Une saison à rebondissements à Anderlecht

De l’euphorie au retour sur terre. De Vanden Stock à Coucke. De la tradition à la modernité. Dimanche, face à Genk, Anderlecht mettra un terme à une drôle de saison. « On a eu trois coachs, deux présidents, une première en 110 ans et pourtant, on se qualifie pour l’Europe », peut-on entendre à Neerpede mi-satisfait, mi-soulagé. Au cœur de l’été 2017, quelques semaines après le titre de champion, cela fanfaronne au RSCA où on parle de reconduction des lauriers nationaux et d’un huitième de finale en Ligue des champions. Des ambitions enjolivées par un 34e sacre national et un superbe parcours en Europa League où Manchester United avait eu recours à la prolongation pour sortir le Sporting en quarts de finale. La réalité a rapidement rattrapé la formation bruxelloise. 12 septembre Après avoir empoché la Supercoupe face à Zulte, les débuts en championnat sont en deçà des attentes. Au terme de dix jours mouvementés en septembre, l’histoire prend une tournure encore plus fâcheuse. Ce qui met le feu aux poudres, c’est la non-sélection de Sven Kums pour Lokeren. Le médian, censé faire oublier Tielemans et dont le transfert a été avalisé par René Weiler, déçoit jusque-là. Pis, le coach suisse ne veut pas l’emmener à Munich pour le premier déplacement européen. Il faut une intervention des dirigeants pour qu’il monte dans l’avion. « On a dit au coach qu’on avait fait un investissement important et que Kums était un capital du club », se souvient Herman Van Holsbeeck, alors manager sportif. Repris in extremis, Kums est titulaire à une place inhabituelle de libero. Coup de poker ou suicide – biffez la mention inutile –, l’expérience tourne au fiasco. À la 10e minute, l’ancien de Gand arrête Lewandowski : carte rouge et penalty. On craint un massacre mais Anderlecht ne perd « que » 3-0. Très remonté contre la presse – cette dernière ne lui a pas toujours fait de cadeau malgré les trophées et il existe un précédent entre un journal néerlandophone et Weiler –, le Suisse sort de ses gonds en deux temps à l’Allianz Arena. D’abord face à Club RTL – « Question suivante, ça m’énerve » sur une interrogation concernant Kums – puis en conférence de presse où il est très virulent. « Il ne voulait pas y aller. Les dirigeants ont dû le convaincre et le calmer », se souvient David Steegen, responsable de la communication. 16 septembre Un combat perdu d’avance suivi d’un autre face aux supporters. Quatre jours après Munich, Anderlecht se déplace à Courtrai et ouvre le score via Harbaoui. Pourtant, les fans bruxellois poursuivent les « Weiler buiten ». On ne reverra plus le coach helvète au Sporting. « Il a lui-même voulu arrêter, précise Van Holsbeeck. Il était déçu et abattu. Dans les 48 heures, il a confirmé sa volonté d’arrêter. » Après un mois et demi de compétition, Anderlecht est en quête d’un coach. Il confie les rênes de l’équipe à Nicolas Frutos pour quatre matchs dont un scelle l’avenir continental du Sporting : le 0-3 contre le Celtic. « Je n’avais jamais vu un tel chaos tactique », dira un joueur. Frutos n’est pas prêt. Mais, une occasion inespérée se présente. « Cela se passait moins bien à Gand pour Vanhaezebrouck. On a profité de ce creux pour le convaincre », raconte Van Holsbeeck, réalisant un rêve jusque-là inassouvi. 5 décembre Hormis en raison de quelques sorties verbales à l’image de celles récentes à l’encontre de Sa Pinto, l’arrivée de « HVH » doit s’accompagner d’un retour au calme. Mais, en coulisses, un cénacle très réduit, avec Jo Van Biesbroeck à sa tête, travaille sur une opération bien plus bouleversante qu’un changement de T1 : la vente du RSCA. Un moment témoigne du changement d’ère en cours. Le 5 décembre, Anderlecht se déplace au Celtic. A la fin du match gagné par les Mauves, Roger Vanden Stock foule la pelouse et salue les supporters. L’émotion et les larmes sont visibles sur son visage. Glasgow est son dernier voyage européen en tant que président. « Il y avait encore un léger doute, indique Van Holsbeeck. Mais, cela s’est avéré exact avec la reprise de Marc Coucke. » 20 décembre L’arrivée du milliardaire flamand, actionnaire majoritaire d’Ostende depuis août 2013, a bluffé tout le monde. Seules trois ou quatre personnes étaient au courant qu’une des quatre offres émanait de lui, dont Joris Ide. Dans un reportage de la VRT, Coucke raconte qu’il a prévenu son fidèle partenaire entre deux rayons d’un supermarché en Angleterre en insistant sur le fait d’être « extrêmement discret ». 31 janvier Une passation de pouvoir effective à partir du 28 mars qui aura pesé sur le club notamment lors d’un mercato hivernal chaotique. L’ancienne direction ne peut pas entreprendre ce qu’elle veut alors que Vanhaezerbrouck réclame des renforts. Les agents, eux, ne savent pas à qui s’adresser : à Van Holsbeeck ou à Coucke ? Le tout alors que les conflits d’intérêts sont scrutés avec un appel téléphonique de Pierre François, CEO de la Pro League, pour interférer dans le transfert de Milic d’Ostende au RSCA, le 31 janvier. C’est à cette date que le plus cocasse survient. Aleksandar Mitrovic, ancien d’Anderlecht, débarque à Zaventem pour être prêté par Newcastle. Il arrive jusqu’à Neerpede pour s’entendre dire qu’il manque 200.000 euros pour conclure la transaction. Le Serbe signera à Fulham où il empile les buts. Ce climat d’incertitude pèse aussi sur les employés. Comme dans une entreprise « normale », la revente implique des changements qui ne sont pas encore finis nous dit-on. C’est également synonyme de départ dont le plus fracassant, mais pas le plus surprenant, aura été celui de Van Holsbeeck. Quelques heures avant le match à Charleroi en Playoffs 1, Anderlecht officialise la fin de sa collaboration avec son manager après quinze saisons et huit titres de champion. Une histoire qui se terminera devant les tribunaux. 10 mai On en viendrait presque à oublier que les ouailles de Hein Vanhaezebrouck ont été en lutte pour le titre jusqu’à la huitième journée des Playoffs 1 et la réception du Standard. Anderlecht réalise peut-être sa meilleure prestation, mais se heurte au réalisme froid des Liégeois. L’espoir fou d’un 35e titre s’envole. Une illusion au final. Au lendemain du succès à Bruges, presque personne n’avait prévu qu’il existait un scénario où Anderlecht pouvait être champion à Gand. Il n’a jamais fallu préparer de telles festivités au terme d’une saison éprouvante.

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