Marceline Loridan-Ivens. La jouvence. - JF Paga/Grasset.Journaliste au service Culture
Par Nicolas CrousseTemps de lecture: 2 min
A près de 90 ans, Marceline Loridan-Ivens signe en égrenant les mémoires de sa vie amoureuse un bien bel hymne à la vie.
Au crépuscule d’une vie aussi longue que folle, Marceline Loridan-Ivens, née Rozeberg de parents juifs polonais, se retourne sur son passé. Elle a dix-sept ans lorsque la guerre s’achève. Elle en sort miraculée. C’est une rescapée d’Auschwitz-Birkenau, où elle fut déportée, dans le même convoi que Simone Veil.
Au commencement, donc, était l’horreur. L’odeur de gaz. Le goût de cendre. L’étoile jaune sur le corps. Et, en pleine adolescence, deuils et traumatismes en bandoulière. Et pourtant elle est là, Marceline, sept décennies plus tard, vivante malgré elle. Miraculée de la Shoah qui, comme tant d’autres de ses contemporains, dont les plus célèbres s’appelleront Gréco, Barbara… ou Simone Veil, fera souffler sur le restant de sa vie le vent d’une irrésistible libération intérieure et l’énergie d’une intarissable fureur de vivre et d’aimer.
Mais l’amour après les camps, ce n’est pas tout à fait l’amour ordinaire. C’est au fond l’amour blessé. L’amour mort. Et puis, l’amour ressuscité. C’est le tourbillon de la vie, celui-là même que chantait jadis Jeanne Moreau en s’amusant un peu des mélodrames amoureux qui peuvent traverser les existences des jeunes gens. Alors Marceline nous la raconte, cette vie multiamoureuse et multiconjugale, depuis sa prime jeunesse jusqu’aux jours plus récents. Penchée sur sa malle à souvenirs, qui renferme des centaines de lettres et la ramène aux différents chapitres de ses amours, Marceline nous dresse le portrait des hommes qui ont traversé son existence. Il y a – entre autres – Georges Perec, Edgar Morin, Joris Ivens, le cinéaste néerlandais qu’elle accompagnera jusqu’à la fin.
Elle écrit : « Je n’étais pas une gosse, j’avais tout compris du genre humain à quinze ans, pas une adulte non plus, j’avais si peu connu de la vie, j’étais un petit être farouche, hybride, souvent cassant, doté d’un penchant pour la mort et d’un redoutable instinct de survie. »
Quel âge a cette femme, qui a tout vu, tout compris à quinze ans et dont on entend aujourd’hui la voix presque nonagénaire ? La force et la grâce de ce livre tiennent dans cette question. Comme dans sa réponse : habitée par un puissant vitalisme, Marceline aura vu sa vie possédée par une mystérieuse force. Qui s’appelle peut-être l’éternelle jouvence.
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