La Ghouta, une oasis devenue l’enfer sur terre

Est-ce le début de la fin pour la rébellion dans la Ghouta orientale ? Après un siège drastique de plusieurs années, cette enclave d’une centaine de kilomètres carrés située à la périphérie est de Damas subit les assauts directs du régime et de ses alliés. Près de deux semaines de bombardements intensifs qui ont fait entre 700 et 800 morts parmi la population civile ont précédé une offensive terrestre qui a désormais pris forme. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) basé en Grande-Bretagne, le régime de Bachar al-Assad contrôle désormais un tiers de ce fief rebelle. La demande de trêve formulée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 24 février est restée lettre morte, mais un premier convoi d’aide a néanmoins réussi à se rendre sur place ce 5 mars bien que le régime en eût exclu le matériel contre les traumatismes, la chirurgie, les séances de dialyse, l’insuline, etc. Quelque 70 % des chargements que les camions emmenaient ont été empêchés de passer par le régime, selon l’Organisation mondiale de la santé citée par Reuters. Mais que représente cette enclave et pourquoi y meurt-on de manière massive en ce début d’année 2018 ? 1 La Ghouta, une oasis devenue l’enfer sur terre. Cette région située aux portes mêmes de la capitale syrienne en a longtemps constitué le grenier. Terre fertile, riche en eau, elle était connue des Syriens et surtout des Damascènes pour ses cultures de légumes et de fruits. Le nombre d’habitants est difficile à préciser en raison de la guerre, les chiffres de 300.000 à 400.000 personnes sont souvent avancés. Banlieue très appauvrie dans les années 2000 en raison d’une sécheresse cruelle, la Ghouta (« oasis ») a vu ses habitants pour la plupart sunnites et très pieux prendre les devants de la contestation en 2011 à l’avènement du « printemps » arabe local. Elle compta parmi les premières régions de Syrie à basculer dans la guerre civile quand la répression brutale des manifestations créa les conditions d’une militarisation de la protestation. 2 Des rebelles islamistes, d’obédiences multiples. Le régime, adepte du manichéisme, dit y combattre des « groupes terroristes ». Les groupes armés sur place sont en tout cas composés de Syriens de la région. Des groupes qui ont suivi un processus de radicalisation au fur et à mesure que le conflit se prolongeait. Les militants armés seraient entre 10.000 et 20.000. « L’État islamique » (Daesh) n’y est pas présent, mais bien quelques centaines de membre de Hayat Tahrir al-Cham (Organisation de libération du Levant), héritier syrien d’Al-Qaïda avec qui il dit avoir rompu. À part cette petite minorité, les rebelles armés appartiennent à des factions islamistes, dont la principale, Jaish al-Islam (l’Armée de l’islam), fait partie de l’opposition qui négocie par intermittence sous les auspices de l’ONU à Genève. Toutes les factions armées tirent des obus de mortier sur Damas de manière épisodique, mais leur puissance de feu comparée à celle du régime (artillerie, missiles, bombardiers syriens et russes) reste dérisoire même si elle peut aussi tuer. Jaish al-Islam et d’autres ont commis de graves violations des droits humains. 3 Qui aide les protagonistes ? Jaish al-Islam figure parmi les groupes armés qui ont reçu de l’aide du Golfe (Arabie saoudite principalement). Cette aide, si tant est qu’elle existe encore, ne parvient plus à personne dans la Ghouta où population comme rebelles se sentent abandonnés par le monde et condamnés à se rendre ou à mourir, un constat impossible à contredire. En face, le régime compte sur ses fidèles alliés. Outre l’aviation militaire russe, les milices chiites venues d’Irak, d’Iran, d’Afghanistan et surtout du Liban (le Hezbollah) donnent une coloration très religieuse et même franchement islamiste au camp du régime, un détail peu mis en avant. 4À quels scénarios faut-il s’attendre ? Comme dans d’innombrables autres cas de villes ou régions rebelles, le régime et ses alliés mettent en pratique une méthode qui a montré son efficacité : le bombardement féroce des populations – y compris les centres sanitaires et les commerces de vivres – jusqu’à épuisement de celles-ci, et leur choix subséquent de négocier une reddition. Alep-est était tombé selon ce scénario en décembre 2016. Les derniers contacts entre Damas et l’enclave (notamment par des tunnels) ont été rendus impossibles l’année dernière par les forces du régime, rendant la situation humanitaire dramatique, avec l’apparition de la malnutrition, voire de la faim, et une pénurie concomitante de médicaments. Des massacres ou une reddition des rebelles et leur transfert vers le nord rebelle, ces scénarios semblent plausibles. Ce qui est sûr, c’est que le régime entend annihiler cette rébellion qui le narguait à quelques kilomètres de son épicentre.

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