Une manne providentielle pour les communes frontalières

Alors que les communes sont de plus en plus serrées en termes de rentrées financières issues des pouvoirs supérieurs, tant le fédéral que le régional – la dotation provenant des additionnels à l’impôt sur les revenus (IPP) est fortement en baisse cette année et la Région veut par ailleurs pénaliser via le fonds des communes les entités qui ont une fiscalité basse (voir Le Soir du mercredi 18 novembre) –, les communes frontalières ou plus exactement celles qui ont un certain nombre de travailleurs frontaliers belgo-luxembourgeois domiciliés dans leur territoire, retrouvent le sourire. Un large sourire même, via le « fonds de compensation des frontaliers. » De ce côté, la dotation a été singulièrement revue à la hausse, de façon tout à fait inattendue, pour 2015 et 2016. Une fois n’est pas coutume dans cet horizon pour le moins grisâtre pour les finances communales, les communes concernées ont reçu voici une quinzaine de jours un courrier du Service public fédéral Finances leur annonçant ce à quoi elles auraient droit. Bingo ! Aucune n’avait prévu cela. Elles savaient que le fonds avait été reboosté par le Luxembourg (lire ci-contre), passant de 18 à 30 millions d’euros. Mais quand le courrier leur est parvenu voici peu, elles ont toutes pensé qu’il devait y avoir une erreur quelque part. Et bien non ! A l’inverse, d’autres entités – celles dont le quota de frontaliers n’atteint pas 5 % des travailleurs – ont reçu une douche froide. Elles ne toucheront plus rien. C’est le cas de quelques communes wallonnes, bruxelloises ou flamandes qui avaient quelques frontaliers travaillant en semaine au Grand-Duché mais qui restaient toujours domiciliés chez elles. C’est notamment le cas de quelques communes de la province de Luxembourg, dont Marche-en-Famenne, qui touchait environ 85.000 euros par an. Pour 2015, ce sera… zéro cent ! Un nouveau coup de poignard qui fait fulminer le bourgmestre André Bouchat, qui constate les dégâts. « De surcroît, pour les additionnels à l’IPP, on perdra plus d’un million d’euros. J’estime que l’amputation à venir via le fonds des communes se chiffrera entre 25 et 30.000 euros, etc. Et tout augmente. Il n’y a plus moyen de travailler décemment, on saigne les communes à blanc. Du moins les nôtres ! » Des dotations parfois doublées Dans les communes frontalières, par contre, cette fin d’année se résumera à un joli cadeau de St-Nicolas ou du père Noël, puisque c’est dans cette période que la compensation grand-ducale va venir alourdir concrètement leur trésorerie. Pour Aubange, la dotation qui se situait en 2014 à 1,4 million d’euros annuels sera de 2,9 millions. Pour Messancy, elle passe de 1,003 million à 2,435 millions ! Léglise, une commune du Centre-Luxembourg qui a vu sa population exploser ces dix dernières années, notamment avec des frontaliers repoussés par la pression immobilière dans la région d’Arlon, voit sa dotation 2015 passer à 616.500 euros, celle de 2016 à 614.600 euros. En 2014, elle se situait à 287.000 euros. De quoi prévoir quelques jolis investissements ! De son côté, Attert, une des communes les plus frontalières au prorata de sa population active, recevait 800.000 euros. Ce sera près d’1,8 million pour 2015. Le député-bourgmestre Josy Arens estime toutefois qu’il n’est pas normal que les communes de moins de 5 % soient rayées de cette « tombola ». « C’est injuste. Je serais furieux si j’étais dans le cas ! » A Arlon, les financiers du chef-lieu avaient tablé sur 3,6 millions pour le budget 2016. Mais ils recevront, pour 2015 et 2016, environ 7,17 millions d’euros ! Une différence colossale de 3,5 millions d’euros. De quoi se permettre quelques travaux utiles ou de regonfler le fonds de réserve. Le receveur Frédéric Thill note « qu’il n’avait pas intégré pareille somme dans le budget puisqu’il faut se baser sur des infos fiables. Bien sûr, la convention signée en mars a relevé la somme de 18 à 30 millions. Mais lorsque la convention a été signée pour la première fois en 2002, elle ne s’est concrétisée que deux ans plus tard… » Arlon perdra par contre environ 800.000 euros de dotation IPP. Et sans doute aussi au fonds des communes. Un moindre mal. Ceci dit, pour l’IPP, la chute sera moins forte que dans des communes sans frontaliers, puisque ceux-ci ne paient pas l’IPP. La baisse sera donc proportionnellement moins marquée. Reste à voir si au-delà de 2016, il n’y aura pas un retour de manivelle car à l’heure où chacun suce le moindre euro, cette manne suscitera inévitablement des comparaisons comptables et des jalousies. Mais il est également vrai qu’avant 2004, les communes frontalières ont vécu sans la moindre compensation. On peut donc parler de rattrapage.

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