«La violence des armes a failli prendre ma vie»: des centaines de milliers d’Américains dans la rue à Washington

Ils ont marché pour leurs vies. Des centaines de milliers de lycéens, mais aussi de parents, de professeurs, familles de victimes et survivants de fusillades meurtrières ont défilé samedi midi dans les rues de la capitale fédérale, Washington. Le cri de ralliement de cette « March for Our Lives », qui remontera l’avenue Pennsylvania menant à la Maison Blanche ? Tordre le bras au législateur américain, ce Congrès qui refuse obstinément d’agir dans le débat sur le contrôle des armes à feu : interdire la vente libre de fusils d’assaut et chargeurs à forte capacité, imposer un registre fédéral des détenteurs d’armes, renforcer les contrôles préalables à la vente, muscler la prévention par les services sociaux. Et marquer le coup face à un président Donald Trump lui aussi influencé par la toute-puissante association nationale des armes à feu, la NRA. « Ils n’ont aucune idée de ce que cela fait de se trouver à 5 mètres d’un (fusil d’assaut) AR-15 », s’indigne un rescapé de Marjory Stoneman Douglas, Alfonso Calderon, 16 ans à peine. [scald=18200803:sdl_editor_representation] L’idée de cette manifestation massive, qui fait suite à un « walk-out » la semaine passée dans toutes les écoles d’Amérique, est née après la tuerie de Parkland (Floride). Le 14 février, 17 personnes avaient été tuées par un jeune désaxé, parvenu à s’introduire lourdement armé dans le lycée Marjory Stoneman Douglas avant de s’ôter la vie. Depuis, la génération « Z », celle née après l’an 2000, se découvre une vocation inédite d’activiste politique, avec le mouvement baptisé « Plus jamais (Never Again) ». Son implication est compréhensible. En Une du Washington Post s’exhibe une statistique infamante : 187.000, comme le nombre d’élèves exposés à la violence des armes en milieu scolaire en deux décennies à peine. [scald=18202615:sdl_editor_representation] Les célébrités sont au soutien : l’archi-célèbre animatrice de télé Oprah Winfrey, l’acteur George Clooney, le réalisateur Steven Spielberg ont donné chacun un demi-million de dollars pour financer l’organisation de l’événement. Présents à l’événement, Lin-Manuel Miranda, auteur de la pièce « Hamilton » sur Broadway, les chanteuses Miley Cyrus et Ariana Grande, l’actrice Jennifer Hudson. [scald=18200802:sdl_editor_representation] Mais les vraies stars, ce sont ces jeunes gens apparus sur la scène médiatique dans le chaos de Parkland, encore ébahis d’avoir survécu à l’indicible. La colère, la passion, brillent dans les yeux d’Emma Gonzalez, de David Hogg, de Cameron Kasky, qui ont lancé le principe de cette marche le 24 mars. Et provoqué une réaction en chaîne : huit cents marches similaires se déroulaient ce même jour aux quatre coins des États-Unis, ainsi qu’à Londres, Madrid, Paris, Tokyo et Séoul. Dejannae Williams, dans la foule, attire les regards et les photographes. Cette étudiante de 21 ans a pris une balle perdue dans la colonne vertébrale un soir de 2016 où elle rentrait chez elle à Charlotte (Caroline du Nord). Sur sa chaise roulante, elle arbore un écriteau sur lequel est écrit : « aidez-moi à sauver des vies. La violence des armes a failli prendre la mienne ». Écrasée par des factures médicales insurmontables, elle a dû s’adresser à une campagne de cofinancement GoFundMe pour en relever le fardeau. Une femme émue aux larmes l’enlace, murmurant combien elle est « désolée ». « J’essaie juste de me remettre sur mes pieds », sourit la jeune fille. [scald=18200805:sdl_editor_representation] Justin Hamilton, lui, n’a que onze ans et aucun handicap physique. Il n’a jamais été, heureusement pour lui, confronté à une situation dangereuse. Mais ce fougueux gamin de 5e primaire à Yellow Springs, Ohio a été tant ému par les récentes tragédies qu’il a obtenu le droit de son proviseur d’organiser un rassemblement, lors duquel les enfants réunis en cercle ont lu les noms des dernières victimes et ce qu’elles faisaient dans la vie. L’étape suivante était logique pour lui : convaincre son père de l’emmener à Washington, à 700 km de chez eux ! « C’est pour ça que je suis venu , insiste Justin. Les adultes ne nous écoutent pas ». Au passage, il aimerait faire un documentaire de cette extraordinaire mobilisation à laquelle il fallait qu’il participe. Et après ? Déterminés à ne pas relâcher la pression sur leurs édiles, les étudiants américains ont prévu de remettre ça le 20 avril. Le jour anniversaire d’une autre tuerie, celle du lycée Columbine en 1999, dans le Colorado. Là encore, les élèves américains sont invités à sortir de leurs classes et rejoindre un « walk-out » au dehors, en hommage aux victimes. En espérant, là encore, que la force des images fasse culpabiliser un peu plus encore un pouvoir politique aux abonnés absents, très largement sous la coupe du plus influent des lobbys outre-Atlantique, celui des fabricants d’armes. Il sera ensuite temps de se rendre aux urnes, lors des élections parlementaires de mi-mandat (midterms) prévues le 4 novembre prochain, histoire de sanctionner les candidats trop velléitaires. « En toute honnêteté, ils se contrefichent de nous tant que nous n’exprimons notre vote, s’emporte David Hogg. Si nous ne nous dressons pas et ne faisons pas entendre notre voix de citoyens américains, ils n’agiront jamais ».

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