Les Schaerbeekois ont peur d’être assimilés aux terroristes

A Scharbeek, la communauté musulmane, très présente, ne veut pas être assimilée aux terroristes qui ont commis les attentats de Paris. Les citoyens musulmans ont doublement peur. Peur du terrorisme. Peur de la stigmatisation. « No comment », « nous n’avons rien à vous dire », « nous ne sommes pas concernés » : telles sont les réactions de la majorité écrasante des personnes rencontrées à Schaerbeek. La commune bruxelloise est très calme en ce dimanche après-midi. Seule rue animée, comme à son habitude, la chaussée d’Haecht, célèbre pour ses boucheries et leurs épices, et ses restaurants turcs et marocains. La tension est très palpable. Tout le monde s’étonne qu’on s’intéresse tout à coup à eux. Les médias sont là pour leur accorder la parole. Pour exprimer leur crainte. Ils n’en veulent pas. « C’est cela qui crée les amalgames. C’est ainsi qu’on nous assimile aux terroristes. Un musulman fait un crime quelque part, on vient nous voir. En quoi sommes-nous plus concernés que les autres? », nous dit le propriétaire d’une supérette. Son ami savoure son sandwich.« Moi, je ne suis qu’un homme qui mange un très bon sandwich. Pourquoi m’exprimerai-je dans la presse ? », dit-il, non sans plaisanter. Quelques échanges brefs et sympathiques plus tard, il dira à son tour ce que les rares personnes qui ont accepté de parler ont dit :« Ai-je peur ? Oui j’ai peur de Dieu. C’est pour ça que je me comporte bien. N’a peur des hommes que celui qui a quelque chose à se reprocher », souligne-t-il. Dans la même rue, un boucher est aussi agacé par la présence des journalistes : « Ecoutez, je suis triste c’est un drame effroyable, je regarde ma télé comme tout le monde et j’attends. Mais pourquoi j’aurais quelque chose à dire de plus que ce que dira n’importe quel autre citoyen ? Que les terroristes soient musulmans, juifs, athées ou autres ne change rien pour moi. Un criminel est un criminel », conclut-il rapidement. « Personne n’est à l’abri, c’est effrayant » Un peu plus loin, une autre boucherie. Les deux frères qui y travaillent sont les rares à accepter facilement de parler.« Bien sûr que j’ai peur. J’ai très peur. Les moyens utilisés par les terroristes sont de plus en plus sophistiqués et les attaques de plus en plus spectaculaires. Il n’y a plus d’endroits sûrs. Plus personnes n’est à l’abri. C’est effrayant », dit Mohamed, le plus jeune des deux frères. A-t-il peur d’une éventuelle stigmatisation, des amalgames ? «Non. On est bien à Schaarbeek. Je n’ai jamais eu de problèmes et je ne devrais pas en avoir », répond-il. Une dame d’un certain âge venue faire ses courses se réjouit qu’on s’intéresse aux répercussions de certains discours haineux sur le vivre-ensemble et sur la vie des citoyens musulmans. «Nous avons doublement peur. Peur de sortir chez nous et de croiser ces terroristes, et peur d’être pris pour des terroristes. Nous avons déjà beaucoup de problèmes en raison de notre origine ethnique et de notre appartenance religieuse. En rajouter, c’est nourrir la haine. Et celle-ci engendre les problèmes. Ne touchons pas au vivre-ensemble, réfléchissons ». Réfléchir. A Schaerbeek comme ailleurs, c’est le mot d’ordre général des personnes qui ont un message à transmettre. Ne pas céder à l’émotion, ne pas faire dans la désinformation, laisser place à la raison.

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