Festival de Cannes: «Plaire, aimer et courir vite», la nostalgie des années 90

Le pitch 990. Arthur a vingt ans et il est étudiant à Rennes. Sa vie bascule le jour où il rencontre Jacques, un écrivain qui habite à Paris avec son jeune fils. Le temps d’un été, Arthur et Jacques vont se plaire et s’aimer. Mais cet amour, Jacques sait qu’il faut le vivre vite. Ce que l’on attend Auteur de livres pour enfants, de romans, metteur en scène de théâtre et d’opéra, chroniqueur et cinéaste, Christophe Honoré, breton de souche, revient en compétition avec son onzième film, onze ans après y avoir présenté « Les chansons d’amour ». En 2011, « Les Bien-Aimés » avait fait la clôture du 64e Festival de Cannes. « Plaire, aimer et courir vite » est porté par Vincent Lacoste et Pierre Deladonchamps. Il aborde les années sida par l’intime et sans militantisme contrairement au fédérateur « 120 battements par minutes », de Robin Campillo, qui avait conquis la Croisette l’an dernier et remporté le Grand Prix du jury. Ce que j’en pense Histoire d’amour superbement romanesque. Infinie pudeur pour raconter le plaisir, l’amour, le sexe, les désirs et les peurs. Nostalgique assumé de ses vingt ans, Christophe Honoré met en scène ses années 90 en racontant la rencontre entre un étudiant breton qui se rêve cinéaste et un écrivain parisien atteint du sida. Et c’est magistralement réussi. « Plaire, aimer et courir vite » paraît comme son film le plus personnel, le plus abouti. Il témoigne de l’état de grâce d’un cinéaste en phase totale avec son récit nourri de ses thématiques privilégiées comme la paternité et de son rapport au cinéma, plaçant ici et là musiques ou affiches de film tant aimés. Il filme le corps et le cœur, le sexe et les sentiments, les rêves et les peurs, la douceur et le glauque, l’énergie et la tristesse, avec énergie et urgence, montrant subtilement comme l’animal devient sentimental. Et nous emmène sur la pointe des pieds dans le tourbillon intime de cet amour impossible, soignant les dialogues, jouant des références littéraires avec un plaisir partagé. Cette approche impressionniste séduit en tous points car elle garde une dignité bouleversante pour décrire les réalités des homos qui baisent et crèvent. Loin de la performance, Vincent Lacoste et Pierre Deladonchamps nous emmènent avec une touchante justesse dans le ressenti de leur personnage. Lacoste, formidable alter ego du cinéaste, porte en lui l’élan optimiste qui animait Christophe Honoré quand il avait 20 ans. Cheveux courts et bien coiffés, veste en cuir ajustée, le jeune acteur devient beau gosse mais garde sa singularité et ne se dépare pas de son humour distancié et nonchalant pour incarner le jeune aspirant cinéaste pressé, attiré par les hommes. A 24 ans, cela le propulse dans la cour des grands. A ses côtés, Pierre Deladonchamps déploie une sensibilité bouleversante pour faire vibrer les non-dits douloureux qui construisent son personnage. Celui qui s’était révélé avec « L’inconnu du lac » confirme une fois de plus qu’il apporte une fraîcheur à ses personnages même les plus sombres et qu’il est indispensable au cinéma français. La réplique Elle est empruntée à Koltès : « La vraie et terrible cruauté est celle de l’homme ou de l’animal qui rend l’homme ou l’animal inachevé » Petit plus Mention spéciale pour Denis Podalydès en vieil amant bienveillant.

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