L’or, valeur atypique pour diversifier son portefeuille

Premier constat évident : « L’or a eu son rôle de valeur refuge entre 2009 et 2012 », rappelle Arnaud Delaunay, de la société de Bourse Leleux Associated Brokers. Des prémices de la crise des subprimes à l’été 2007 jusqu’à la crise de l’euro en 2010, puis le pacte de discipline budgétaire en janvier 2012, l’or s’est effectivement apprécié de moins de 500 euros à 1.327 euros l’once, avec une pointe à 1.373 euros fin septembre 2012. [scald=15042332:sdl_editor_representation] Depuis, il ronronne sous la barre des 1.100 euros. « Oui, l’or est une valeur refuge, confirme Michel Latin, de Pire Asset Management. Simplement, aujourd’hui, les marchés ont le sentiment qu’il ne l’est plus. Parce que les autorités monétaires injectent 300 milliards de dollars tous les mois dans les marchés, et qu’elles ont supprimé ainsi toute notion de perception de risque auprès des intervenants. Ceux-ci estiment ne plus devoir se protéger contre un quelconque risque, de quelque manière que ce soit. Donc forcément, l’or aujourd’hui est délaissé. » De quoi parle-t-on ? Avant de se prononcer, Philippe Ledent (UCL/ING) demande à ce que soit d’abord précisée la notion de « valeur refuge » : « Si l’idée de valeur refuge suppose que cette valeur voit son prix fluctuer de manière contraire à d’autres classes d’actifs – par exemple des actions et obligations – alors on pourrait dire, oui, que l’or est une valeur refuge : quand surviennent des crises et que les marchés financiers diminuent, l’or va avoir tendance à monter. Oui, effectivement, il y a encore une corrélation inversée entre l’or et d’autres classes d’actifs. » [scald=14936240:sdl_editor_representation] Cette dé-corrélation de l’or par rapport à d’autres actifs doit être nuancée, car l’or conserve malgré tout une utilité industrielle, ainsi que certaines spécificités culturelles : « Par exemple, l’or est très prisé par les Indiens, remarque Philippe Ledent. Les Indiens épargnent énormément sous forme d’or. Quand l’économie indienne se porte bien, on va voir la demande d’or augmenter. C’est l’un des phénomènes qui viennent un peu perturber les choses. Mais globalement, les tensions géopolitiques et les crises économiques vont être plutôt porteuses pour le prix de l’or. » Mais si on entend par « valeur refuge » un actif dont la valeur se maintient contre vents et marées, alors il convient de nuancer : « Lorsqu’on regarde les fluctuations des prix de l’or, on aurait presque tendance à considérer que c’est, non pas une valeur refuge mais une valeur spéculative, car les fluctuations de l’or peuvent être de 30, 40 ou 50 %, en positif comme en négatif, sur quelques années. Dans cette acception-là, l’or n’est pas vraiment une valeur refuge. » Valeur de placement ou d’assurance De cette dualité naissent deux approches de la « valeur refuge » : valeur de placement ou valeur d’assurance. Si c’est la dé-corrélation de l’or par rapport à d’autres classes d’actifs qui intéresse le client, on parlera plutôt de placement, d’investissement. Si c’est l’aspect « intangible » qui attire, c’est plutôt la fonction d’assurance qui entre en jeu. « En fonction des craintes, des envies de chacun, chacun peut se positionner, note Philippe Ledent, avoir un peu ou beaucoup d’or dans son portefeuille. Mais les deux fonctions existent : diversification d’une part, pure assurance par rapport à une guerre thermo-nucléaire et une grave crise politique et monétaire, d’autre part. » Si l’or est toujours « valeur refuge » à l’un ou l’autre titre, est-ce valable tout à la fois pour l’or physique et l’or titrisé (sous forme d’indice, de tracker, d’actions minières) ? « La seule chose qu’on puisse dire, souligne Michel Latin, c’est que si vous voulez être sûr d’avoir de l’or, achetez de l’or. Point à la ligne. Quand vous achetez un tracker sur l’or ou un tracker sur un indice boursier, vous avez en face de vous quelqu’un qui s’engage éventuellement à vous livrer physiquement – si c’est prévu. Si ce n’est pas prévu, vous ne serez même jamais livré. Si la contrepartie se casse la figure, vous n’aurez rien. » Dès lors, « la valeur refuge concerne plutôt l’or physique que l’or papier. Vous savez, lorsque la prochaine crise se produira, on fermera les marchés, tout simplement. Donc s’il y en a une – et je ne dis pas qu’il y en aura une – on fermera, c’est tout. (…) Reste une grande question : comment se protéger en cas de crise ? Est-ce que l’or est la bonne solution ? A priori, il est dans la bonne liste, mais est-ce qu’au bout du compte ce sera vraiment ça ? Je n’en sais rien ». Physique ou papier Philippe Ledent confirme :« Pour rencontrer la fonction d’assurance, or papier et or physique ne vont pas jouer le même rôle. Sil une grave crise mondiale survient, le papier reste… du papier. Si on veut acheter de l’or pour sa fonction d’assurance, pour la crainte d’une crise mondiale, d’un Mad Max, d’une crise majeure monétaire, économique, avec des guerres, si on veut de l’or pour ça, alors il vaut mieux de l’or physique. Il vaut mieux aller au bout de son idée. Mais si on veut de l’or uniquement pour diversifier son portefeuille et qu’on n’a pas peur d’une crise mondiale, alors autant avoir de l’or papier : c’est beaucoup plus facile à revendre. A acheter et vendre de l’or physique, vous allez perdre pas mal en coûts de transactions. » Le dossier consacré à l’«Or des Belges» duquel cet article est issu a été réalisé par des étudiants de 2e master de l’École de Journalisme de Louvain (UCL) dans le cadre de leur cours d’investigation, « Pratiques de l’enquête ». Les enquêtes et textes retenus ont été supervisés et édités par les Prs Alain Lallemand, Philippe Marion et Marie Vanoost.

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