Ma vie en niveau 4: «Les politiques nous ont flanqué la trouille»

Partagez vos commentaires sur mobile Niveau 4. Menace « sérieuse et imminente ». Métro fermé. Écoles aussi. Concerts annulés. Blindés sur la Grand-Place. Centre-ville en état de siège. Et la peur des attentats terroristes qui s’empare de la capitale. Les Bruxellois ont vécu en état d’alerte maximum pendant six jours. Comment cela a-t-il affecté votre quotidien, votre moral ? Nous avons recueilli et compilés vos commentaires pour en savoir plus sur votre état d’esprit dans cette atmosphère inédite. 1. Justine V. : « Observer la capitale au ralenti » Nous vivons à 4 dans une colocation, dans une rue à proximité de la gare centrale et de la place Saint-Jean. Autant dire qu’on a vécu au cœur de l' « action » (inaction ?) bruxelloise : lorsqu’un jour, par exemple, à 4 adossées au balcon, nous avons observé la police installer un périmètre de sécurité (voiture en travers de la route, policiers immobiles aux 4 coins de la rue…) pour le désinstaller 10 min plus tard… gloups ! Durant ces journées de niveau 4, le plus inquiétant, ce ne fut (ce n’est ?) pas la perspective d’un « hypothético-potentiel-imminent-peut-être-bientôt » attentat. Non. Le plus angoissant, ce fut plutôt d’observer la capitale au ralenti, vide, marquée par la peur. De voir aussi son champ de vision réduit aux treillis militaires. D’accélérer le pas pour aller faire ses courses alors qu’en temps normal notre démarche est plutôt nonchalante… ► Lire aussi : Reportage à Bruxelles : la vie en état de siège (photos et vidéos) Ce qui fut réjouissant par contre, ce sont les inédits de la situation et la créativité, l’absurde qu’elle génère mais aussi le commun de nos vies qui continuent : – Sortir le vendredi 20 novembre jusqu’à 4h du matin dans les rues de Bruxelles pour apprendre le lendemain, très tôt (Trop ?) que le niveau est monté à 4 et que tout est fermé (ou presque) parce que le risque d’attentat est imminent… – Prendre le bus ce samedi-là, la tête en vrac, pour rejoindre Delta… En bus oui. Et là, ouvrir maladroitement ma bouteille d’Aquarius… Le bouchon saute sur mon voisin. Et lui de répliquer : « Hey, on est au niveau 4, un peu de sérieux ! ». Regard complice. Éclat de rire. – Télétravailler le lundi suivant parce que les écoles sont fermées, les métros sont fermés et puis, les « autres » ont décidé de faire grève coûte que coûte… quitte même à ce que cet événement passe presqu’autant inaperçu que l’affaire Amadeo (une sombre histoire de trône paraît-il). Du coup, on se retrouve entre coloc’ à travailler et se moquer à nouveau de ce pauvre Jawad (visiblement pas si innocent). [scald=248770:sdl_editor_representation] – Se moquer, aussi, de nos représentants et de leur mine fatiguée… et surtout de leurs discours maladroits, incohérents, et peu rassurants « hein le niveau d’alerte est toujours à 4 MAIS on rouvre les écoles. » (voir Milquet pour plus d’explication) – S’entendre dire : « tcheu dis, Justine Katz, les attentats, ça lui réussit » De blagues scabreuses en apéro Molotov, on quitte enfin notre appartement (mardi !) pour retourner à nos vies. Ce mardi-là, je sors de chez moi la peur au ventre, pour rejoindre mon lieu de travail. À pied. À me répéter sans cesse : « J’espère que je ne serai pas la seule à m’être déplacée »… Et là, révélation, en dehors de l’univers anxiogène de 1000 Bruxelles, la vie continue. Sur place en constatant, tout le monde est là… Enfin presque… Et malgré la lourdeur et la morosité ambiante (qui se lit sur certains visages), mes collègues se déchargent, rient, s’enthousiasment, s’insurgent, intellectualisent, et rient encore… fidèles à eux-mêmes. Et là, on relativise… La vie continue. ► Lire aussi : A Bruxelles, au lendemain des opérations, entre soulagement et sidération 2. Aliya : « Ma vie en niveau 4 ? La même ! » Ma vie en niveau 4 ? Exactement la même que d’habitude à part peut-être un petit plus de temps et d’acrobaties stibiennes pour me déplacer dans la ville. On ne vit pas en Syrie, on ne vit pas en Irak, on ne vit pas en Afghanistan. On ne vit pas chaque jour la peur au ventre en craignant de ne pas arriver vivant au boulot. Chaque jour de la semaine des millions de gens dans le monde se demandent si l’école de leur enfant ne sera pas soufflée par une bombe, s’ils ne sauteront pas sur une mine, s’ils auront encore de quoi manger demain ou même ce soir, s’ils