Gouvernance: majorité et opposition enterrent les réformes en Wallonie

A des degrés divers, le parlement de Wallonie doit traiter cette semaine une quinzaine de textes qui concernent la gouvernance politique. Il n’est plus question ici des rémunérations astronomiques des administrateurs publics ou de l’avenir des filiales privées des intercommunales. On parle plutôt du sort des élus locaux, de la procédure électorale et post-électorale ou de la parité hommes-femmes dans l’espace démocratique. De quoi tirer le débat régional vers le haut ? Pensez-vous : on est très loin du compte… Ce mardi en commission des pouvoirs locaux, des propositions de décrets déposées par le groupe PS ont été recalées par la majorité MR-CDH. Il y était question de décumul des rémunérations, de cumul des mandats et de parité (voir les détails par ailleurs). « Ce fut une fin de non-recevoir pure et simple, sanctionne Pierre-Yves Dermagne, chef de file des socialistes au parlement régional. Nous espérions pouvoir discuter de nos propositions, mais cela n’a pas été possible. En juillet dernier pourtant, des responsables du CDH, par exemple, avaient dit qu’ils étaient favorables à une limitation du revenu des élus à 100 % de l’indemnité parlementaire. C’est notre choix, nous ne sommes plus suivis. » Donnant-donnant Le député socialiste l’avait annoncé en début de journée : « Les choses se présentent mal. » Pierre-Yves Dermagne savait que le soutien de la majorité à ses propositions de décret était tributaire du coup de pouce espéré en retour par MR et CDH pour des projets de décret qui seront débattus jeudi en commission des Affaires générales et qui réclament une majorité des deux tiers. A moins que ce soit l’inverse… Les uns et les autres ont beau jeu de hurler au chantage et de dénoncer l’attitude de blocage de l’autre bord. Le résultat de ce bras de fer (Pierre-Yves Dermagne parle de « donnant-donnant ») est clair et net, lui : une série d’avancées démocratiques resteront dans les cartons. Dans le cas des décrets à majorité spéciale déposés par le gouvernement, il est trop tard : ces dispositions doivent être approuvées un an avant le scrutin régional, soit le 26 mai 2018. Et Ecolo ? Faute de constituer un groupe à part entière, les verts du parlement wallon n’ont pas le droit de vote en commission. Ce qui n’empêche pas Stéphane Hazée et les siens de porter des textes qui concernent aussi la gouvernance et les élections. Ce mercredi, mais en plénière cette fois, ils reviendront à la charge avec une proposition de résolution qui vise à réformer le système de contrôle des opérations électorales. Précisons-le d’emblée : le texte sera recalé, comme il l’a été en commission. Il soulève pourtant une question essentielle : est-il encore admissible qu’un parlement valide à lui seul les élections organisées pour le composer ? « Cette manière de faire est prévue par l’article 48 de la Constitution, explique le chef de groupe Ecolo. Aujourd’hui en Europe, seuls trois pays laissent leurs assemblées agir seules en la matière à toutes les étapes de la procédure : le Luxembourg, l’Italie et la Belgique. Nous plaidons pour que tout candidat ou tout électeur puisse au moins disposer d’un recours extérieur. » La sollicitation d’Ecolo ravive de vieux souvenirs : au lendemain des élections régionales de 2014, le parlement de Wallonie avait été le théâtre d’un incroyable vaudeville qui l’a paralysé durant trois jours. La composition de la commission de validation des pouvoirs rendait impossible des décisions au-dessus de tout soupçon sur les cas litigieux qui lui étaient soumis. Pas d’autoflagellation Depuis lors, c’est vrai, le règlement de l’assemblée a été corrigé, notamment par la création de trois commissions distinctes sur base géographique. « Mais la question de principe reste posée : il n’est pas sain que les parlements contrôlent eux-mêmes leur élection, et soient en quelque sorte juge et partie », ajoute Stéphane Hazée. D’où cette proposition de résolution qui invite le gouvernement wallon à interpeller le gouvernement fédéral à ce propos. En cette matière en effet, le parlement wallon ne peut légiférer seul. La question de la validation des scrutins se pose pour toutes les assemblées parlementaires. Une modification des procédures doit faire l’objet d’une loi spéciale adoptée par le Parlement fédéral. Il n’en sera donc pas question, puisque la proposition d’Ecolo a été rejetée par la majorité en commission. A vrai dire, beaucoup la considèrent comme pertinente sur le fond, le pataquès de 2014 a en effet donné une piètre image du parlement wallon. Mais MR et CDH se retranchent derrière l’avis formulé par André Antoine (CDH), le président de l’assemblée : cette résolution tombe comme un cheveu sur la soupe. En 2014 en effet, le PTB n’avait pas été suivi dans ses exigences de recomptage des voix. Il a donc introduit un recours devant la Cour européenne des Droits de l’Homme contre la procédure en vigueur en Wallonie. L’affaire reste pendante. Pour Stéphane Hazée, tout indique que la Belgique pourrait être condamnée sur base d’un arrêt dit « Grosaru » portant sur un dossier roumain et qui dispose qu’un parlement ne peut être le seul juge de la validité des élections qui le concernent. André Antoine ne partage pas cette conviction radicale. Mais MR et CDH ne voteront pourtant pas la résolution Ecolo car cela équivaudrait à avouer à la face du monde et de la Cour européenne que la Wallonie est fautive. Améliorer la gouvernance, oui ! S’autoflageller, non !

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