Un «méga bloc opératoire» pour mieux soigner les tumeurs au cerveau

Lumières bleues, machines sophistiquées, images en trois dimensions… On est loin du tableau de Jérôme Bosch La Cure de la folie, figurant une trépanation en plein air au XVe siècle, le « chirurgien » affublé d’un entonnoir renversé posé sur la tête. Dans le bloc opératoire du département de neurochirurgie à l’hôpital Saint-Luc, onze chirurgiens enchaînent les opérations dans les 26 salles modernes disponibles. Parmi elles, une pas comme les autres : la numéro 20, au bout du couloir. C’est la salle de « résonance magnétique », construite en 2005 et première en Europe à l’époque. Sa particularité : elle regroupe trois unités, qui se suivent dans un long couloir. La première est un bloc opératoire de pointe « normal » dans lequel le patient est allongé sur un lit posé sur des rails, pour le conduire dans la deuxième salle, sorte de sas de décompression, puis dans la troisième où une énorme machine à aimants va faire une image de son cerveau, en direct pendant l’opération. « Ce système est unique en Belgique, explique le professeur Christian Raftopoulos, du service de neurologie des cliniques universitaires Saint-Luc. Il permet de faire une projection du cerveau pendant l’opération. A la moindre hésitation, on ferme sommairement le crâne du patient que l’on envoie dans la troisième salle. En moins d’une demi-heure, une image des avancées est réalisée : aller plus loin, ou arrêter. » [scald=15531085:sdl_editor_representation] Une tumeur incurable Ce genre de technologie permet aujourd’hui à des patients atteints d’un glioblastome, une tumeur du cerveau particulièrement agressive mais qui est aussi la plus fréquente, d’améliorer leurs chances de survie sur le long terme. Cette tumeur prend forme suite à la multiplication anarchique de cellules. En se développant dans le crâne, elle comprime les zones voisines. Touchant plus particulièrement les hommes de 55-75 ans, aucun traitement ne permet aujourd’hui d’en guérir. Si on ne peut la soigner, on peut en revanche contrôler son évolution, voire augmenter l’espérance de vie. « Jusqu’à aujourd’hui, les pronostics ne dépassaient pas les six mois maximum », explique le neurochirurgien Emmanuel Costa, qui publie une étude dans le Journal of Neurosurgical Sciences avec une équipe pluridisciplinaire placée sous l’égide du professeur Raftopoulos. [scald=15539101:sdl_editor_representation] Dans cette étude, les neurochirurgiens sont pourtant optimistes. « Le suivi de nos anciens patients trois ans après avoir été opérés montre que 11 % d’entre eux sont des survivants “à long terme”, c’est-à-dire de trois ans minimum », poursuit le neurochirurgien. Entre 5 et 6 % dépassent les cinq ans. Deux conditions doivent cependant être remplies : faire une exérèse, c’est-à-dire ôter complètement ou presque la tumeur, puis appliquer dans la foulée le couple radio-chimiothérapie. « La patiente la plus longue a ainsi survécu plus de douze ans après une exérèse complète. C’est plutôt rare… » Pour 91 % des patients, avoir été opéré maximise l’efficacité des traitements suivants. Si, pour maximiser les chances de survie à long terme, il faut complètement ôter la tumeur cérébrale, « un problème subsiste, pour le chirurgien, celui de ne pas aller trop loin … Les séquelles d’une opération au cerveau sont nombreuses. Or, le but est la qualité de vie après l’opération, pas de rendre le patient tétraplégique. » Depuis 2006, une à trois personnes passent dans cette machine par semaine. Elle est devenue un outil classique pour traiter une tumeur au cerveau. Une exérèse de qualité « La technologie dont nous disposons aujourd’hui en Belgique nous place au top mondial, explique le professeur Raftopoulos. Avec des opérations de huit heures en moyenne, tous les outils sont bons à prendre pour aider le chirurgien à retirer la tumeur. » Avec cette machine « à résonance cérébrale », un autre outil se démocratise dans les blocs : la « neuronavigation », un outil informatique permettant la visualisation en trois dimensions du cerveau du patient. « C’est un peu comme un GPS qui guide le neurochirurgien dans les allées cérébrales, explique le professeur. Le cerveau est l’organe le plus complexe découvert à ce jour dans l’Univers. Vouloir retirer un glioblastome reste une opération lourde. Mais avec elle, l’espoir grandit ». [scald=15531084:sdl_editor_representation]

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