Un week-end footballistique au sommet en Italie

La Serie A est partagée nettement en deux. Tout en haut, Naples et la Juventus se disputent le titre ; derrière, à distance respectable (le 3e est à 13 points des Turinois), trois équipes convoitent les deux tickets restants pour l’accès direct à la Ligue des champions. La Lazio, l’Inter et la Roma, dans cet ordre avec à chaque fois une unité de différence entre elles. Aucune n’a tenu le rythme imposé par Naples : à ce train-là, 104 points pourraient ne pas suffire à la Juventus pour coudre un 7e écusson tricolore d’affilée sur son maillot. Dans l’hypothèse, évidemment, où ces deux protagonistes remporteraient toutes leurs rencontres jusqu’au soir du 20 mai. Ce qui n’est pas impossible. Ce qui le paraissait en revanche beaucoup plus, c’est que le Milan puisse se mêler à la lutte pour les places de Ligue des champions. Quand Rino Gattuso l’a repris des mains de Montella, début décembre, les « Rossoneri » erraient à 11 points de la 4e place et carrément 16 de l’Inter, 2e ! Malgré des débuts rocambolesques – l’égalisation de Benevento dans les arrêts de jeu par son… gardien –, « Ringhio » et son tempérament de feu ont fait fondre cet écart pour le ramener à 6 points. Et l’Inter, qui a épousé la courbe inverse depuis que… Milan l’a sorti de la Coupe d’Italie à la fin de l’année dernière, n’a plus que 7 unités d’avance. Or, avec ce programme intense, Milan, 13 matchs sans défaite avec Gattuso, pourrait rendre encore plus concret cet objectif improbable il y a peu. Naples (1er) : Sarri joue toujours le jeu Naples et Manchester City n’ont pas en commun que la couleur bleu ciel de leur maillot ou que leur moyenne stratosphérique tout en haut de la Serie A et de la Premier League (2,65 par match et 2,66). À la veille de leur confrontation en Ligue des champions, Maurizio Sarri et Pep Guardiola avaient même partagé une bouteille de vin pour échanger leurs idées, les mêmes en fait, sur le beau jeu. Vertu non négociable de leurs équipes, même si cette saison, Naples est parvenu à gagner des matches avec un plus grand réalisme aussi. Cependant, cette petite concession semble désormais superflue. À la sortie de l’hiver, les Parthénopéens ont retrouvé leur fluidité dans le jeu. Notamment avec la spectaculaire progression du latéral gauche Mario Rui, deux buts sur les trois derniers matches. C’est que la blessure du titulaire, Ghoulam, contre City justement, avait quelque peu grippé la mécanique jusque-là. Lundi soir, à Cagliari (0-5), le 3e but notamment a démontré que Naples était reparti de plus belle. En moins d’une minute, les onze « Azzurri », Reina le gardien y compris, ont enchaîné 19 passes en 38 touches de balle avant l’exécution de Hamsik. Dans la finale de 1974, les Pays-Bas en alignaient 42 d’affilée avant le penalty sur Cruijff. Dans sa guerre philosophique avec Maurizio Sarri, Massimiliano Allegri n’a aucune complaisance pour l’histoire des Pays-Bas, beaux mais perdants. « Dans vingt ans, on aura oublié l’accessoire, seuls les palmarès survivent au temps. » Sarri l’a renvoyé à son esprit pratique. « Il y a des équipes qui marquent leur époque. Dans vingt ans, on parlera encore de mon Naples. » D’autant plus s’il ramène le « scudetto » 28 ans après au pied du Vésuve ! Juventus (2e) : la faim justifie les moyens Gavé par les éloges faits au Napoli, Massimiliano Allegri réplique avec une phrase piquante à son rival, qui a sacrifié l’Europa League. « La beauté du jeu, c’est d’être en lice sur tous les tableaux. » En mai, si Tottenham (le 7 mars à Wembley) et Naples (le 22 avril à l’Allianz Stadium) le permettent, la Juventus pourra passer à table pour satisfaire son appétit insatiable avec un menu trois couverts : une 4e coupe d’Italie de rang (contre Milan le 9), un 7e « scudetto » à la suite (dernière journée le 