Marius Neset: «J’adore être au milieu de l’orchestre»

Les concertos pour groupe et orchestre, ce n’est pas nouveau. Dès 1969, le rock band Deep Purple s’y essayait. Le jazz a beaucoup influencé les musiciens classiques : Stravinsky, Milhaud, Gershwin, Chostakovitch, Antheil. Et les jazzmen se sont pas mal entourés de grands orchestres, comme Charlie Parker ou Philip Catherine. Ou se sont inspirés du classique, comme Keith Jarrett ou Brad Mehldau. Mais peu sont parvenus à créer une symbiose aussi ténue et forte entre les musiciens de jazz et ceux de l’orchestre symphonique que Marius Neset. [scald=18338486:sdl_editor_representation] Marius Neset est un musicien de 32 ans. Un Norvégien, malgré son prénom qui sent la Provence, qui vit à Copenhague, où il est resté après ses études. Un saxophoniste ténor et soprano qui compose des partitions pour des orchestres entiers. Il est à Bruxelles ces mercredi et jeudi, à Bozar, pour jouer la musique de son album Snowmelt. Qui est en fait une symphonie pour jazz quartet et orchestre symphonique. Marius Neset est arrivé à Bruxelles lundi soir. Comme les membres de son quartet : le pianiste britannique Ivo Neame et le batteur norvégien Anton Eger, tous deux du trio Phronesis, plus le contrebassiste suédois Petter Eldh. Dès 14 h, mardi après-midi, les répétitions commencaient avec l’Orchestre national de Belgique, dirigé par Geoffrey Paterson. [scald=18377239:sdl_editor_representation] Deux jours de répétition avant les deux concerts, ce sera suffisant ? On verra ça demain ! (sourire) Et puis les musiciens de l’orchestre ont les partitions depuis quelque temps. Cette musique est différente de ce que les musiciens d’un grand orchestre jouent d’habitude. Mais nous savons où se trouvent les difficultés et où donc il faut porter l’attention. Et le chef, Geoffrey Paterson est fantastique : il comprend exactement ce que je veux faire. Pour les musiciens de l’orchestre, c’est un challenge excitant, non ? Les musiciens classiques s’amusent à jouer ma musique, et j’en suis heureux. Il y a beaucoup de parties qui sont exigeantes pour eux dans ma musique, mais même si c’est différent de ce qu’ils font, c’est quand même relié à leurs habitudes. Le défi, c’est quand on joue les parties plus groovy. Là les musiciens de jazz et les musiciens classiques prennent souvent des chemins divergents pour faire swinguer la musique. Or on doit ici tous se rencontrer. Et ce n’est pas facile. Un orchestre, ça signifie des partitions, c’est-à-dire un timing précis. Un quartet de jazz, ça signifie des improvisations, c’est-à-dire la liberté. Comment conciliez-vous cela ? C’est très structuré évidemment mais, à l’intérieur des formes, nous pouvons faire ce que nous voulons, nous sommes libres. Nous ne pouvons cependant pas sortir des structures. Ainsi, chaque solo a une longueur donnée, ce n’est pas ouvert. Ce n’est pas comme dans un quartet de jazz. Cela nécessite pas mal de répétitions en effet. Car il s’agit de savoir ce que les autres font, c’est ça le secret. Pour faire de la vraie bonne musique, il faut connaître les parties de chacun. [scald=18377309:sdl_editor_representation] C’est du jazz ou du classique ? Ni l’un ni l’autre. Mais quelque chose entre les deux. Ce n’est en tout cas pas un jazz-band avec un orchestre symphonique en arrière-plan. Je veux que chacun rencontre l’autre, que chaque pièce fasse advenir la rencontre. Ce n’est ni du jazz ni du classique. Vous empruntez ainsi un nouveau chemin musical ? C’est difficile à dire pour moi, puisque je suis tellement dedans. Ce serait plus facile d’examiner cela avec de la distance. Plus tard, donc. Ma musique en tout cas est le résultat de tout ce que j’ai entendu et étudié, en classique et en jazz. Snowmelt est un album qui me ressemble. Mes albums deviennent plus forts, me semble-t-il, parce qu’ils sont de plus en plus moi, parce que je suis de plus en plus conscient de ce que je veux. [scald=18377238:sdl_editor_representation] On surprend du Mahler, surtout dans le morceau « Storm is over ». Mahler est une grande influence. La façon dont il construit ses symphonies, et particulièrement sa Neuvième, qui me fait chaque fois un choc. Je n’essaie pas de composer comme lui, je n’en serais d’ailleurs pas capable, mais c’est un grand inspirateur. Comme Charlie Parker. Et Keith Jarrett, Django Bates, Olivier Messiaen. Ou, pour le sax, Coleman Hawkins, Wayne Shorter, John Coltrane, Sony Stitt, Sonny Rollins et surtout Michael Brecker. Dans quasi tous vos albums, vous jouez avec un grand orchestre, un big band ou en tout cas de nombreux musiciens. Vous aimez ça, ça donne de l’espace au son ? J’adore être au milieu de l’orchestre. J’essaie d’apporter l’impulsion, la liberté, tout en, restant clair. Il faut rester dans la forme, sous peine de perdre les musiciens symphoniques. Le quartet qui joue avec moi est là pour fournir le rythme, la pulsation, la dynamique. Et quand je compose, je pense à lui, à ces complices, on se connaît tellement bien. Vous jouez deux soirs à Bozar. Avec le même programme ? Oui. Ce sera toute la musique de Snowmelt plus des morceaux de Birds et de Pinball que j’ai arrangés pour orchestre. Marius Neset et l’Orchestre national de Belgique, mercredi 28 et jeudi 29 mars à la salle M de Bozar. Ticket : 24 euros. Infos : www.bozar.be

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