Les monnaies locales font leur trou en Brabant wallon

Un client entre, un autre sort. Thomas Moreau et Vanessa Thomas sont au four et au moulin dans leur GraspHopper. Il y a moins de question qu’au début sur le fonctionnement de leur épicerie bio et à objectif zéro déchet, mais il leur faut peser chaque marchandise qui sort. Stéphane Vanden Eede, un client assidu, met trois belles pommes bio sur le comptoir. Il en revient à 2,42 euros, mais il sort un billet de 2,5 « Talents ». Sans souci, puisque le magasin est l’un des 156 prestataires qui acceptent cette monnaie locale. Cependant, comme il n’existe pas de pièce dans cette « devise », il reçoit huit cent en retour. Ce vendredi matin, à Ottignies. Thomas Moreau se réjouit de constater qu’il y a tous les jours entre un et dix clients qui lui proposent de payer en Talents. Cette monnaie, qui n’en est pas vraiment une (voir l’expert), a déjà un an et demi d’existence et a rapidement conquis tout le centre du Brabant wallon, dans les communes sises entre les nationales 4 et 5 : Genappe, Court-Saint-Étienne, Villers-la-Ville et La Hulpe. Mont-Saint-Guibert suivra en septembre. Quant à Rixensart et Wavre, on y trouve déjà des commerces qui acceptent le Talent. « J’ai reçu ma première facture en Talent ! », exulte Thomas Moreau en la montrant à Stéphane Vanden Eede, celui qui est surtout l’un des initiateurs de cette monnaie citoyenne, et qui n’en revient pas. Le patron du magasin a, en effet, décidé de faire de la publicité dans le journal du Centre culturel d’Ottignies-LLN, à condition qu’il puisse lui-même écouler ses Talents. Le problème, c’est que d’un point de vue comptable, le Talent n’est pas reconnu par le fisc. La facture devrait être libellée en euros, même si l’échange se fait en Talents. « Est-ce que vous connaissez le Wir ?, nous questionne Thomas Moreau. C’est une institution bancaire suisse, dont la monnaie n’est pas vraiment sujette à spéculation, qui émet pourtant sa propre monnaie pour faciliter depuis plus de 80 ans les échanges économiques de ses membres. C’est exactement ce qui se passe avec le Talent, une monnaie complémentaire qui permet de vivifier l’économie locale. Chez moi, certains de mes clients ne viennent que parce que j’offre la possibilité de payer en Talents. Mais si j’accepte que l’on me paie ainsi, je dois moi aussi pouvoir le faire avec mes fournisseurs, plutôt que de les rendre aux initiateurs. Là, cela reste plus compliqué. » Et Stéphane Vanden Eede de le rassurer : « La version électronique est presque prête. » Puis de nous regarder : « L’avantage de GraspHopper, c’est que ce magasin nous sert aussi de dépôt provisoire. Les clients peuvent y acheter leurs Talents, avant de faire leurs courses. Chaque billet mis en circulation dispose évidemment de son équivalent en euro, placé en banque. Et nous avons conclu un accord avec Credal, qui propose du financement éthique, pour y placer entre 30 % et 40 % du montant total, avec la garantie qu’un montant équivalent soit placé par Credal pour soutenir des initiatives locales. » L’ASBL qui gère la monnaie va aussi servir de garantie bancaire à la Ville d’Ottignies-LLN qui a récemment décidé de soutenir l’initiative. On pourra donc payer sa nouvelle carte d’identité, par exemple, en Talents. Thomas Moreau estime qu’il a déjà vu passer dans ses mains l’équivalent de 10.000 Talents. Soit un cinquième du montant total mis en circulation. « Mais rassure-toi, tu pourras bientôt aller chez un médecin qui accepte le Talents !, lui lance Stéphane Vanden Eede. Notre but, c’est de diversifier le plus possible le type de prestataires. » Et l’épicier de rigoler : « Je suis indépendant, je ne suis donc jamais malade ! Par contre, je n’aurais rien contre un ostéopathe pour s’occuper d’une douleur à l’épaule ! » Un client entre, un autre sort. Thomas Moreau estime que sur 1.000 Talents qui sont utilisés par des clients pour s’acheter un produit de son magasin, il y en a 850 qui en ressortent pour vivre leur vie dans un autre magasin…

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