Stop au béton flamand et wallon, aspiration à d’autres formes de logements, effet « Nimby » : la construction neuve doit s’adapter aux changements en cours. Plus facile à dire qu’à faire dans un pays comme la Belgique où les mentalités doivent elles aussi s’adapter.
Le projet Canal Wharf porté par AG Real Estate dans la zone du canal, en face de Tour et Taxis, est l’un des nombreux projets immobiliers neufs qui sortent de terre dans la capitale. - D.R.Journaliste en charge du Soir Immo
Par Paolo LeonardiTemps de lecture: 6 min
L’immobilier neuf n’a sans doute jamais connu une époque aussi tourmentée. A l’heure où le « stop au béton » est devenu un concept prononcé tant en Flandre qu’en Wallonie, il y a lieu de se demander vers quoi il mènera.
Aussi curieux que cela puisse paraître, l’ensemble du monde immobilier qualifie cette mesure de « bonne mesure ». Même les représentants de la construction, les entrepreneurs, les promoteurs et les architectes veulent y voir, plutôt qu’un frein à leurs activités, une opportunité pour construire autrement.
Avant toute chose, le stop au béton décidé d’abord par la Flandre, puis plus récemment par la Wallonie, porte en définitive assez mal son nom. Car s’il vise à interdire l’étalement urbain (en 2040 en Flandre et en 2050 en Wallonie), il ne concerne que certaines zones (les zones dites « ouvertes », c’est-à-dire pour résumer les zones vierges de toute construction comme les zones agricoles ou forestières) et ne cherche pas à interdire le développement partout. D’autre part, croire qu’on ne construira plus rien une fois ces deux dates fatidiques atteintes serait d’une naïveté affolante.
Pour être plus clair encore, nous dirons que ce que veulent éviter à tout prix la Flandre et la Wallonie, c’est de voir le citoyen construire dans des endroits mal (ou pas) desservis par les transports en commun et éloignés des écoles, commerces et autres bureaux. Bref, des endroits où il est impossible de faire quoi que ce soit sans sortir sa voiture du garage.
Si l’on ne pourra plus construire dans tout nouvel espace ouvert, il faudra bien construire ailleurs, vu qu’on nous annonce une démographie toujours galopante. Mais alors dans quels cieux verra-t-on les grues s’élever à l’avenir ? Dans ceux qui surplombent les zones déjà bâties. Et l’on y construira des bâtiments en hauteur, proches de constructions déjà existantes.
L’évidence est nette et sans bavure : les jeunes ménages ou les jeunes tout court, mais aussi les personnes âgées, les célibataires ou les familles monoparentales aspirent à d’autres formes de logements, essentiellement plus petits et plus pratiques, et à un retour à la ville qui semble ne plus s’arrêter. « Tout cela est bien beau. Encore faut-il rendre la ville plus agréable à vivre et plus sûre en créant des espaces verts ou des esplanades où les gamins peuvent jouer en toute quiétude, explique Aubry Lefebvre, l’administrateur délégué de Thomas et Piron Bâtiments, la partie du groupe de construction qui a en charge la construction des appartements. Plus que tout, ce sont les mentalités qui doivent changer car le Belge doit accepter à l’avenir de vivre plus haut, plus proche de son voisin et dans un espace plus exigu. Il doit aussi se faire à l’idée que son cadre de vie futur ne sera plus à la campagne mais bien en ville. »
Le projet Gameda que Thomas et Piron porte à Namur. - D.R.
Voilà qui est vite dit, mais beaucoup moins vite fait, et encore moins vite digéré. Car, comme le souligne encore Aubry Lefebvre, l’an dernier la Région wallonne a décerné 10.400 permis pour de nouvelles constructions, dont 5.400 étaient destinés… à des maisons. Comme quoi l’appartement prend du galon mais la maison n’a pas dit son dernier mot…
L’effet « Nimby » (« Not in my backyard », ou « Pas dans mon jardin ») est là pour rappeler que le Belge est peut-être d’accord pour qu’on construise un immeuble à appartements « proche » de chez lui. Mais il ne veut pas qu’on le construise « à côté » de chez lui, à cause des nuisances, sonores ou autres, ou de l’ombre dans son salon que lui causerait la nouvelle structure.
