Vaclav Luks, à la conquête de la nouvelle musique baroque

Comment êtes-vous venu à l’interprétation historiquement informée ? Après mes études à Pilsen, j’ai commencé une carrière de corniste. L’écoute des grandes pages de Bach me fascinait mais je pressentais qu’elles exigeaient quelque chose d’autre que les exécutions traditionnelles qu’on nous proposait sous le régime communiste. À sa chute, j’ai découvert un monde nouveau et je suis parti à la Schola Cantorum de Bâle pour en étudier les codes et les pratiques. En même temps, j’avais réuni à Prague un petit ensemble de chambre avec lequel nous essayions d’en appliquer les préceptes sur des instruments modernes. À mon retour, j’ai rencontré d’autres musiciens qui revenaient de La Haye, Amsterdam, Lyon ou Londres. Nous avons fondé un orchestre et, en 2005, bénéficiant de la présence de chanteurs de grande qualité, nous avons adjoint un chœur. L’ensemble Collegium 1704 était né. D’où vient ce nom ? Parmi les compositeurs bohémiens que nous voulions défendre, Zelenka me semblait être le plus important mais on ne connaissait presque rien de sa vie. Sa première apparition date de la création en l’église St Nicholas de Prague d’un oratorio jésuite « Via Laureata ». Cela se passait en 1704 et c’est de là que vient le nom de notre ensemble. J’ai voulu relier ces compositeurs au monde allemand et ai donc fondé une série de concerts intitulés « Bridge Prague-Dresde ». Dresde était une des grandes capitales musicales, disposant du meilleur orchestre d’Europe et c’est là qu’officia Zelenka. Comment le définiriez-vous par rapport à Bach ? On l’a parfois présenté comme un Bach méconnu. Rien n’est plus faux. Ce sont certes deux génies mais surtout deux personnalités très différentes. La démarche baroque de Bach représente l’apogée incontestable d’un univers musical qui sera bientôt dépassé. Zelenka parle de l’avenir. Il mêle la science du contrepoint apprise de Fux et l’influence italienne propre à la ville de Dresde qui a un opéra florissant. Spirituellement ils appartiennent aussi à deux mondes : Bach est protestant là où Zelenka s’inscrit dans le catholicisme triomphant de la Contre-Réforme. Techniquement, Bach pense sa musique à partir du clavier là où Zelenka est davantage sensible au charme des cordes et à la grande ligne mélodique qu’elles peuvent développer. Vous vous intéressez aussi à d’autres compositeurs de Bohème ? Cette région a été un incroyable vivier pour le monde germanique tout au long du XVIIIe siècle. Les mélodrames, comme son « Ariane à Naxos » qui sont des pages d’un dramatisme visionnaire. On connaît un peu Myslivecek pour ses opéras mais nous venons d’enregistrer des concertos pour violon qui vont surprendre tout le monde. Les mouvements rapides ont l’élan de ceux de Mozart mais sont techniquement plus difficiles et les mouvements lents évoquent Tartini. C’est pourtant le « Messie » de Händel que vous exécuterez à Bruxelles. Nous estimons que nous devons lancer des ponts vers les autres grands mouvements de la musique ancienne. Je crois que les musiciens de ma génération disposent désormais d’un bagage technique et stylistique qui leur permet d’être à l’aise dans tous les répertoires de Monteverdi à Mozart. Le moment est donc venu de l’utiliser pour donner notre propre vision des chefs-d’œuvre du passé. Et c’est ce que nous allons faire avec « Le Messie » de Händel. Bozar, jeudi 8 février. Réservation : 02 597 82 00 ou www.bozar.be

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