Pourquoi notre cerveau est-il si gros?

Q u’est-ce qui fait que le cerveau humain est si différent de celui des grands singes ? », questionne Pierre Vanderhaeghen, chercheur en neurobiologie à l’ULB-Welbio et à la VIB-KULeuven, dans une étude publiée ce jeudi dans la prestigieuse revue Cell. Un mystère sur lequel les chercheurs s’arrachent les cheveux depuis longtemps et à la résolution duquel une équipe de recherche de l’ULB, de la VIB et de la KU Leuven a apporté une importante contribution. [scald=21495938:sdl_editor_representation] « Le cortex cérébral, c’est le siège de nos fonctions cognitives, explique le chercheur Vanderhaeghen. Au cours de notre évolution, notre cerveau a vu sa taille et sa complexité augmenter considérablement et rapidement. C’est ce développement physique qui a démultiplié les capacités cognitives de l’espèce humaine. En grossissant, le cerveau a pu concentrer davantage de neurones. Mais pourquoi en avons-nous plus que le chimpanzé, notre cousin le plus proche avec qui nous partageons 99 % de notre génome ? C’est ce que nous étudions depuis cinq ans au laboratoire… » Cette augmentation cérébrale s’est déroulée au cours des six derniers millions d’années. « Ça peut paraître beaucoup, mais en termes d’évolution, c’est très court », poursuit-il. Afin de comprendre cette différenciation entre l’homme et les autres animaux, le séquençage de leurs génomes respectifs a été entrepris depuis les années 2000. En plus des 20.000 déjà bien répertoriés, la structure de dizaines de gènes qui ont évolué récemment dans la lignée humaine reste fragmentaire, laissant des « trous » inexplorés dans la carte du génome. « Nous avons décidé de nous attaquer à ces “trous”», avance le chercheur. A partir d’échantillons du cerveau fœtal humain, une shortlist de 35 gènes d’intérêt dans l’évolution du cortex cérébral humain a pu être établie. Parmi eux, nous avons concentré nos efforts sur une famille particulière unique à l’homme : les gènes NOTCH2NL. » Mieux cerner les troubles du développement cérébral Véritables amplificateurs, les gènes découverts par les chercheurs ont la capacité d’augmenter la taille et le nombre de cellules nerveuses humaines générées à partir d’une cellule-souche cérébrale. Leur place dans le génome humain est aussi remarquable : trois gènes NOTCH2NL spécifiques à l’humain sont situés dans une région associée à des maladies affectant la taille du cerveau, comme la microcéphalie. « Prudence, nuance le chercheur. Les causes d’une macro ou microcéphalie sont diverses. Zika par exemple, n’agit pas en bloquant le gène NOTCH2NL. » Mais une étude américaine publiée en parallèle dans la même revue Cell vient confirmer une hypothèse. Un groupe de chercheurs américains mené par David Haussler de l’UC Santa Cruz et du Howard Hughes Medical Institute a analysé l’ADN de patients atteints de microcéphalie ou de macrocéphalie et a découvert que les régions précises affectées correspondaient de très près aux régions où se trouvent deux des gènes NOTCH2NL. « Prises ensemble, notre étude et celle de nos collègues américains semblent démontrer que certaines duplications de gènes spécifiques à l’humain permettent de réguler la taille et la fonction du cerveau : lorsqu’existent moins de gènes NOTCH2NL, le cerveau serait plus petit, tandis qu’il serait plus grand lorsqu’ils sont plus nombreux », poursuit le chercheur Vanderhaeghen. Les perspectives sur le plan médical à long terme sont prometteuses. Les enfants qui naissent avec une tête à la taille anormale pourront bénéficier d’un meilleur diagnostic. De nombreux syndromes cognitifs tels que l’autisme ou la schizophrénie sont en effet liés à la taille de la tête. « Il reste cependant beaucoup à découvrir, poursuit le chercheur. Etonnamment, la même région du génome contient plusieurs autres gènes spécifiques à l’humain dont nous ignorons la fonction. Il sera intéressant de découvrir s’ils déterminent d’autres aspects du développement du cerveau humain. »

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