Aix-en-Provence en fête

Depuis Aix-en-Provence I l y a peu quand je voyageais, je devais prendre sur mon temps personnel pour expliquer à mes interlocuteurs ce que représentait le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence. Aujourd’hui, ce sont eux qui m’interpellent : Et comment va le Festival de Pâques ? » Cet aveu de Renaud Capuçon à La Provence en dit long sur le niveau désormais atteint par cet événement géré conjointement avec Dominique Bluzet. Le festival de Pâques s’inscrit dans le peloton de tête des festivals de l’époque, à égalité avec les grandes manifestations germaniques de Baden-Baden, Berlin ou Salzbourg. Mais ce qui fait l’attrait de ce festival c’est moins la qualité de ses vedettes que la diversité d’approche qui fait coexister les stars, les musiciens reconnus et les jeunes pousses. Ainsi Capuçon a-t-il inventé le concept de « Génération@aix » qui promeut de jeunes talents. On y a rencontré les fratries Chilemme ou La Marca qui jouent désormais dans la cour des grands. On y découvre cette année une jeune violoniste de 13 ans, également une compositrice accomplie, Alina Deutscher, saluée par Le Figaro. Traditionnellement, le Vendredi saint est consacré à une passion de Bach : cette année, la Saint-Jean a été donnée avec un dramatisme imposant mais parfois distant par Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion en contraste avec la très spirituelle St Matthieu d’Herreweghe, l’an dernier. L’anniversaire de Debussy connaît un de ses plus beaux hommages : à l’orchestre avec François-Xavier Roth et Emmanuel Krivine, en quatuor avec le Hagen et en musique de chambre dimanche 8 avril dans un programme qui réunit autour des archets de Capuçon et du violoncelliste Kian Soltani rien moins que Martha Argerich et Daniel Barenboim. [scald=18840269:sdl_editor_representation] Cartes blanches et rencontres Mais Aix-en-Provence, c’est aussi une carte blanche offerte à un compositeur en résidence pour programmer un concert de ses œuvres à côté des pages de son choix : cette année Eric Tanguy, dont l’Orchestre Philharmonique de Liège vient de donner le 2e concerto pour violoncelle. C’est un créateur libre de tout esprit de chapelle et aussi rigoureux qu’émouvant, qui a proposé quatre de ses œuvres dont la création d’une Rhapsodie pour alto et piano à côté du mouvement de quatuor avec piano de Mahler et du Notturno pour trio avec piano de Schubert. Dans le même esprit, la pianiste Marie-France Leguay anime un concert de famille autour de « Mozart alla turca ». Et on pousse la réflexion un peu plus loin avec un atelier « Musique et neuroscience » qui réunit le professeur Hervé Platel et le pianiste Lucas Debargue, le bouillonnant lauréat du Concours Tchaïkovski qui n’a pas sa langue en poche. Mozart bien chez lui avec les musiciens autrichiens Et voilà que l’on retrouve, à moins de quinze jours de la première de son Lohengrin bruxellois, Alain Altinoglu. A la tête, cette fois, de l’orchestre du Staatsoper de Vienne pour une tournée en concert mis en espace des Nozze di Figaro. Un vrai travail de troupe (tous les chanteurs en font partie), servi avec un entrain, un dynamisme, un engagement renforcé par la présence, d’un orchestre hautement impliqué. Et soudain voilà que ce merveilleux concert (on y épinglera quand même la Comtesse d’Olga Bezsmertna et la Susanna de Valentina Naformita) devient un grand moment de théâtre où le public rit et frémit en abondance. [scald=18840268:sdl_editor_representation] Existe-t-il une manière autrichienne de jouer Mozart ? On y croyait fermement avant l’invasion baroque : la leçon de ces Nozze est encore renforcée par le concert de la Camerata Salzburg. La fraîcheur de la Posthorn Serenade semblait leur couler entre les doigts et, dirigée du violon par Renaud Capuçon, atteignait dans la symphonie concertante, avec l’alto merveilleusement complice de Gérard Caussé, de vrais moments d’extase, particulièrement dans le sublime mouvement lent. Alors oui, il existe une tradition mozartienne à l’autrichienne : elle est toujours aussi vivifiante quand, comme ici, elle ne s’endort pas sur sa réputation. En va-t-il autrement avec la France de Debussy ? Le festival se poursuit jusqu’au 8 avril. Réservation : www.festivalpaques.com

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