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«La gauche doit choisir entre des frontières ouvertes et l’Etat providence»: la carte blanche de Bart De Wever

Pour Bart De Wever, ouvrir les frontières aux migrants comme le préconise, selon lui, la gauche, mettra le fonctionnement actuel de la Sécurité sociale en péril. Sa carte blanche, publiée dans le « Morgen »

Temps de lecture: 7 min

La crise migratoire a confronté l'Europe à son propre nihilisme moral. Les citoyens qui forment une chaîne humaine autour de la Gare du Nord, ou qui apportent leur soutien aux migrants en transit touchent une corde sensible en chacun d'entre nous. Soudain, nous sommes tous confrontés à une question séculaire : que signifie être un homme bon ? Quelles sont nos obligations ? Et envers qui ? L'héritage chrétien dont nous avons hérité de Dieu nous dicte que nous devons traiter notre prochain comme nous-mêmes. Mais qui est notre prochain ?

Industrie de gauche

Dans ce désespoir moral, une industrie d'avocats, d'ONG et de militants de gauche a trouvé un véritable fonds de commerce. Selon eux, ce gouvernement mène une politique inhumaine, égoïste et sans cœur. Il s’agit d’une forme subtile de chantage moral. En effet, ceux qui ne sont pas d’accord avec eux ne peuvent pas être de bonnes personnes. Et qui ne veut pas être une bonne personne ? Par compassion morale sincère, nous sommes tous enclins à nous rattacher à ce discours de gauche.

Pourtant, bien que l'industrie de la migration semble motivée par la volonté de bien faire, derrière cette façade morale se cachent des motifs plutôt idéologiques. Je ne peux m'empêcher de penser que la gauche se sert avec cynisme de la crise migratoire pour rendre le concept de « frontières » si poreux qu'il érode l'État-nation, et ce par le biais de batailles juridiques et de chantage moral. Pour certains cosmopolites, c’est la réalisation d’un souhait. Mais les conséquences en sont immenses et il n’est pas certain qu’elles soient bénéfiques à tous.

Une res publica saine

Les frontières marquent non seulement notre démocratie et notre citoyenneté, mais aussi notre solidarité implicite. Aujourd'hui, nous savons qui peut utiliser notre sécurité sociale et pourquoi. Après tout, une res publica saine crée une communauté éthique dans laquelle le citoyen assume non seulement la responsabilité du groupe, mais sait aussi qu'il peut compter sur lui si nécessaire. Dans ce contexte, les contribuables ne s'opposent pas à leurs contributions, même s'ils ne connaissent pas personnellement les concitoyens qui en bénéficient. La sécurité sociale que nous avons établie sur cette base est l'une des plus généreuses et ouvertes au monde.

Mais si nous déclarons qu'il n'existe plus de frontières et que chacun doit pouvoir compter sur notre solidarité, nous nous retrouvons alors dans une situation où il n'y a plus de concitoyens avec lesquels nous pouvons être solidaires, mais seulement des êtres humains qui sont ici aujourd’hui, mais peuvent être n’importe où demain. Cependant, les droits de l'homme ne sont pas des droits civils. Toute personne naît avec le droit inaliénable à la vie, qui est un droit universel de l'homme. Toutefois, on ne naît pas au Soudan avec le droit universel et inaliénable d'accès à un système de sécurité sociale d'Europe occidentale. Il s'agit d'un droit civil, que vous possédez parce que vous êtes né par hasard dans cet État-nation d'Europe occidentale, mais qui peut également être acquis si vous suivez certaines procédures et remplissez les conditions.

Si nous universalisons chaque droit civil, nous devons en accepter les conséquences et accepter que notre niveau de vie actuel devienne insoutenable, simplement parce que nous ne pourrons plus nous le permettre. Vous obtenez alors un système social dépouillé pour les pauvres, qui n'auront plus aucune capacité portante. Après tout, il est difficile de rester solidaire avec les personnes qui bénéficient des services sociaux, mais qui n'y ont jamais contribué et qui, dans bien des cas, n'y contribueront jamais. Les épaules les plus fortes se replieront vers des communautés fermées dotées d’une sécurité privée. Les membres payeront pour leurs propres pensions et soins de santé et leurs enfants iront dans des écoles privées. Ce système n’est parfait que si vous réussissez votre vie. Mais si vous n’y parvenez pas ?

