Jean-Luc Fafchamps: «Un double hommage à Bartok et à Grumiaux»

Pianiste, compositeur, auteur des fameuses Lettres soufies, éternel explorateur de formes nouvelles, professeur à ARTS2, Jean-Luc Fafchamps est un créateur multiforme dont on a l’impression de ne jamais faire le tour. C’est pourtant ce que va essayer de faire, à l’exception de ses grandes pages orchestrales, le concert monographique que lui consacre le Botanique le 24 mai prochain. L’occasion idéale de faire un point avec le compositeur. Au départ, ce concert, c’est un peu le complément du Magritte de musique originale que vous avez reçu pour le film « Insyriated » de Philippe Van Leeuw ? Je préférerais dire les choses autrement : le film a reçu 6 Magrittes dont celui de la musique originale. C’est un film terrible sur un viol, qui refuse le suspense et où beaucoup n’auraient pas mis de musique. Nous nous sommes acharnés et j’ai écrit des moments de musique qui se greffait sur les images comme il se doit pour une vraie musique de film. Et puis, est venue l’idée de lui donner une version densifiée et c’est cette « Insyriated-suite » qui a vu le jour. On ne cherche plus à coller au film mais quand on écoute la musique, on a envie de projeter le film. Le rapport à l’image demeure ainsi une sorte de fil rouge. Par ailleurs, la musique ne cherche pas à orientaliser les choses. Il en va de même dans mes « Lettres soufies » : ce que je raconte, c’est ce que m’inspire la musique d’Orient. Et c’est, je crois, c’est cette fraîcheur qui attire les auditeurs. Les « lettres soufiess » constituent un cycle qui traverse les années ? À ce stade, j’en ai écrit 22 sur 26. Et trois d’entre elles seront créées prochainement dont « Khâ’ » au Botanique. L’œuvre évoque un frêle esquif dans les fleuves des enfers antiques. Elle a un côté visuel où on évoquerait des fleuves de larmes ou de sang que j’ai imaginé en écrivant la pièce. Le concert comporte aussi un retour en arrière vers les premières pièces produites ? Il y en a deux. Ainsi une courbe est une de mes premières pièces : elle a été écrite pour l’Orchestre de Chambre de Wallonie encore dirigé à l’époque par Georges Octors. C’était une commande de la Fondation Grumiaux et le soliste Jean-François Chamberlain avait été son élève. C’est une sorte de mini-concerto pour violon et cordes écrit comme un double hommage à Bartok et Grumiaux qui fut un immense interprète de son concerto. « Attrition » a reçu un prix de la Tribune des jeunes compositeurs ? Nous sommes en 1992 et je décide d’écrire une œuvre pour double quatuor à cordes. Jean Paul Dessy a participé à sa création comme violoncelle du Quatuor Quadro. C’est une page qui reflète les recherches de jeunesse avec un certain côté didactique quand on voulait trouver un style pour les sonorités nouvelles que l’on découvrait. C’est une époque où l’on se cherche, on veut faire vivre ce que l’on trouve mais on ne veut pas afficher une modernité en soi. Alors on fait des détours, on essaie de s’amuser et puis, on revient sur soi et on se libère, avec une sorte de reconnaissance pour le parcours accompli. Je retrouve parfois cette démarche chez mes élèves de composition et je les encourage à chercher pour exister par eux-mêmes et non par rapport à des références étrangères. Et on termine avec « Back to the sound » : il a été composé comme un imposé du Concours Reine Elisabeth de piano de 2010 ? L’important pour moi était d’écrire quelque chose qui permettrait aux concurrents de montrer ce qu’ils avaient dans le ventre, un moyen d’exprimer au jury leur personnalité et non une simple pièce de virtuosité qui ferait étalage de leurs moyens techniques qui, à ce stade des épreuves, est évidente chez chacun d’entre eux. Aujourd’hui, je suis très heureux que de nombreux pianistes se mettent à la jouer et en offrent des visions très différentes. Cette diversité me montre qu’au fond j’ai atteint mon but. Botanique, jeudi 24 mai. Réservation : www.botanique.be

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