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Au Pays de Herve, du grain au pain

« Histoire d’un grain » veut réimplanter, sur le plateau de Herve, la culture de céréales naturelles pour l’alimentation humaine. Une fois transformées en farine, elles seront la matière première locale et bio pour des pains sains.

Temps de lecture: 5 min

De plus en plus de citoyens veulent savoir ce qu’il y a dans leur assiette, et par là connaître ce qu’ils mettent dans leur estomac. Par ailleurs, conscientisés à l’empreinte écologique de leur alimentation, ils souhaitent consommer local et bio. Ils se tournent vers un maraîcher ou des paniers de légumes et se rendent à la ferme pour emporter des colis de viande ou fromages façonnés sur place. Mais qu’en est-il des céréales ? Si de rares chanceux ont encore l’occasion d’acheter leur pain chez le boulanger du coin, les farines utilisées sont-elles pour autant produites localement ? Et le grain, a-t-il poussé en Belgique ? Bien souvent la réponse est un double non.

Pour l’amour du pain

Partant de ce constat, une révolution est en cours sur le plateau du Pays de Herve. «Histoire d’un grain» , une coopérative agricole et meunière à finalité sociale a vu le jour le 25 avril dernier. Elle vise à cultiver en bio, des céréales naturelles de qualité pour l’alimentation humaine. Dans le tracteur, deux gars, deux filles. Mathilde Georis, Guillaume Franco, Caroline Simaÿs et Renaud Keutgen se sont rencontrés en 2017 dans le cadre de la création de la coopérative du réseau alimentaire de Verviers. Mus par le même amour du pain, fait de façon locale, bio et naturelle – donc sans aucun adjuvant –, ils ont allié leurs forces pour fonder cette coopérative qui produira bientôt la farine saine et locale de leurs rêves. Et avec cette dernière, ils façonneront, en indépendants, des pains au sein de leur boulangerie villageoise respective.

Agés de 30 à 42 ans, les quatre paysans-boulangers, mousquetaires pour un pain sain, ont changé de vie, par recherche de sens. Avant de devenir paysanne-boulangère, Caroline Simaÿs était sociologue. « À la maison, je faisais mon pain moi-même ainsi que des pâtisseries. Je me demandais ce qu’il y avait dans la farine que j’utilisais. J’en suis arrivée à la conclusion que le pain allait mal. Et pourtant, le pain, c’est la base de notre alimentation. À partir du moment où cette base n’est pas saine, au niveau sociétal, ça ne peut pas aller mieux, explique-t-elle. Par ailleurs, je voulais mettre ma pierre à l’édifice des initiatives qui germent actuellement. Pourquoi pas commencer par le pain ? C’est repartir de la base pour, peut-être, à mon échelle, faire changer les choses. »

Quatre hectares pour produire des semences naturelles

Pour mener à bien le projet de la coopérative « Histoire d’un grain », 216.000 euros sont nécessaires. Un appel privé à l’épargne a été lancé jusqu’au 4 juillet 2018, avec une limite fixée à 99.750 euros. Une part coûte 250 euros. Chaque coopérateur peut en acquérir 20 unités au maximum. «  On a aussi rendu un dossier à la Sowecsom, le partenaire financier des projets d’économie sociale et coopérative : son mécanisme brasero devrait permettre de doubler le montant obtenu via l’appel à l’épargne, détaille Caroline Simaÿs, cofondatrice de la coopérative. L’argent va nous permettre, entre autres, d’acheter quatre hectares de terre agricoles à Clermont. » Le compromis de vente a d’ores et déjà été signé. La coopérative devrait en devenir pleinement propriétaire en juillet.

« Certes, 4 hectares, c’est une goutte d’eau. Mais cela permet de donner une assise au projet. C’est sur cette parcelle que l’on va réaliser nos tests de semences naturelles, donc qui n’ont pas été hybridées par l’industrie, afin de sélectionner les variétés les mieux adaptées à notre terroir. On y produira ensuite de la céréale, poursuit-elle. Par ailleurs, en raison des rotations de culture, l’agriculture bio ne peut fonctionner qu’en collaboration avec d’autres agriculteurs bios. Pour nous, ce sera avec M. Deru-Lambert, qui a 40 ha de céréales en bio pour nourrir le bétail. Il effectuera les travaux agricoles dans notre champ. »

Un petit moulin avec meule en pierre

L’agroforesterie sera au rendez-vous. Un maillage de haies sera planté en même temps qu’une bordure boisée tous les 25 mètres. En recréant un milieu harmonieux sur une petite surface, ce système agricole mêlant arbres et cultures est souvent synonyme de beaux rendements sur le long terme grâce à une terre naturellement bien nourrie.

Une fois le grain obtenu, il faudra le moudre. Or en Wallonie, les moulins de qualité sont des denrées rares. La coopérative a ainsi acquis un petit moulin avec meule en pierre capable de produire environ 15 kg de farine par heure. « Si on le fait travailler cinq jours par semaine, à raison de sept heures par jour, cela fait deux tonnes de farine par mois. C’est très peu pour un moulin mais très bien à notre échelle. » Cette farine sera la matière première qu’utiliseront les quatre paysans-boulangers pour façonner leurs pains. L’excédent sera vendu en circuit court, d’abord aux coopérateurs, puis dans différents points de vente de la région.

Les premiers semis sont prévus en septembre ou octobre de cette année. « Dès lors, il faudra attendre jusqu’en août 2019 pour avoir la première farine de nos céréales », précise Caroline Simaÿs. D’ici là, les quatre boulangers vont pouvoir néanmoins mettre la main à la pâte. Ils vont en effet utiliser la farine issue de grains excédentaires d’un paysan bio de Chimay qui fonctionne de la même façon qu’eux.

 

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