Le modèle nord-américain

L'Europe évoluera alors vers un modèle de société davantage nord-américain. Même si elle risquerait d'aboutir à une protection sociale encore moindre. Les États-Unis possèdent en effet l'avantage géographique d'être entourés de deux océans et d'un pays riche au nord doté d’un niveau de vie très élevé. Ce n'est que du côté sud que les flux migratoires sont difficiles à contrôler et qu’ils tentent - même bien avant l'arrivée de Trump - de fermer hermétiquement les frontières. L'Europe, en revanche, ne représente qu’une pointe de l’immense continent eurasiatique et n'est isolée de l'Afrique que par une mer intérieure. Sans frontières imposées, l'Europe peut être franchie sans difficulté. C’est un choix de le permettre ou non.

Et ce choix, le gouvernement fédéral l’a fait. La migration de transit n'est pas un problème européen, mais un problème franco-belge. Nous sommes les seuls pays à disposer d’un point de passage vers le Royaume-Uni. Suite à l’enlèvement des camps de Calais, le problème s'est presque entièrement déplacé dans notre pays. La politique de notre gouvernement est d’éviter à tout prix de devenir un nouveau Calais. C’est pourtant ce qui se passe dans l’ombre. Avec la coopération entre les ONG de gauche et les bourgmestres de gauche et par toutes sortes d'actions visant à moraliser la politique gouvernementale et à la faire suspendre, la gauche organise désormais de facto la migration de transit elle-même, même si elle est interdite de jure. Il est très hypocrite que les partis de gauche modérés continuent d'affirmer qu'ils ne plaident pas pour l'ouverture des frontières, alors que les partis d'extrême gauche sont au moins honnêtes à ce sujet.

N’avons-nous donc pas l’obligation d’aider les gens dans le besoin ? Bien entendu. Mais toute personne qui peut se débrouiller seule n’est pas dans le besoin. Toute personne capable de franchir des milliers de kilomètres depuis l'Afrique de l'Est pour entrer dans un État providence d'Europe occidentale - non pas dans l'intention d'y demander l'asile, mais de se rendre dans un autre pays - peut être dans une pauvreté extrême, mais pas dans une détresse aiguë. L'urgence est la menace envers la vie, et non le désir de mener une vie agréable, aussi compréhensible soit-il. Il y a 37 millions de Soudanais qui souhaiteraient certainement une vie meilleure. Avons-nous l’obligation morale d’accueillir ces 37 millions de Soudanais ? Et qu’en est-il du reste de l’Afrique ?

La gauche doit oser s’exprimer : que veut-elle réellement ? Devons-nous accueillir tout le monde et cet accueil doit-il se faire par l’immigration ? Il faut alors savoir que nous ne pourrons plus maintenir notre système social à son niveau actuel. Si nous choisissons cette voie, il nous reste deux options : un système fermé de sécurité sociale accessible uniquement aux personnes qui y contribuent ou qui s'effondrent. Dans sa bonté absolue, notre Gutmensch de gauche obtiendra exactement le contraire de ce qu’il prétend vouloir : la destruction complète de l'État providence.

Absorber les nouveaux venus

Je suis partisan d’une autre politique. Une politique avec des efforts européens pour contenir les réfugiés dans leur propre région et avec des frontières fermées. Une politique avec un contrôle strict de l'immigration légale, permettant d’émanciper les personnes que nous accueillons et de leur transmettre nos valeurs et ce, le plus rapidement possible afin qu’elles puissent contribuer à notre propre prospérité, et donc à notre sécurité sociale. De cette manière, nous pouvons absorber de nouveaux venus et bénéficier de leurs talents. Ainsi, notre sécurité sociale pourra rester ouverte, accessible librement et généreuse pour tous. Cependant, nous devons d'abord avoir le courage de faire des choix difficiles et de mettre en œuvre la politique choisie. Les politiciens doivent placer l'intérêt général avant la conscience personnelle, aussi difficile que cela puisse être.

Hannah Arendt concluait la deuxième partie de son ouvrage intitulé Les Origines du totalitarisme par un chapitre qui est encore controversé aujourd’hui par la gauche : « Le déclin de l’État-nation et la fin des droits de l’homme ». Il soutient que nous avons besoin de l'État-nation et des frontières. Ce n'est pas seulement la démarcation de notre démocratie, le cadre de l'État de droit et la base sur laquelle nous organisons notre solidarité, c'est aussi le seul mécanisme efficace capable de faire respecter les droits de l'homme. L'État-nation est littéralement vital. Faisons en sorte que le rêve des Gutmenschen ne se termine pas par un cauchemar pour nous tous.

 

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1 Commentaire

  • Posté par Hennaux Jean, jeudi 25 janvier 2018, 10:25

    Interpellant. Une cinquième relecture s'imposera-t'elle?

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