Pour les Russes, Macron est l’architecte d’un possible rapprochement

Depuis Moscou Viendra, viendra pas ? A Moscou, diplomates et politologues s’interrogent sur la venue d’Emmanuel Macron, attendu en « hôte d’honneur » le 25 mai au forum économique de Saint-Pétersbourg, « le Davos russe » orchestré chaque année par le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, dans sa ville natale. « Le président français sera reçu en star ! C’est l’une de nos meilleures chances de pont avec l’Europe, une alternative à la chancelière allemande, Angela Merkel », glisse une source libérale proche du Kremlin. Moscou avait d’ailleurs annoncé bien avant Paris la venue d’Emmanuel Macron pour ce traditionnel rendez-vous du gratin de l’élite politique et d’affaires russe. Depuis 2014 et la crise ukrainienne, aucun officiel de Paris ne s’y est rendu. « Il faut que ca change ! », avait confié au Soir Emmanuel Macron, de passage à Moscou en janvier 2016 en ministre de l’Economie déjà résolu à relancer les relations avec la Russie. Turbulences Depuis, à la crise ukrainienne, se sont ajoutées bien d’autres tensions entre l’Elysée et le Kremlin. Le voyage à Saint-Pétersbourg est remis en cause. L’ex-ministre devenu président joue le chaud et le froid avec celui qu’il avait reçu en mai dernier sous les dorures de Versailles pour insuffler un réchauffement. Avec la récente affaire de l’empoisonnement en Angleterre d’un ex-agent double russe et les expulsions réciproques de diplomates, la méfiance s’est au contraire renforcée, Paris comme Londres soupçonnant Moscou d’être derrière cette tentative d’attentat. Samedi, les frappes françaises et américaines en Syrie, l’allié de la Russie, ont assombri un peu plus encore le ciel diplomatique. « Comment Macron pourrait-il venir et rencontrer Poutine, soupçonné d’empoisonnement en Angleterre et accusé de soutenir l’usage d’armes chimiques en Syrie ? », prévient un diplomate français à Moscou. « Le président n’a pas encore décidé d’annuler. Il sait que le Kremlin, qui a fait son deuil du réchauffement avec Washington, mise sur Paris », confie un autre alors que, à l’ambassade, les équipes s’activent pour préparer le pavillon France au forum de Saint-Pétersbourg et booster les signatures de contrats. Moscou et Paris s’efforcent d’ailleurs de positiver. Dans la récente vague d’expulsions, la Russie a envoyé « un signal d’apaisement », espère un haut diplomate : si trois des quatre expulsions russes correspondent au même rang que les expulsions françaises, le renvoi du directeur du collège universitaire français à Saint-Pétersbourg est un niveau en dessous par rapport au renvoi du consul russe à Marseille. A son tour, après les frappes en Syrie, l’Elysée s’est empressé de déclarer : le président « souhaite travailler sérieusement sur la Syrie avec le président Poutine, la Russie étant un acteur majeur pour une solution politique ». « Des ponts, même petits » « Un an après son élection, l’image de Macron en Russie s’est certes fanée, prévient Andreï Kolesnikov, expert au centre Carnegie à Moscou. Mais il est toujours vu avec espoir : jeune président, homme d’un possible rapprochement à terme. On a besoin de ponts, même petits… » Depuis un an, Vladimir Poutine se montre d’ailleurs bien plus ouvert à Emmanuel Macron que ce que le Kremlin et ses médias avaient laissé entendre avant son élection. Pendant la campagne présidentielle, Moscou avait parié sur les « russophiles » François Fillon et Marine Le Pen. Contre le candidat d’En marche, avaient été orchestrées informations mensongères et opérations de piratage informatique. Le ton a depuis radicalement changé et reste globalement positif. « L’opinion des télévisions du Kremlin sur Macron a déjà changé deux fois : antipathie avant son élection, enthousiasme prudent après le sommet de Versailles, déception depuis deux mois mais avec toujours un certain intérêt. Même si on sait que, sur la scène globale, son influence reste limitée, Macron suscite l’espoir », explique Andreï Kortounov, directeur du Russian International Affairs Council. « Mais attention !, a confié au Soir le leader de l’opposition Alexeï Navalny. Si Macron vient à Saint-Pétersbourg, il va dire : le dialogue, c’est mieux que le non-dialogue. C’est tromperie ! »

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