À l’origine du phénomène

U n jeu imposé, 24 candidats. Seul le gagnant survivra ! » En 2008, l’année où le premier volet de Twilight sort au cinéma, paraît chez Scholastic Press le volume initial d’une série intitulée Hunger games. Six ans plus tard, l’éditeur américain fait ses comptes : rien qu’aux Etats-Unis, la trilogie s’est vendue à plus de 65 millions d’exemplaires. Elle a été traduite en 51 langues et distribuée dans 56 pays. En français, chez Pocket Jeunesse, elle paraît dans la collection réservée aux 13 ans et plus. Mais… En mars 2012, 400.000 exemplaires avaient ainsi été vendus, selon Xavier d’Almeida, son directeur. Des chiffres impressionnants qui lui font dire qu’« il y a forcément des adultes qui l’achètent, parce que le lectorat jeunesse ne suffirait pas à faire cette force de vente ». Et ce phénomène – l’intérêt d’un lectorat adulte pour des ouvrages étiquetés à la base « jeune adulte » (participant entre parenthèses à la renaissance d’une certaine littérature de genre) – a été initié par… Harry Potter ! C’est en 1991 que Suzanne Collins commence à écrire des scénarios de programmes télé pour enfants, notamment à l’attention de Nickelodeon. Sa rencontre avec James Proimos (à qui Hunger games est dédicacé) va réorienter sa carrière. L’homme est illustrateur et auteur jeunesse, il lui suggère de s’y essayer elle aussi, du moins à l’écriture. Ses premiers efforts donneront naissance aux cinq tomes de la série Gregor – en français –, The underland chronicles dans sa version originale, inspirée par Alice au pays des merveilles. Le succès est au rendez-vous : elle est vendue dans 21 pays. Suzanne Collins vit dans le Connecticut. Avec sa famille et plusieurs chatons un peu sauvages trouvés dans le jardin, précise-t-on chez Pocket Jeunesse. Il y a un chat un peu sauvage à la fin de La révolte, part. 2… Avec Hunger games justement, qu’elle met en chantier après Gregor, l’Américaine finit par rejoindre le club des auteurs de best-sellers. De 2008 à 2014, son nom figure ainsi sur la liste établie par le New York Times. Ecrit à la première personne, ce récit de science-fiction est à classer dans le genre dystopie, plus précisément en mode post-apocalyptique : « Dans un futur sombre, sur les ruines des États-Unis, rappelle l’éditeur, un jeu télévisé est créé pour contrôler le peuple par la terreur. » Bref, assez d’arguments pour que les droits d’adaptation soient achetés et qu’un passage au cinéma s’impose. Comment expliquer ce carton de la littérature pour ados et son prolongement dans les salles obscures, au même titre que celui d’un Twilight ou d’un Harry Potter ? Pas question de faire le macho de base, mais voilà quand même trois séries écrites par des plumes féminines, qui ont réussi à fédérer un public plus large que celui initialement visé. Et qui sont par conséquent devenues des franchises parmi les plus rentables de l’histoire du cinéma. Etonnant, dans la mesure où les deux derniers épisodes de Hunger games réservent une large place aux tractations politiques dans un monde où les bons et les méchants ne sont pas du tout clairement identifiés ? La preuve que quand l’entertainement ne prend pas les ados pour des simplets, ils le lui rendent bien… « Avec cette histoire, les jeunes sentent qu’on les traite comme des adultes, disait l’an dernier Francis Lawrence dans une interview télé. L’auteure les considère d’abord comme des citoyens du monde intelligents. Ils apprécient et, pour moi, c’est une des raisons du succès. » Un succès qui trouve parfois des illustrations inédites : en 2014, les citoyens qui manifestent alors contre le coup d’Etat militaire en Thaïlande adoptent le fameux salut à trois doigts vu dans les films – bras tendu, trois doigts joints, le pouce et l’auriculaire repliés –, un salut d’abord d’au revoir, puis de ralliement des résistants…

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