient parfois de « veaux » de manière très insultante. Ils font partie d’un réseau international rassemblant des groupes de supporteurs partageant les mêmes valeurs antiracistes et antifascistes. Au niveau du football amateur, je peux citer mon club qui bien qu’étant à l’origine britannique, accueille des joueurs de nombreuses nationalités européennes, africaines, latino-américaines, de différentes religions, de différents milieux sociaux, à un point tel qu’on pourrait imaginer de changer son nom de British United à World United. A nouveau, le football reproduit, de manière plus ou moins fidèle, des logiques et des tendances à l’œuvre dans la société dans son ensemble.

De la nécessité de gestes forts

Cela dit, la responsabilité des instances qui gèrent le football est immense car il s’agit d’un des sports et d’un des spectacles les plus populaires au monde. Il est temps d’aller plus loin que les actions symboliques telles que les différentes campagnes médiatiques comme la campagne Respect et d’autres. Les autorités du football doivent bien sûr respecter intégralement les lois du pays. Il ne peut pas se constituer en juridiction séparée. A cet égard, la décision du Standard de Liège de saisir la loi dans le cas Agbo me paraît forte et utile. Mais au-delà, les autorités du football pourraient mieux prendre conscience de son rôle éducatif afin que ce sport devienne réellement une arme en faveur d’une société diversifiée et respectueuse. Former les éducateurs des jeunes footballeurs. Les 10.000 euros d’amende infligés au club de Courtrai ne vont hélas pas dans ce sens. Arrêter la partie en expliquant en direct les motifs aux spectateurs aurait été un geste plus fort combinant la sanction et la pédagogie et susceptible de produire à terme des effets positifs.

 

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