Belgique-Espagne annulé: les conséquences

Fallait-il céder à la menace ambiante ou au contraire faire front? Après la décision de la Fédération d’annuler Belgique-Espagne de mardi soir, le football belge s’est posé la question durant toute la journée d’hier. Dans le contexte extrêmement tendu de la chasse à l’homme que mènent encore les forces de l’ordre à la recherche de Salah Abdeslam, l’un des terroristes présumés des attentats de Paris, la Pro League a eu une réponse différente de l’Union belge en maintenant en bloc la 16e journée de championnat de D1. 1 Les rétroactes depuis l’intérieur. Jusqu’en milieu de soirée de lundi, et la réunion en urgence du Conseil national de sécurité en présence des ministres du gouvernement concernés par le dossier terrorisme, aucun signe annonciateur d’une annulation du match entre la Belgique et l’Espagne. Samedi matin, l’Union belge avait bien pris contact avec son homologue espagnole pour prendre le pouls de l’ambiance à Madrid, mais la réponse était immédiatement allée dans le sens du maintien de la rencontre du mardi suivant à Bruxelles. La veille de l’événement, peu après 23 heures, le président de l’URBSFA recevait un appel du Premier ministre Charles Michel lui annonçant que le niveau d’alerte passait de 2 à 3. Ce qui était déjà le cas depuis samedi concernant les grands événements (sport, concerts, etc.) mais qui cette fois était généralisé à l’ensemble de la vie quotidienne du pays. Dans la foulée d’un contact avec Marc Wilmots et avec plusieurs membres du Conseil d’administration de la Maison de verre, le président fédéral décrétait l’annulation, officialisée par communiqué à 0h40 dans la nuit de lundi à mardi. « Une vie humaine reste toujours plus importante qu’un match de foot, a immédiatement commenté le sélectionneur Marc Wilmots en guise de soutien franc et massif à ses patrons. La décision a été prise convenablement et n’est donc pas difficile à accepter et encore moins à digérer. » [scald=200764:sdl_editor_representation] 2 L’effet Salah Abdeslam. D’après nos informations recoupées auprès de plusieurs membres du CA, outre le témoignage d’un complice présumé de Salah Abdeslam qui affirme l’avoir déposé dans le quartier du Heysel samedi au petit matin à leur retour de Paris, les perquisitions d’hier à Molenbeek auraient également conforté les enquêteurs de la Police Fédérale par rapport à une augmentation réelle des risques autour de Belgique-Espagne, un événement hautement symbolique s’il en est. D’où sans doute la démarche personnelle et appuyée, nous dit-on, du Premier ministre auprès de François De Keersmaecker et de Marc Wilmots. Soucieuse de ne pas courir le moindre risque, la Fédération n’a pas tergiversé et a procédé à l’annulation. Après avoir pourtant fait tout ce qui était en son pouvoir (sacs interdits, fouilles corporelles imposées, effectifs de stewards augmentés de 150 unités) pour assurer la sécurité. Mais les pouvoirs publics étant visiblement plus inquiets sur la situation à l’extérieur du stade compte tenu de la configuration des lieux (entrées multiples, réseau de métro, palais du Heysel à proximité), le principe de précaution absolue a fini par prévaloir face aux recommandations des pouvoirs publics qui n’ont même pas dû faire usage de la possibilité de prendre un arrêté communal via le Bourgmestre de Bruxelles. « On ne peut pas jouer pas avec la sécurité des gens, encore plus quand le sujet est ultra-sensible comme il l’est pour l’instant, nous assure un haut responsable fédéral. Lundi soir, nous avons posé la question de savoir si le terroriste dans la nature avait une chance d’être pris en cours de nuit, mais la Police semblait nous dire que non. Dans ces conditions, nous avons lancé la procédure interne d’annulation auprès de nos stewards, de la Croix-Rouge et de nos fournisseurs. Même si on avait mis le grappin sur le type d’ici au coup d’envoi, il aurait de toute façon été impossible de remobiliser tout le monde. Et puis, l’équipe espagnole avait prévu de repartir très tôt. » [scald=200763:sdl_editor_representation] 3 Un remboursement des tickets en attente et les frais fixes déjà perdus en partie. Qu’adviendra-t-il des sommes engagées par les spectateurs pour assister, en famille ou individuellement, au match contre la Roja ? Hier en milieu de matinée, une première réunion d’urgence s’est tenue au siège de la Fédération. Pour un débriefing destiné à boucler définitivement la procédure d’annulation et à convoquer, probablement mercredi ou jeudi, un Conseil d’administration extraordinaire surtout destiné à chiffrer le bilan des opérations. A commencer par le sujet délicat du remboursement immédiat des tickets ou de la prolongation de leur validité jusqu’à un prochain retour de la Seleccion sur le sol belge. Hier matin, la Fédération espagnole a déjà fait savoir qu’un préaccord concernant les dates bloquées par la Fifa entre les 21 et 28 mars, avait été signé avec deux pays. Il est donc peu probable que Belgique-Espagne se déroule à ces dates-là, et encore moins fin mai ou début juin, à quelques encablures de l’Euro. D’où la piste d’un remboursement probable puisque l’on voit mal le grand public accepter que la majoration de son billet d’entrée pour l’Espagne soit répercutée sur un match contre un autre adversaire qui, à part le Brésil, l’Allemagne ou l’Argentine, serait d’un moindre renom à ses yeux. Un décaissement qui ne coûterait évidemment rien à la trésorerie fédérale mais qui entraînerait un manque à gagner d’environ 1.440.000 euros (un prix moyen de 45 euros pour 32.000 places vendues puisqu’il faut retirer les ayant-droit, les sponsors, le personnel fédéral et la presse). En revanche, sauf négociations, certains frais fixes demeureront à charge de l’Union belge après cette annulation : une partie du catering (nourriture), les heures prestées par le personnel indépendant pour la préparation des lieux (stewards pour la sécurisation des lieux depuis l’avant-veille du match, etc.). Dans son malheur, l’Union belge a la chance de bénéficier du fait que pas mal d’infrastructures temporaires (espaces VIP au palais 5 du Heysel, matériel publicitaire, etc.) avaient déjà été montées pour le match contre l’Italie vendredi passé 4 Les matchs du week-end en D1 maintenus. Même si certaines voix de juristes se sont discrètement fait entendre hier matin pour suggérer à l’association des clubs pros qu’elle ouvre le même parapluie que l’Union belge, le CA de la Pro League a décidé de maintenir la 16e journée de championnat. « Dès lors qu’aucune demande n’a émané des autorités par rapport à une annulation de nos activités, nous avons opté pour le maintien et le respect de notre calendrier, explique Pierre François, le directeur général de la Pro League. En recommandant bien évidemment aux clubs la plus extrême des vigilances. » 5 La Belgique assurée de terminer l’année en qualité de nº1. Un peu à l’instar de l’annulation par la Fifa du 5-1 de Belgique-Luxembourg en mai 2014 (pour un trop grand nombre de changements effectués par Marc Wilmots) qui avait curieusement permis à la Belgique de gagner 13 points et donc, par effet boule de neige, d’accéder à la première place mondiale 17 mois plus tard, le fait de ne pas avoir pu disputer le match contre l’Espagne est tout bénéfice pour les Diables. Avec 1.494 pts (contre 1.475 s’ils avaient battu l’Espagne, curieux hasard du monde de calcul du ranking Fifa), ils ne peuvent plus être rejoints par l’Argentine, même en cas de victoire de cette dernière, la nuit passée, en Colombie.

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