pourront avoir accès à un traitement si leur état de santé le nécessite. Chaque jour de la semaine, des gens entreprennent un long et difficile voyage vers l’Europe dont ils ne ressortiront peut-être pas vivants parce que l’Europe refuse de les aider à simplement déposer une demande d’asile. Chaque jour, des gens quittent leur culture et leur pays, et laissent derrière eux des êtres aimés et leurs quelques biens, en quête de sécurité pour eux et leurs enfants, ou d’un avenir qui soit moins noir. Alors qu’on cesse de me parler de ce niveau 4, justifié ou pas. [scald=248767:sdl_editor_representation] Que mes amis français cessent de me demander si tout va bien malgré la menace à Bruxelles. Chaque jour, je me réveille au chaud, je mange à ma faim et je vais au boulot sans crainte de ne pas être vivante pour voir demain. Il est bien dommage que les politiciens (et certains moyens) ne fassent qu’assimiler migration et radicalisme plutôt que de plaider pour plus d’humanité : le risque que courent ces gens et qu’on nous affirme courir ici pour justifier le niveau 4. Un peu de décence, de grâce. Ce n’est pas le terrorisme qui menace la Belgique et l’Europe. C’est ce racisme qui ne cesse de monter, cette xénophobie décomplexée et ces politiciens (d’abord d’extrême-droite et maintenant de droite, voire du centre et de la gauche) qui surfent sur la peur pour des raisons électoralistes. Oui j’ai peur. J’ai peur de cette humanité qui recule, de cette empathie qui se perd et de cette angoisse qu’on veut nous imposer qui grandit. Le niveau 4 ? Et si c’était simplement l’occasion de nous rendre compte que le quart d’heure de trouille des Bruxellois aujourd’hui, c’est ce que vivent tous les jours les réfugiés qui souhaitent frapper à notre porte ? [scald=244478:sdl_editor_representation] 3. Sissi : « La même appréhension qu’à Paris » D’origine parisienne mais vivant à Bruxelles, j’étais dans le quartier de la rue Charonne sur Paris lors de ce terrible vendredi 13. J’ai eu ici sur Bruxelles le sentiment de renouer avec cette même appréhension familière connue une semaine plus tôt. La ville semble s’endormir vers 19h. On ne peut s’empêcher d’être sur nos gardes, d’analyser notre entourage dans les lieux publics, de repérer les sorties de secours lors d’une soirée, et de s’inventer toutes sortes des scénarios dans la tête lorsque l’on sort acheter le pain. Mais la vie aujourd’hui continue de plus belle dans la capitale, et quoi de mieux qu’un petit verre en terrasse pour oublier cette grisaille ? [scald=248768:sdl_editor_representation] 4. Xavier : « Que c’est dur d’être commerçant » Nouveau commerçant heureux d’arriver en cette période de fêtes pour respirer un peu et payer toutes ces charges et puis d’un coup plus personne, chaque matin lever le volet en espérant attirer quelques clients et baisser le volet en se disant que ça irait mieux le lendemain… Que l’avenir en dépend… Se sentir seul, abandonné, tout le monde fuit sans se retourner ! Que c’est dur d’être commerçant… ► Lire aussi : Menace terroriste : les restaurants bruxellois sinistrés 5. Nicolas P. : « Une petite crainte… mais pas de panique » Comme tous les matins, je conduis mes enfants à l’école puis la crèche. Je constate avec contentement que des mesures de sécurité supplémentaires ont été apportées à ces deux en endroits. Puis je prends le train, en évitant de me dire que si un animal avait l’intention de nous abattre tous, nous serions coincées. je repère où est la poignée d’arrêt d’urgence. Puis ma journée se passe normalement. Tout se passe normalement. Une petite crainte… mais pas de panique. Je refuse d’y céder, leur faire cet honneur. je déplore juste cette communication désordonnée, l’inondation médiatique sur le sujet, l’omniprésence policière qui n’y changera rien. Je guette le journal en attendant qu’on m’annonce la mort (pas l’arrestation) de ces animaux. Et je continue à me dire que la circulation, elle, est réellement meurtrière, au quotidien. Il y a tant de manières de mourir. [scald=244477:sdl_editor_representation] 6. Jo : « T’is alles ! La vie continue ! » Etudiant à l’UCL, camion militaire le long de la seule avenue non piétonne du campus, quelques soldats se baladant sur le campus et entre les audit’s. Cartes d’étudiants checkées à l’entrée de tous les audit’s… T’is alles ! La vie continue ! (Pas du tout envie de vivre dans un Etat militaire sous tension… Si