Une nuance qui résume bien la difficulté qu’ont les promoteurs à faire passer des projets qui vont pourtant dans le sens d’une plus grande densité. « A ce sujet, force est de reconnaître que la réalité dépasse la fiction dans notre pays, expose sans détour Serge Fautré, le patron d’AG Real Estate qui est également président depuis un an et demi de l’Upsi (qui regroupe les promoteurs). Il y a trop de cas où l’intérêt individuel prime l’intérêt général. Voyez le nombre invraisemblable de recours auxquels doit faire face notre malheureux RER que tout le monde souhaite pourtant ! On ne peut pas en même temps se plaindre de l’ultra-libéralisme et s’opposer à tout ce qui améliore le vécu en commun. »
Nous vivons à une époque où la ville doit se développer. D’autres cités internationales ont entamé leur mutation et continuent de le faire. Bruxelles, à ce sujet, traîne encore trop la patte. « Il y a en Belgique une réelle difficulté à créer un élan patriotique autour de certains projets, poursuit à ce sujet Serge Fautré. Je ne sais pas si c’est propre à la mentalité belge parce que nous ne sommes, au fond, indépendants que depuis 1830 et nous savons que le Belge a été extrêmement actif par le passé dans la défense de ses libertés individuelles. Mais nous avons tous besoin aujourd’hui, acteurs privés et publics, de nous envoler vers le futur. Il est indispensable de faire évoluer la législation en ce sens. La liberté individuelle et la démocratie doivent être sauvegardées, mais elles doivent aussi pouvoir s’effacer au profit de l’intérêt général. »
Certains projets semblent neufs une fois achevés. Parfois, pourtant, ils s’appuient sur une (quasi)démolition-reconstruction d’un bâtiment existant. Ici, le projet Cosmopolitan de Besix Red dans le bas de la ville à Bruxelles. - D.R.
Aujourd’hui, tous les agents immobiliers vous le diront : lorsqu’on veut acheter un logement, on est tous tiraillé : un Belge sur trois veut du neuf, un autre tiers veut de l’ancien et le tiers restant hésite entre l’un et l’autre. Patron du réseau Trevi, Eric Verlinden n’a aucun doute : il prédit un bel avenir au secteur du neuf. « La demande y est soutenue et permanente, affirme-t-il. Un logement neuf est peu demandeur en énergies, il est moderne en termes de conceptions des pièces et il offre beaucoup de lumière à ses occupants. »
Seul hic : le prix et la localisation. Le foncier dans les communes les plus recherchées devient rare et les coûts de construction sont toujours plus élevés. « Et la situation ne va pas aller en s’améliorant, intervient Eric Verlinden. En Belgique, vous avez Bruxelles où il n’y a pratiquement plus de terrains à bâtir et deux autres Régions où l’on va interdire à l’avenir de construire. Conséquence : le foncier va continuer à monter, et donc forcément aussi le prix de l’immobilier. »
Une seule solution pour le candidat acquéreur : modifier ses rêves. « Celui qui veut acheter à Ixelles, pour ne prendre que ce seul exemple, où les prix ont flambé, devra se résigner à aller s’installer ailleurs, explique ainsi le patron de Trevi. C’est un mouvement inéluctable car si l’on y regarde de plus près, les offres qui sont disponibles dans les communes les plus recherchées concernent des biens situés à la périphérie de ces communes et non plus dans le centre. A Uccle, par exemple, les zones où vous trouverez encore des biens sur le marché sont celles qui s’étendent vers Drogenbos ou Rhode-Saint-Genèse… »
Et l’agent immobilier de conclure par un souhait, déjà maintes fois proféré : « Le gouvernement, particulièrement bruxellois, a intérêt à modifier le RRU (NDLR : Règlement régional d’urbanisme) dans un délai très court, sans quoi on risque de se retrouver dans une situation de chaos social. Il faut impérativement diminuer les surfaces à construire sans quoi les prix de vente globaux continueront de grimper et l’on va se retrouver avec des appartements une chambre impayables… »
Trevi s’unit aux AIS pour lancer un nouveau produit
Soucieux de proposer des logements neufs au plus grand nombre, le réseau d’agences Trevi a lancé sur le marché un nouveau produit : le « Trevi Valuable Invest ».
