C12 veut faire vibrer les galeries Horta

Ils s’appellent Mathieu Serrat, Ulysse Choner et Tom Brus, ont entre 24 et 26 ans, et quand on leur demande s’ils se considèrent comme des entrepreneurs, ils marquent un temps de réflexion. C’est le premier qui finira par briser la glace. « Sur ce projet, oui. » Les trois amis ne sont pas en train de plancher sur la prochaine application à la mode. Leur logiciel à eux, c’est la fête, et si possible une fête relevée, intelligente, urbaine. Ensemble, ils viennent d’inaugurer C12, un espace culturel multidisciplinaire qui a trouvé sa place au cœur de la galerie Horta, reliant la place d’Espagne et la gare Centrale. Depuis son ouverture en février, le lieu a déjà hébergé, dans le désordre, plusieurs soirées électroniques, des concerts de hip-hop, des expositions de photographes émergents et même des séances de yoga le dimanche. Issus de formations en communication et en arts visuels, les trois garçons ne sont pas de sombres inconnus dans le monde de la nuit bruxelloise. On leur doit en effet les soirées « Deep in House », concept centré sur la musique électronique de bonne facture, qui a su s’imposer dès ses débuts en 2012 comme une des références bruxelloises en matière de clubbing. « À l’époque, on sortait beaucoup en boîte et on connaissait pas mal de monde, donc ça a rapidement pris », raconte Tom. « En 2015, on nous a proposé de faire une soirée “open air” gratuite à l’Atomium, qui a rassemblé 4.000 personnes. Ça nous a en quelque sorte propulsés et à partir de là, on a eu accès à des lieux un peu plus inédits et exclusifs, comme des entrepôts. C’est là que l’on s’est professionnalisé, car dans ce genre de lieux, il fallait tout aménager nous-mêmes, du bar aux vestiaires en passant par la mise aux normes de l’espace pour les pompiers. » L’année suivante, ils se voient proposer l’organisation d’un nouvel an dans les galeries Horta, rachetées depuis peu par des investisseurs privés ayant l’ambition d’en faire à moyen terme un musée interactif. L’événement fait un carton. Les propriétaires, en attente de permis pour développer leur projet, proposent à l’équipe d’investir les lieux et de le faire vivre pour une durée d’un an. Ainsi est né C12, baptisé à partir du nom technique de la cellule commerciale dans laquelle le collectif organise aujourd’hui ses plus gros événements. Un écrin situé au pied d’un magnifique escalator en bois – l’un des premiers d’Europe, paraît-il – dessiné par Horta. « Tu sais que certaines de ces cellules n’ont plus été exploitées depuis la seconde guerre mondiale ? », s’enthousiasme Mathieu. Il est vrai que la galerie, aussi monumentale soit-elle, a connu durant les dernières décennies un long passage à vide, et ce malgré une récente rénovation et des tentatives d’y rouvrir des commerces. Actuellement, 4.000 personnes y passent chaque jour. C’est à la fois trop peu pour faire vivre durablement des magasins, mais c’est suffisant pour offrir une certaine visibilité aux espaces qui y ont retrouvé de la vie. « Avoir un espace aussi central, qui offre autant de possibilités et pouvoir l’occuper de façon permanente, pour nous c’était un peu inespéré », ajoute Tom. Face au potentiel des lieux, les trois amis ont décidé de diversifier leur offre et de ne plus se cantonner uniquement à la musique électronique. « On estimait qu’il y avait une place à prendre, avec les lieux qui sont en train de fermer », expliquent les garçons, en faisant référence au Recyclart et Magasin 4, deux lieux phares bruxellois de la vie culturelle alternative, tous les deux en phase de déménagement. Loin d’être juste là pour amuser la galerie, ils expliquent également être attachés à une certaine éthique de l’événementiel. « On essaye notamment de mettre le focus sur des artistes émergents ou locaux », tous genres confondus. D’ici peu, ils entendent par ailleurs ouvrir une nouvelle cellule en collaboration avec l’artiste bruxellois Patrick Carpentier, qui sera le curateur de cette « galerie dans la galerie ». Chaque mois, ce dernier y exposera deux œuvres, produites par deux artistes locaux qu’il souhaite mettre en avant. Mises face à face, elles se questionneront l’une l’autre sous le regard des passants. Vu la rapidité avec laquelle le lieu semble s’être imposé dans le paysage nocturne de la capitale – sur l’ensemble du mois de février, quelque 3.000 curieux y ont pris part à des événements –, on est forcément tenté d’en savoir plus sur les perspectives d’un concept dont la fin est déjà (en théorie) arrêtée dans le temps. Même si les trois cerveaux se consacrent pour l’instant pratiquement à plein-temps à leur projet, ils abordent l’avenir avec une certaine philosophie. « Il y a un seul facteur sur lequel on peut influer, et pour l’instant c’est la qualité de la programmation qui est proposée. »

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