L’ambassadeur de Belgique à Kinshasa relevé de ses fonctions

Cette fois, c’est clair : Bertrand de Crombrugghe de Picquendael, ambassadeur de Belgique à Kinshasa depuis 2016, a été relevé de ses fonctions et le nom de son successeur n’est pas encore connu. Le communiqué publié par le porte-parole du ministre des Affaires étrangères parle d’une « rupture de confiance » entre Didier Reynders et un diplomate qui appartenait cependant à la même famille libérale que lui et qui était loin d’être un débutant. Trop bonne entente avec Suleiman Karimov En effet, venant de Genève où il suivait surtout les travaux de la Commission des droits de l’homme, Bertrand de Crombrugghe avait été en poste à Moscou, dont il avait été rappelé après avoir un peu trop fréquenté Suleiman Karimov, l’un des acteurs du Kazakhgate qui, après avoir reçu un visa pour la Belgique, avait invité le diplomate sur son yacht. Si ce dernier, à Moscou, avait réellement commis une faute grave, il aurait dû passer le reste de sa carrière dans un « placard » au lieu de se retrouver, après une brève période de pénitence, à Genève puis à Kinshasa, deux postes de premier plan. D’après certaines sources, la mansuétude dont il bénéficia n’était pas seulement due à ses sympathies libérales : en s’avançant sans doute trop loin avec Karimov, de Crombrugghe aurait aussi rendu de discrets services à des intérêts belges, ce qui empêchait une trop lourde sanction. Tensions entre Didier Reynders et Kinshassa Á Kinshasa, le diplomate se retrouva une fois encore en porte à faux avec son ministre de tutelle qui, selon le communiqué officiel, lui reprocha une « approche trop pragmatique ». En réalité, malgré le mutisme officiel, tout indique que l’ambassadeur s’est retrouvé en difficulté dès l’automne 2016, lorsque les milieux officiels congolais prirent ombrage de la réunion, à Genval, de l’opposition congolaise, qui fut reçue à l’époque par Didier Reynders en personne. Depuis lors, ainsi que devait le rappeler le ministre congolais des Affaires étrangères She Okitundu « nous avons le sentiment que Didier Reynders est à la manœuvre contre nous ». Cette situation s’avéra rapidement ingérable pour l’ambassadeur qui se sentait, littéralement, pris entre le marteau et l’enclume : d’une part, il n’avait plus accès au président Kabila, persuadé que les Belges complotaient pour provoquer son renversement à l’issue d’un coup de force, et de l’autre, les messages adressés à son ministre tombaient dans le vide. C’est ainsi que de Crombrugghe avait prévenu Bruxelles du fait que les officiels congolais boycotteraient l’inauguration de la nouvelle ambassade de Belgique à Kinshasa, mais il ne réussit pas à dissuader Didier Reynders de faire un voyage éclair où les contacts diplomatiques furent remplacés (utilement d’ailleurs) par une visite dans les quartiers populaires. Une situation de plus en plus intenable pour l’ambassadeur Les proches du président étant persuadés du fait que Didier Reynders et les services de renseignement militaires belges songeaient réellement à provoquer une « transition sans Kabila » c’est-à-dire un changement de régime, encourageant les manifestations sinon les troubles, la situation du diplomate devint effectivement intenable et, rappelé à Bruxelles en janvier, peu écouté au cabinet, il décida de « prendre des vacances ». Des vacances qui devraient aboutir à d’autres fonctions dans un département qui ne manque guère de placards. La « rupture de confiance » est sans doute réelle entre l’ex-ambassadeur et son ministre, mais elle est plus profonde encore entre Didier Reynders et des interlocuteurs congolais qui ne veulent plus entendre parler du chef de la diplomatie belge. Le rappel de l’ambassadeur « n’est pas personnel » Agacé par les spéculations qui avaient entouré le rappel de l’ambassadeur de Belgique à Kinshasa, Bertrand de Crombrugghe, le département des Affaires étrangères a tenu à faire savoir qu’il ne s’agit en aucune manière d’une « question personnelle » ou d’une éventuelle divergence de vues entre le diplomate et Didier Reynders. Au contraire, ce rappel est un signe du désaccord, parmi d’autres, qui sépare Bruxelles et Kinshasa depuis que les élections congolaises, initialement prévues pour 2016, ont été postposées. Depuis deux ans, le Congo est plongé dans une crise multiforme et les manifestations des laïcs chrétiens ont été violemment réprimées, ce qui a entraîné des sanctions internationales et une suspension des activités d’Enabel, l’agence de coopération de la Belgique. Le départ de l’ambassadeur de Belgique, alors que Kinshasa n’a plus de représentant à Bruxelles depuis un an et demi, démontre que les relations sont loin de s’améliorer. Le ministère souligne d’ailleurs que la politique suivie n’est pas uniquement celle du ministre Reynders : l’attitude de fermeté face au Congo a été approuvée par l’ensemble du gouvernement et n’a jamais été mise en cause au Parlement.

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