20 contre Vérone), et la Ligue des champions (à Kiev, le 26) après deux finales perdues en 3 ans. Allegri n’a plus à faire ses preuves en matière de motivation, de gestion d’effectif et de science tactique. Néanmoins, en 4 saisons, son équipe ne s’est jamais retrouvée à « courir derrière ». À part en 2016, avec un seul point d’avance sur Naples après 26 matchs, le Toscan a même toujours bénéficié d’une bonne marge de sécurité : +7 (2017) et +9 (2015) sur la Roma. Bien sûr, la Juventus doit récupérer un match (le 14 mars contre l’Atalanta) et a l’avantage du terrain lors de la confrontation directe, mais le rythme imposé par Naples l’oblige à l’infaillibilité, à une pression inédite donc à la veille d’accueillir sa bête noire : la Lazio. Les Romains l’avaient battue en Super Coupe et, surtout infligeaient, en octobre dernier, sa première défaite à domicile depuis le 23 août 2015 en 41 matches de championnat (3 partages). Pour donner l’idée de la cadence effrénée des « Azzurri », avec 69 points, ceux-ci en ont récolté autant que la dernière Juventus de Conte, championne en 2014 avec 102 points. Et celle-ci, par unités abandonnées, n’est qu’un cran en dessous. Lazio Rome (3e) : Immobile, le 12e homme Son prénom, Ciro, ne laisse aucun doute sur ses origines napolitaines. Immobile est de fait né à Torre Annunziata, à 20 kilomètres à peine du chef-lieu de la Campanie. Alors, forcément pour ses concitoyens, le « Laziale » sera surtout le 12e homme du Napoli ce samedi soir. Celui qui doit faire trébucher la Vieille Dame. Celle-là même qui l’avait acheté 100.000 € alors qu’il n’avait 16 ans, avant qu’il n’explose définitivement en 2011-2012 avec le Pescara de Zeman en Serie B. Le Pescara de Verratti et d’Insigne aussi. Le 14 octobre dernier, il avait déjà accompli son job avec un doublé en sept minutes pour renverser la Juve et la situation. Depuis qu’il est revenu au pays, après deux expériences ratées à Dortmund et à Séville, Immobile a retrouvé la mire sous les conseils de Simone Inzaghi. Avec le soutien aussi du formidable Milinkovic-Savic (23 ans), le prochain gros coup du mercato, et de l’Espagnol Luis Alberto (24), une des révélations de la saison. 23 buts en 23 matches disputés, 32/32 toutes compétitions confondues pour le « capocannoniere » de la Serie A. Un but par rencontre. Kane, meilleur buteur européen de la saison en cours (35) affiche un ratio (légèrement) inférieur (0,97) ! La seule inconnue en fait, c’est la fraîcheur de la Lazio poussée en dehors de la « Coppa » et aux prolongations (aux tirs au but même) par le Milan dans la froide nuit de jeudi. Mais Torre Annunziata a promis de pallier cette fatigue en faisant sentir son souffle sur l’Olimpico. Inter Milan (4e) : interminable dépression Dans le camp de l’Inter, on ne s’explique pas cette régression. Le 3 décembre, les « Nerazzurri » avaient fait fort en infligeant un score de forfait au Chievo. Quelques heures plus tôt, les « Cugini », les cousins du Milan, avaient suscité les moqueries de la Péninsule avec le partage tragi-comique ramené de Benevento. La fête était donc complète dans les rangs de l’Inter. Les observateurs les plus rompus au Calcio affirmaient que l’Inter pouvait rivaliser avec Naples et la Juventus, entre lesquels l’équipe de Spalletti s’était intercalée. Le même faisait figure de gourou avec ses phrases de « condottiere » postées sur son compte Instagram nouvellement ouvert. Non, rien ne pouvait arrêter cet Inter, qui avait consommé 3 entraîneurs la saison précédente, intérimaire y compris. Le hic, c’est que c’est l’Inter elle-même qui s’est arrêtée. Du jour, celui de la victoire contre les Véronais, au lendemain. Deux petites victoires sur les 11 matches qui ont suivi. Et encore, le dernier en date, contre Benevento, se mire dans la suspecte cécité du VAR qui n’avait même pas