j’puis m’exprimer ainsi, cette situation me fait chier. Rien à kick’ de voir des soldats partout ! Depuis 45 on vit en paix, et un Etat militaire est la pire chose qui puisse arriver. Ces soldats rendent plus anxieux qu’ils ne font passer un sentiment de sécurité.) [scald=248769:sdl_editor_representation] 7. André L. : « L’impression que la montagne a accouchée d’une souris » Liégeois récemment établi à Paris, je suis l’état d’urgence bruxellois de loin, depuis ce XIème arrondissement meurtri, mais qui a repris vie et, franchement, je perçois ce qui se passe en Belgique avec une certaine inquiétude. La presse internationale (Politico, Le Monde, le New York Times) et les expats qui tournent autour de la Commission européenne font du Belgium bashing. Le gouvernement communique très mal, de manière désordonnée (le Ministre de l’Intérieur dit que c’est au Parquet d’informer et juste après c’est le Ministre des Affaires étrangères qui lâche des infos encore plus anxiogènes). Je n’ai pas lu (mais cela m’a peut-être échappé) que le Premier Ministre avait reçu les leaders de l’opposition, comme le Président de la République l’a fait en France au lendemain des attentats. Si je comprends bien, une sorte d’union nationale spontanée s’est créée, avec ce discours « faisons crédit au gouvernement ». La NVA a rompu d’elle-même ce consensus. Je connais mal la situation bruxelloise, mais les attaques de la NVA contre le socialo-islamisme ont quelque chose de scandaleux. Pourquoi des perquisitions uniquement à Bruxelles et en Wallonie et pas en Flandres ? Et, vu d’ici, on a l’impression que la montagne a accouché d’une souris. Dans un magasin du Boulevard Voltaire, je viens d’acheter un drapeau français. J’ai demandé si un drapeau belge était également disponible (c’est curieux, c’est vraiment la première fois que me vient l’idée d’acheter un drapeau belge). La vendeuse m’a ri au nez. 8. Jean-Jacques : « Je remercie la police et les militaires » Je suis Bruxellois et je travaille dans l’enseignement privé à Bruxelles. Au maximum je n’ai rien changé dans mon emploi du temps. J’ai travaillé samedi à Art-Loi, lundi matin en face de la gare du Nord… Je remercie la police et les militaires pour leur présence réconfortante pour ma compagne et nos enfants, personnellement je ne me suis jamais senti angoissé. Par contre je trouve ridicule de voir des vigiles exiger ma carte d’identité (qu’est-ce que cela prouve) ou une hôtesse d’accueil faire semblant de vérifier mon sac mais sans aucune formation… C’est plus énervant que rationnel ! 9. Marie-Claire G. : « Les politiques ont flanqué la trouille à tout le monde » Bruxelloise mais vivant en France, je prends des nouvelles de mon père resté à Bruxelles, il a 83 ans et me dit : « Je n’ai jamais vu ma ville comme cela, la dernière fois, c’était quand les Allemands sont rentrés à Bruxelles en mai 40 ! » J’ai la nette impression que les politiques ont flanqué la trouille à tout le monde sans remporter un seul succès ! Délirant. [scald=248764:sdl_editor_representation] ► ► Retrouvez notre supplément sur cette semaine spéciale sous niveau 4 via notre liseuse numérique

Votre compte

Ma vie en niveau 4: «Les politiques nous ont flanqué la trouille»

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Bruxelles

Décès d’un livreur à vélo à Bruxelles: une enquête est ouverte

Bruxelles: une fusillade sur un café jeudi, une enquête est ouverte

Attaque au couteau à Schuman: la détention préventive du suspect est prolongée

Bruxelles: le livreur à vélo percuté par un bus est décédé

Mortalité infantile: le cas préoccupant des «mères invisibles»

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Ballon «espion»: les Etats-Unis ont abattu l’engin chinois (vidéos)

Analyse Au Cercle, le Standard a craqué dans les derniers instants

Hadja Lahbib en visite au Congo: «Il est urgent que la RDC se ressaisisse»

Guerre en Ukraine: l’armée ukrainienne déjoue un assaut russe contre Bakhmout

Une étude (et la N-VA) remet la défédéralisation de la justice à l’agenda

Egbert Lachaert (Open VLD) sur la prolongation du nucléaire: «Il faut une nouvelle loi avec de nouveaux délais»

30 années au service d’une passion : le métier d’infirmière

Des soins intensifs polyvalents et à la pointe des technologies

L’indemnité vélo pour tous les travailleurs belges dès le mois de mai

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel