COP21: une Belgique frileuse et désunie

Comme à chaque sommet des Nations unies sur le climat, la Belgique sera présente en nombre. Traditionnellement, notre pays a toujours été très impliqué dans les négociations climatiques. Grâce à son expertise, il y a acquis une réputation largement supérieure à sa petite taille. Mais si la Belgique est traditionnellement rangée parmi les pays ambitieux sur le dossier du climat, ses performances internes ne l’autorisent pas à pavoiser. Qu’elles soient régionales ou fédérales, nos politiques climatiques sont loin d’être à la hauteur de l’enjeu. 1 Réduire Comme tous les pays d’Europe, la Belgique doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre. De 15 % par rapport à 2005 en 2020. Mais davantage ensuite : l’Union européenne s’est en effet donné pour objectif de réduire ses émissions d’au moins 40 % en 2030. La part de chacun des 28 sera négociée l’an prochain. Selon les scénarios et les critères choisis (coût-efficience de la réduction ou PIB par habitant), l’objectif belge serait de 24 à 37 %. Mais n’anticipons pas : l’objectif 2020 sera suffisamment délicat à atteindre. Et nous ne sommes pas trop bien partis. Dans son dernier rapport sur « l’état de l’union de l’énergie », la Commission rappelle que « tous les Etats membres sauf quatre (Luxembourg, Irlande, Belgique et Autriche), prévoient que leurs émissions de 2020 seront inférieures à l’objectif fixé après le partage européen ». Les projections montrent en effet qu’en 2020 les émissions belges manqueront l’objectif de 0,6 %. Notre pays, dit la Commission, devra « soit mettre en place des mesures additionnelles pour atteindre ses objectifs, soit utiliser les mécanismes de flexibilité prévus par les dispositions européennes ». Cela veut dire : soit acheter des quotas d’émission dans d’autres Etats membres, soit financer à l’étranger des projets de réduction des émissions ; ce que l’on appelle le « mécanisme de développement propre ». Mais dans tous les cas, il faudra payer. Paradoxe : alors qu’elle pourrait améliorer ses politiques internes de réduction des émissions, la Belgique tente déjà, au niveau européen, d’élargir les mécanismes de flexibilité. Pour pouvoir plus facilement y recourir en 2030, si le bulletin reste mauvais ? Ce ne sont pas les émissions de l’industrie qui posent problème, ce sont celles des autres secteurs (logement, tertiaire, PME, transport, etc.). Des compétences aussi bien régionales que fédérales. Mais, note la Commission, ces entités « n’ont pas encore atteint d’accord sur le partage des efforts nécessaire pour atteindre l’objectif 2020 ». Sans aller plus loin, l’exécutif européen pointe cependant « certains aspects du système fiscal [qui] ont des impacts environnementaux négatifs, y compris le maintien d’un régime fiscal favorable aux voitures de société ». Le problème est connu. Il a été soulevé de multiples fois par plusieurs organisations internationales. Mais ni le MR, ni la N-VA, ni le VLD n’acceptent d’y toucher. 2 Grimper Le bulletin belge en matière d’énergies renouvelables semble meilleur que sur le précédent point. La part des énergies vertes dans la consommation d’énergie finale a atteint 8 % en 2013, mieux que l’objectif intermédiaire ; l’objectif 2020 est de 13 %. La Commission européenne recommande cependant à la Belgique de « vérifier si [ses] politiques et instruments sont suffisants et efficaces pour effectivement atteindre l’objectif de renouvelable ». La progression est fragile : du côté wallon on a revu les anciens objectifs de renouvelables à la baisse ; la crise du photovoltaïque a causé un coup d’arrêt au développement du solaire. Sous la pression des industries fortes consommatrices d’énergie, le fédéral vient de réduire le soutien aux éoliennes offshore. Il va falloir maintenir le rythme. L’augmentation de la part de renouvelables, rappelle la Commission, « contribue à améliorer la sécurité énergétique de l’Europe ». 3 Diminuer Il y a trois avantages majeurs à réduire la consommation d’énergie : d’abord, on diminue sa facture, ensuite, on réduit les émissions de gaz à effet de serre, enfin, on limite sa dépendance à l’égard des sources d’énergie importées (pétrole, gaz…). Or, la consommation d’énergie finale (après transformation) en Europe a augmenté en 2013. C’est principalement dû « à l’augmentation de la consommation d’énergie en Belgique, Tchéquie, Allemagne, Irlande, France, Hongrie, Pays-Bas, Autriche, Slovaquie et Royaume-Uni », relève la Commission. Alors que la consommation européenne d’énergie primaire (avant transformation) diminue régulièrement, elle a augmenté chez nous. La Belgique devra « réduire [sa] consommation d’énergie primaire à un rythme plus élevé entre 2014 et 2020 qu’entre 2005 et 2013 », sous peine de manquer notre objectif national. 4 Payer En matière climatique, la Belgique est mauvaise payeuse. Elle s’est toujours montrée réticente à participer au soutien financier international apporté par les pays riches aux pays les plus pauvres victimes du réchauffement climatique. Les 150 millions promis en 2009 par Yves Leterme (CD&V) à Copenhague pour 2010-2012 ont été réduits à une piètre nonantaine de millions. Et depuis lors, la Belgique et connue pour être réticente à cracher au bassinet. Et cela continue. Alors que 100 milliards de dollars doivent être libérés chaque année d’ici 2020 par les pays riches, la Belgique n’a toujours pas annoncé son engagement, contrairement à beaucoup de nos partenaires européens. En principe, notre pays devrait libérer un financement d’au moins 50 millions d’euros par an. Mais en réalité, elle devrait aller bien au-delà. Le Premier ministre Charles Michel (MR) qui s’exprimera lors de la réunion des chefs d’Etat le 30 novembre arrivera-t-il avec une promesse ? Loin d’être joué. L’affaire doit faire l’objet d’un accord interne à la Belgique. Et d’accord il n’y a point. Mais sans engagement, la Belgique s’exposera une nouvelle fois aux huées de la société civile internationale qui l’attend au tournant. Ce fut déjà le cas, pour la première fois de notre histoire, à la COP de Lima, en décembre 2014. Comme d’autres, notre pays « recyclera » en financement climat une partie du budget de l’aide publique au développement (APD). Mais celui-ci fond comme neige au soleil. Alors que la Belgique est engagée à porter l’APD à 0,7 % de son PIB, le record a été enregistré en 2010 (0,62 %). Ce budget est ensuite passé à 0,44 % en 2013 (500 millions de coupes du gouvernement Di Rupo), rappelle-t-on au CNCD. « Le gouvernement actuel prévoit des coupes démarrant à 150 millions cette année et culminant à 279 millions en 2019. On s’attend donc à un passage sous les 0,4 % ». 5 S’entendre Chaque objectif européen ou international doit faire l’objet d’un partage entre entités belges. Un vrai casse-tête. Qui dure depuis 8 ans pour nos objectifs 2020. Pas facile de mettre d’accord fédéral et Régions aux intérêts, à l’économie, aux territoires tellement différents. Quelle part chacun donnera sur les renouvelables, les gaz à effet de serre, et le financement climatique ; quelle part reviendra à chacun des revenus des quotas de CO2 (329 millions à se partager) ? Vendredi soir, la balle était dans le camp de la Flandre et du fédéral. Où les partis flamands traînaient ostensiblement les pieds.

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