Nous sommes athées, laïcs, humanistes, libre-penseurs… et fiers de l’être!

Le 7 janvier dernier, les journalistes de Charlie Hebdo étaient victimes d’attentats terroristes menés par des islamistes intégristes. Ces terroristes se réclamaient d’une « vengeance » par rapport à un « blasphème », celui de la parution des caricatures de Mahomet. Ce vendredi 13 novembre, plus de 120 personnes (sans compter près de 300 blessés, dont une centaine dans un état critique) tombaient sous les balles d’autres fous de dieu. Une boucherie, un massacre : les mots, bien que forts, sont toutefois indicibles pour décrire une telle horreur. La raison ? Une « vengeance » par rapport à une intervention militaire internationale visant à arrêter Daesh, une bande d’illuminés se croyant encore au 6e siècle et entendant, au départ d’un prétendu Califat, partir, au temps de la bombe atomique (qui les anéantirait si nécessaire), à la conquête du monde entier ! Voilà donc ces fanatiques qui entendent riposter à toute liberté d’expression mettant en cause l’existence de leur dieu. Le moindre doute sur l’existence de celui-ci (que, soit dit en passant, personne n’a jamais vu, comme tous les autres d’ailleurs !), le moindre trait d’humour (qui sert, dans bien des cas, à une saine désacralisation) est aussitôt interprété comme un blasphème méritant la mort. Pourtant, le « droit au blasphème » est sous-tendu par les principes de « liberté d’expression ». D’après Vincent de Coorebyter, Professeur à l’ULB, l’un des principaux motifs d’autoriser le blasphème est que les libertés ne se divisent pas, et ce pour plusieurs raisons, dont notamment le fait que la liberté d’expression – qui inclut le droit à critiquer, à dénoncer, et parfois à choquer – est historiquement inséparable de la reconnaissance des autres droits fondamentaux que sont la liberté de conscience, de pensée et de culte. Indivisibilité des libertés Le principe à l’œuvre dans tous les cas est le droit pour chaque individu, en stricte égalité, de vivre conformément à ses convictions et de les exprimer dans l’espace public. A l’intérieur de nos démocraties, toutes les opinions sont autorisées et toutes se valent, dans le sens où elles ont toutes le droit d’être défendues publiquement. Aucune ne peut donc revendiquer de supériorité sur les autres. L’indivisibilité des libertés est donc une garantie majeure apportée aux cultes et aux expressions minoritaires. Le choc des attentats passé, il devient essentiel, au-delà de l’aspect simplement émotionnel, de nous conscientiser sur les risques de réduction de nos libertés (à tous…) générées par les prétendues atteintes aux droits des seuls croyants. Plus que jamais, la citation de Voltaire prend tous son sens : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire ». Si l’on veut maintenir ce principe, il faut, à nos yeux, faire de la laïcité, la base irréfragable de notre fonctionnement démocratique, à travers le respect absolu de la séparation entre l’Etat et la religion. Pour nos yeux d’athées, laïcs, humanistes et libres-penseurs, la liberté d’expression et une des plus belles conquêtes de nos démocraties. Quelles que soient nos convictions, nous nous devons de combattre ensemble tous les obscurantismes religieux… qui, par nature, visent à l’hégémonie et à vouloir imposer leurs valeurs aux autres. La lutte contre l’intolérance, la stigmatisation, la discrimination et l’incitation à la violence fondées sur la religion ou sur la conviction s’applique autant aux croyants qu’aux non-croyants, majoritaires ou non. Dans son Eloge du blasphème, Caroline Fourest revient sur les dérives obscurantistes de certains pays islamiques, mais aussi sur les actions portées par des intégristes chrétiens, par la Russie orthodoxe de Poutine, ou par l’hindouisme birman, se réclamant du « blasphème » en censurant des propositions artistiques, en réclamant des peines d’emprisonnement ou en déclenchant des hostilités entre groupes ethniques différents. Une laïcité ancrée dans la réalité Si la laïcité est porteuse de tolérance et de valeurs démocratiques, elle ne doit pas nous éloigner de la réalité géopolitique – notamment en matière de terrorisme religieux – et doit également circonscrire des thématiques comme l’encadrement des religions sur le territoire, la cohabitation des différentes religions entre elles, la gestion des dérives religieuses et leurs conséquences tragiques (pensons notamment aux jeunes belges embrigadés en Syrie ou en Irak). Concrètement, cela signifie donc : – qu’aucune attitude communautariste ou liberticide, au nom de la religion, ne peut être tolérée et doit être sanctionnée ; – encadrer et assurer la formation des professeurs de religion, des prêtres, popes, imams, etc., mais aussi interdire les lieux de culte « non déclarés » ou non reconnus ; – une grande fermeté (policière, judiciaire, politique) vis-à-vis de toute forme d’extrémisme religieux, quelle que soit son expression. Oui au compromis, halte à la compromission ; – qu’on ne peut être à la fois un Gouvernement s’affirmant « défenseur des libertés et droits de l’homme » tout en entretenant des relations militaires, commerciales, etc. avec des théocraties qui soutiennent de manière directe ou indirecte un terrorisme à connotation religieuse ; – que la réflexion doit se poursuivre pour aboutir à un nouveau contrat social sur base d’un principe intangible qui est la laïcité de l’Etat et des lieux publics. Dans le prolongement, cette laïcité doit donc nous amener à entrevoir les questions de Sécurité de l’Etat et de lutte antiterrorisme de manière pragmatique, au regard de la réalité, et d’envisager un renforcement de celle-ci, dans le cadre de pouvoirs définis par l’exécutif, contrôlés par le législatif, objectivables en toutes circonstances et amendables selon l’évolution des situations rencontrées afin de leur permettre de remplir correctement leurs missions. Redéfinir l’Europe Parallèlement, il nous semble essentiel qu’un travail de terrain soit mené en termes d’éducation et de reconnaissance du droit à la différence, de soutien au décrochage scolaire, aux services d’aides à la jeunesse, aux animateurs spécialisés, de renforcement de la mixité sociale et religieuse dans les écoles, de renfort des sanctions pénales à l’égard d’extrémistes, de présence sur les médias sociaux, etc. Dans cette logique, ne devrions-nous pas également redéfinir l’Europe dans laquelle nous souhaitons vivre, en osant enfin aborder sans tabous et sans crainte d’amalgame le débat du « vivre ensemble » dans nos démocraties et promouvoir la laïcité, comme vecteur de rassemblement d’individus de diverses origines et d’identités culturelles différentes, autour d’un socle de droits et libertés, affranchi de toute contrainte religieuse. C’est le combat que nous souhaitons mener… car jamais nous ne laisserons notre pensée se soumettre à un quelque dogme religieux que ce soit.

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