Noureddine Smaili: «Il est temps de faire confiance à la communauté musulmane»

Les constats posés et les responsabilités désignées, quel rôle ont à jouer les différentes communautés religieuses et les laïques ? Représentants des catholiques, des juifs et des laïques l’affirment : ils sont là et soutiendront les instances musulmanes dans leur difficile travail… Mais cela reste la responsabilité de ces communautés musulmanes de prendre le taureau par les cornes… Noureddine Smaili, le président de l’EMB, soutient qu’il a entamé ce travail depuis son arrivée à la tête de l’organe chef de culte. Il pointe ainsi plusieurs projets concrets et revendications fortes. Il y a d’abord l’idée de créer trois conseils régionaux des théologiens. Pour rappel, l’Exécutif n’est a priori compétent que pour la gestion du temporel du culte (organisation des cours de religion islamique, nomination des imams, etc.). L’axe « spirituel » est quant à lui assuré par le Conseil des théologiens, actuellement centralisé, mais peu actif. Le président souhaite dès lors régionaliser ce conseil, et faire en sorte que ces trois organes régionaux rassemblent une fois par mois leurs imams « afin de leur permettre de traiter les textes en fonction des événements, de s’imprégner des valeurs européennes démocratiques et de les pousser à adopter un islam adapté à l’Europe ». Noureddine Smaili pointe également le lancement d’une formation « radicalisme » pour les imams reconnus, qui a commencé la semaine dernière. L’intention est aussi manifeste de mettre en place des traductions lorsque des prêches ne sont donnés qu’en arabe… même si l’enseignement doit rester dans cette langue, estime-t-il. Or ces initiatives ne concerneraient jamais que les imams reconnus, au nombre de 80 sur plus de 200… C’est pourquoi le président demande avec insistance une accélération des reconnaissances : « Il faut pousser la reconnaissance pour avoir une main sur les mosquées et les imams et pour que tous transmettent un message de tolérance et de paix. » Sur la reconnaissance toujours, Noureddine Smaili dénonce l’attitude de certaines communes – comme Molenbeek, dit-il – qui reconnaissent, ou ont longtemps reconnu elles-mêmes les mosquées : « Il est temps de faire confiance à la communauté musulmane : je demande qu’on centralise toutes les reconnaissances au niveau de l’Exécutif et qu’on nous donne les moyens de mener ce travail. C’est au culte de gérer cela, pas aux communes ! » L’enseignement en débat Mais les discours des mosquées parviennent-ils encore aux oreilles des jeunes ? La parole d’un Ismaël Saïdi, auteur de la pièce Djihad, ou d’autres musulmans engagés n’a-t-elle pas aujourd’hui davantage de poids ? Ceux-là n’ont-ils pas également un rôle à jouer ? Éventuellement complémentaire avec celui de l’Exécutif ? Sur ce point, Noureddine Smaili se veut moins loquace : « J’ai vu la pièce deux fois, elle fait passer des messages importants. Mais Ismaël Saïdi a des idées qui ne me plaisent pas. Par exemple, selon moi, un musulman ne peut pas être un terroriste, ce n’est pas dans sa formation, dans les valeurs qu’il a au départ de l’islam. Pour lui, un musulman peut très bien dévier. Je trouve qu’il ne faut pas être contradictoire avec les valeurs… » Pour Henri Bartholomeeusen, une des clefs réside dans l’enseignement, et notamment dans le cours de citoyenneté commun entre tous les élèves : « C’est le lieu où, sur les questions de sens, chrétiens, agnostiques, musulmans ou juifs sont obligés de se rencontrer, visières levées, sans signes ostentatoires, uniquement sur ce qu’ils ont en commun, au-delà des drapeaux, convictions, milieux. L’école doit être le lieu où les enfants développent la capacité de se créer leur propre autorité. Quitte à rechoisir ensuite leurs options d’origine – ou d’autres – une fois qu’ils ont acquis le sens critique. La liberté de conscience implique une émancipation qui passe par l’école, avant tout travail à la mosquée ou à la synagogue. » Un avis que ne partagent pas les autres invités, partisans d’un maintien d’un cours de religion à l’école. Philippe Markiewicz nuance : « Je suis partisan d’un cours de citoyenneté commun, c’est essentiel. Mais je pense aussi qu’il faut conserver un cours de religion, qui permette aux jeunes musulmans, par exemple, de recevoir les bases d’un islam éclairé. » Pour ce dernier, la communauté juive a également un rôle à jouer dans les réponses à proposer aujourd’hui aux risques de radicalisation : « Nous devons aller à la rencontre de la communauté musulmane et notamment l’inviter à suivre, en toute modestie, l’exemple de l’évolution de notre communauté, qui opère une séparation nette entre la religion, qui relève de la sphère privée, et la vie publique, où la religion n’a pas sa place. Mais nous devons toujours le faire sans condescendance aucune. » Mgr Léonard insiste pour sa part sur l’importance du dialogue interreligieux : « Nous avons d’excellents rapports avec les juifs, les musulmans… Et j’aime beaucoup le débat avec les laïques ! Bien sûr, il faut être conscient que dans certains milieux ou dans certaines mosquées sont tenus des discours non conformes à la démocratie. Mais ce n’est pas à nous de les dénoncer… »

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