La Louvière, «zéro déchet» tous azimuts

L’âge du vrac va-t-il succéder à celui des dosettes, sachets et autres emballages qui font grossir les poubelles ? Si le basculement n’est sans doute pas pour tout de suite, s’orienter vers un modèle zéro déchet n’est plus uniquement l’apanage de quelques bobos et autres convaincus de la première heure. Alors que de plus en plus de citoyens sont persuadés qu’il est grand temps de clore l’ère du déchet, des communes se joignent à ce mouvement d’ampleur mondiale.

Voilà plusieurs années que La Louvière a fait du « zéro déchet » (ZD) l’un de ses chevaux de bataille. Au domicile, au magasin, à l’école… la Ville multiplie les initiatives tous azimuts pour encourager la réduction des déchets. Son travail multidisciplinaire de longue haleine vient d’être récompensé d’un prix européen octroyé dans le cadre de la Semaine européenne pour la réduction des déchets (The European Week For Waste Reduction Awards). Et ce, au nez et à la barbe de Londres et de Sysav, une bourgade suédoise.

Neuf communes retenues

Cette volonté de voir disparaître les déchets de leur territoire communal est partagée par de nombreuses administrations. Les y aider et faire d’elles des exemples pour l’ensemble des communes wallonnes est l’objectif de l’opération régionale « Communes zéro déchet ». En mai dernier, le ministre wallon de l’Environnement, Carlo Di Antonio (CDH), dévoilait les neuf communes retenues dans l’édition 2018 : Ath, Attert, Comines, Courcelles, Héron, Ottignies-Louvain-la-Neuve, Philippeville, Quiévrain et Rixensart. D’ores et déjà impliquées activement en matière de réduction des déchets, elles se sont chacune engagées à passer sous les 100 kilos de déchets ménagers par an par habitant d’ici deux ans.

Après une étape de diagnostic, « les communes lauréates vont mettre en place toute une série d’actions au niveau de l’administration communale. Mais l’enjeu est d’entraîner d’autres acteurs de terrain. On les épaule pour cela, mais sans faire à leur place, explique à L’Echo Ariane Godeau d’Espace Environnement, organisme indépendant qui accompagne les communes lauréates. L’objectif est vraiment de mettre en marche la dynamique zéro déchet et que celle-ci continue lorsqu’on s’en va. »

Un « Défi familles »

En 2017, comme 52 autres communes (soit 20 % des 262 communes que compte la Wallonie), La Louvière avait posé sa candidature à l’opération « Communes zéro déchet ». Recalée. Vraisemblablement car la ville était déjà très (trop) avancée en matière de lutte contre les déchets. Sa démarche en ce sens avait en effet débuté lors de la mandature communale passée, avec la naissance des premiers ateliers cuisine zéro déchet animés par le chef namurois Damien Poncelet. Il y a quelques mois, les meilleures recettes issues de ces ateliers ont été compilées dans un livre, La Cuisine zéro déchet ou presque, disponible à la maison du tourisme de La Louvière.

Suite à leur expérience, les lauréats de l’opération « Communes zéro déchet » 2017 – soit les communes de Braives, Dour, Ecaussinnes, Gesves, La Hulpe, Namur, Pont-à-Celles, Sainte-Ode, Thuin et Waremme – ont défini des axes d’actions prioritaires. Parmi celles-ci figure l’organisation d’un « Défi familles zéro déchet ». Voilà une idée qui était déjà venue à l’esprit de La Louvière. En 2015, des familles louviéroises s’étaient portées volontaires pour réduire leurs déchets. Encadrées par le service environnement de la ville, elles s’étaient engagées sur une période de trois mois à peser leurs sacs-poubelle, à établir un relevé et à adopter toute une série de gestes qui permettaient de diminuer leurs déchets.

Résultat ? Alors que leur objectif initial était de diminuer de 15 % le poids de leurs poubelles, les familles sont parvenues à les faire maigrir de 31 % au bout de trois mois. La quantité totale de déchets est ainsi passée de 48,06 kilos/ménage (sur une moyenne de 4 personnes) à 32,85 kg/ménage. Quant aux ordures ménagères spécifiquement, leur poids a baissé de 49,4 % endéans la même période. Un succès à faire pâlir d’envie d’autres communes.

Les commerçants aussi

Toucher les gens au cœur de leur foyer ne suffisait pas à La Louvière. La Ville voulait agir davantage, élargir la conscientisation zéro déchet à d’autres secteurs, comme l’école mais aussi les commerces. C’est ainsi qu’en novembre 2017, l’opération « Commerçants zéro déchet » a été lancée.

Ce label s’applique aux commerçants qui mettent en place des initiatives visant à réduire les déchets. Par exemple, en proposant des produits en vrac, en acceptant de remplir les contenants apportés par les clients, en mettant à disposition des sacs de toile ou encore en donnant une seconde vie à certains déchets. En trois mois, 13 commerçants louviérois ont rejoint le mouvement. Aujourd’hui, on en compte 17 à afficher le macaron « zéro déchet » sur leur vitrine et 4 commerçants supplémentaires sont en cours de labellisation.

En matière de zéro déchet, l’épicerie L’ère du Vrac fait figure de pionnière à La Louvière. Depuis octobre dernier, on y trouve une large gamme de produits bio et locaux – les producteurs sont trouvés grâce au bouche-à-oreille et viennent de Braine-le-Comte, Feluy, Trivières, Houdeng-Goegnies et d’autres communes des alentours – vendus en vrac ou avec un emballage écoresponsable. A la tête de ce magasin de proximité, Fabiola Hellinckx, qui tient également un centre de bien-être et d’esthétique. Son idée d’ouvrir un magasin en vrac, elle l’a d’abord testée sur les réseaux sociaux. Puis, forte du soutien émis par la jeune génération, elle a postulé et obtenu une cellule commerciale appartenant à la Ville de La Louvière. Soit un local loué à prix réduit pour des commerces dits innovants ou de qualité. Depuis, l’épicerie en vrac est devenue un lieu incontournable du centre-ville.

Bénéfice financier

La Louvière n’est pas avare de donner les trucs et astuces qui lui ont permis de mener à bien différents chantiers zéro déchet avec des commerçants, des écoles, des scouts (lire ci-dessus) et bien sûr des citoyens. C’est ainsi que le jeudi 24 mai, quelques jours à peine après son sacre européen, la ville a accueilli, pour une journée de travail et d’échanges, les dix communes lauréates de l’édition 2018 de l’opération « Communes zéro déchet ».

Les bénéfices sont pluriels. A l’aspect environnemental s’ajoute en effet l’aspect financier. A terme, la démarche zéro déchet amènera à une réduction des coûts globaux pour les communes engagées dans ce combat sociétal. Et ce, à l’instar des 2 millions d’euros économisés chaque année par Capannori, petite ville italienne de 46.000 habitants, fer de lance européen du « zéro déchet » depuis plus de 20 ans.