daigné revoir un penalty grand comme un écran de cinéma ! Et on en était à 0-0 avec des « Giallorossi » dominant dans leur occupation du terrain et des espaces. Ces observateurs en réalité avaient eu un regard trop restreint, aux arrêts de Handanovic et aux buts d’Icardi. Or, entre les deux, dans l’entrejeu, c’était le vide ! Ce vide que les paroles de Spalletti ne parviennent même plus à remplir. AS Rome (5e) : la Louve aux abois Les deux derniers matches de la Roma – à Kharkiv contre le Shakhtar en C1, défaite 2-1 ; à l’Olimpico en championnat contre Milan, défaite 0-2 – reflètent fidèlement l’image de la saison en cours. Une première mi-temps à chaque fois bien négociée, 0-1 en Ukraine, 0-0 dimanche passé, suivie d’une seconde période catastrophique. Dans la manière et dans le résultat. La Roma de l’An I, celle de l’après Totti, semble à présent tanguer après une première partie de saison en ligne avec les ambitions, l’obligation financière même du club, soit la 4e place. Le 4-3-3 de Di Francesco avait à la fois rencontré l’adhésion des joueurs, mais aussi donné une cohérence au jeu et une constance aux résultats de l’équipe. Depuis la reprise, ces certitudes se sont ébréchées. La recherche d’argent frais pour plaire au fair-play de l’UEFA a perturbé l’équipe. Négociés à droite et à gauche, Nainggolan et Dzeko sont finalement restés, surtout par leur propre volonté. Mais ces rumeurs ont, à certains égards, brisé cet élan, maintenu presque artificiellement par les prouesses du jeune (20) ailier Turc, Ünder. Le coach ne sait plus trop sur quel pied danser : le 4-2-3-1 n’a fait qu’illusion aussi. Il voudrait revenir au 4-3-3… Dans ce flou, la seule vérité, c’est que si la Roma ne finit pas dans les 4 premiers, et lui et les cadors – les deux joueurs cités et le gardien Alisson – seront sacrifiés sur l’autel du Fair-Play financier et des 30 millions minimum garantis par la Ligue des champions. AC Milan (7e) : relancé grâce à Gattuso En 3 mois, Rino Gattuso a déjà atteint un objectif avec le Milan : la finale de la Coupe d’Italie, qu’il disputera à la Juventus le 9 mai. Au passage, il a sorti successivement l’Inter et la Lazio. Mais l’ex-entraîneur de la « Primavera », la formation des espoirs qu’il dirigeait depuis l’été passé, a surtout rendu de la crédibilité à son équipe et, en amont, la foi en leurs moyens aux joueurs. Un exemple ? Calabria, à 23 ans, risquait de finir comme De Sciglio (passé à la Juventus où il compte plus d’apparitions que de présences) : une promesse jamais éclose. C’est tout le contraire, le latéral droit s’affirme dans les deux phases : défensive et offensive. À tel point que Luigi Di Biagio, le sélectionneur ad interim de la « Nazionale », a déjà affranchi sa convocation. En fait, Di Biagio envisage d’appeler la défense « rossonera » – 584 minutes sans encaisser – dans sa quasi-totalité (Rodriguez est… suisse). C’est que, au-delà de Donnarumma, talent indiscutable, Bonucci a surmonté sa crise existentielle. Infranchissable désormais, il alimente à nouveau à jet continu le jeu lombard. Comme à son plus belle époque « juventina ». Qui ne remonte qu’à neuf mois, soit dit en passant. Et avec le retour aux affaires de Leo, c’est l’autre central, Romagnoli (23) qui en a fini avec sa crise de croissance. « Gattuso me rappelle Conte », promet Bonucci ! Sa motivation est visible le long de la ligne de touche. Il a pris Çahanoglu à part et lui a montré un montage de ses matches avec le Bayer. « Regarde, c’est toi. Un crack. Tu ne peux pas être devenu un nul en quelques mois. » Gattuso, c’est le bon sens même. Il est « cash ». Il n’a rien à cacher. Même pas les entraînements qui ne sont plus à huis clos. Une rareté en Italie depuis que Sacchi avait fermé les portes de Milanello il y a 30 ans.

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