Pour résumer, nous écrirons qu’il fait entrer l’immobilier neuf dans les Agences immobilières sociales (AIS), dont on sait que le but est de fournir des logements aux plus démunis à des loyers en dessous des prix du marché et d’assurer un loyer garanti pendant quinze ans aux propriétaires.
« Le gouvernement bruxellois veut du logement accessible au plus grand nombre, c’est pourquoi il a créé les AIS, explique Eric Verlinden, le patron de Trevi. Le problème vient du fait que les biens proposés par ces AIS sont rarement des biens de qualité. Notre portefeuille de biens neufs disponibles via ces agences tourne aujourd’hui autour des cent unités. A terme, nous espérons en vendre entre 100 et 120 par an. »
Concrètement, comment fonctionne ce « Trevi Valuable Invest » ? Celui qui acquiert un appartement bénéficiera de plusieurs avantages : l’achat d’un bien neuf, une TVA à l’achat réduite à 12 % (au lieu de 21 %) et une exonération du précompte immobilier. En contrepartie, il doit confier son bien à une AIS. Celle-ci lui garantira un loyer pendant quinze ans, s’occupera elle-même de trouver des locataires et s’assurera de la remise du bien en état (hors usure locative normale) lors d’un changement de locataires. En bref, le propriétaire loue son bien sans soucis.
Un produit social au sens noble
Les appartements offerts à travers cette formule peuvent se retrouver dans l’ensemble des communes de la Région bruxelloise. « On estime à 400.000 le nombre de personnes qui sont susceptibles de répondre aux critères financiers permettant de bénéficier de ces appartements conventionnés, poursuit Eric Verlinden. Cela peut donc être votre collègue de bureau ou une connaissance de votre entourage, et pas des gens vivant dans la rue dans un état de pauvreté extrême comme on le croit trop souvent. C’est un produit social au sens le plus noble du terme. »
Un produit qui est né d’un double constat : le manque d’offre suffisante à Bruxelles pour une grande catégorie de personnes, dont les jeunes, et la volonté de mettre en valeur le travail effectué par des organisations comme les AIS.
Jeunes couples, personnes isolées, ménage ne disposant que d’un seul revenu : chacun peut accéder à ces biens pour autant qu’il réponde aux normes de revenus nets annuels suivants : 22.560 euros pour une personne seule, 25.066 euros pour un ménage disposant d’un seul revenu et 28.647 euros pour un ménage avec plusieurs revenus.
Ces revenus sont augmentés de 2.148 euros pour chaque enfant à charge. « Il faut bien comprendre que ce sont près de 400.000 personnes sur 1,1 million de Bruxellois qui sont concernés par notre produit, conclut notre interlocuteur. Celui-ci répond clairement à une demande car aujourd’hui, près de 40 % des biens neufs vendus en Région bruxelloise le sont à des investisseurs privés qui dépensent entre 100.000 euros et 250.000 euros, qui cherchent un rendement correct, une protection de leur capital et une perspective de plus-value de 2 à 3 % l’an. »
La tour Hekla se dresse fièrement à La Défense. Grâce à elle, le célèbre architecte français imprime sa marque dans le quartier d’affaires parisien. Un projet développé par AG Real Estate et Hines.
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