Les polices locales, mines de renseignement concernant le terrorisme

Il faut se plonger dans l’incroyable révolution qu’ont traversée ces dernières années les zones de police, non seulement en matière de technologie (les agents de terrain sont parfois devenus de véritables spécialistes de l’intervention de police scientifique sur smartphones) mais aussi en matière de recueil et analyse du renseignement en temps réel (real time intelligence). Certains arrondissements ont vu les polices locales mobilisées dans des expériences d’analyse et renseignement tactique qui n’ont parfois rien à envier aux services nationaux de renseignement. Ainsi, dans l’arrondissement de Mons-Tournai, a été mis en place un service de diagnostic policier, tant pour les infractions criminelles que pour la priorité radicalisme-terrorisme, qui permet à l’arrondissement et à chaque zone de police d’avoir une compréhension détaillée, en temps (presque) réel, des faits criminels (les « flux » ou phénomènes criminels), du milieu (que ce soit les auteurs ou les organisations) et des « territoires » qu’abrite chaque zone de police. Les territoires sont soit les lieux où se commettent les infractions (terrain de chasse), les lieux où vivent les criminels (sanctuaires), ou les lieux où ils se rencontrent et ont une vie sociale (lieux de loisir). Importance C’est là qu’une police locale a toute son importance : par exemple, en 2010, Lors Doukaïev se fait exploser à Copenhague, mais son sanctuaire est Liège et son lieu de loisir est une salle de sport où se retrouvent des policiers. Bien tuyautée, la police locale peut donc avoir un impact sur un attentat international. Demain peut-être, une police locale sera confrontée au titulaire d’une immatriculation de véhicule relevée vendredi soir à Paris. C’est ainsi qu’en pratique, chaque corps de police locale de Belgique se trouve aujourd’hui confronté à des criminels mais aussi des radicaux, qu’il doit comprendre, surveiller et sur lesquels, si possible, il devra travailler de manière proactive. Et ce qui est valable dans la lutte contre le crime est aussi valable dans la lutte contre le radicalo-terrorisme, d’autant qu’existent des interconnexions entre l’un et l’autre mondes. Cela suppose du renseignement utile, pas des statistiques trimestrielles comme en établit la Banque de données nationale générale (BNG) de la police fédérale. Cela nécessite la communication chaque jour renouvelée des données pertinentes reprises dans les PV d’autres polices. Pour obtenir cette instantanéité du renseignement, dans l’arrondissement de Mons-Tournai et bientôt à Charleroi, la base de données de l’arrondissement – qu’on appelle Carrefour d’information d’arrondissement (CIA) – a désormais accès en direct aux PV des polices locales via le ISLP (Integrated System for the Local Police), le système informatique de rédaction des procès-verbaux. L’extraction informatique d’un système vers l’autre est chaque jour automatique. Des nœuds et des réseaux A l’instar de ce que fait la BNG au niveau national, ce renseignement est ensuite traité, fait l’objet d’analyses stratégiques. Tous les faits et les auteurs sont agglomérés, et l’analyse en fait ressortir des « nœuds ». De ces nœuds sont établis des « réseaux », sur base des contacts fréquents que l’une et l’autre personnes entretiennent. Il reste à compléter ce renseignement par un volet davantage sociologique, plutôt socio-géographique, sur la structure des populations, les zones à risque, les voies de communication, etc. C’est système n’a rien de théorique, il est très pratique : dans l’arrondissement de Mons-Tournai, 4.000 personnes sont ainsi répertoriées dans près de 80 réseaux, certains très locaux, d’autre de dimension nationale, le plus vaste de ces réseaux dépassant cent membres. Certains de ces réseaux sont mixtes : criminels et terroristes. Lorsque le policier local visualise ce renseignement essentiellement criminel, il y voit aussi apparaître des radicaux, parfois même des suspects de terrorisme liés à des attentats étrangers, et il sait comment agir. Car chaque zone de police de cet arrondissement, même la plus petite, même rurale, s’engage à travailler au moins sur un réseau de manière proactive, ce qui permet une couverture serrée du territoire.

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