L’Amérique toujours sans contrôle rigoureux des armes à feu

« A ssez, c’est assez ». Le rituel désespérant se reproduit à chaque nouvelle fusillade aux États-Unis. À la Maison-Blanche, le président Barack Obama surgit le regard sombre devant les caméras, dénonçant un nouveau massacre inutile, fustigeant l’incurie des parlementaires du Congrès qui, depuis son intronisation en 2009, se sont toujours refusé à renforcer un contrôle déjà minimaliste des armes à feu. [scald=274197:sdl_editor_representation] Obama impuissant Obama, qui passera le flambeau en janvier 2017, entrera dans l’Histoire comme le président américain tout à la fois le plus remonté et le plus ébranlé par les tueries de masse qui endeuillent son pays, mais aussi… le plus impuissant devant le phénomène. Le moment charnière aurait pu, aurait dû être la tragédie de Newton, dans le Connecticut : le 14 décembre 2012, 20 gamins de maternelle et six adultes de l’école Sandy Hook étaient abattus au fusil d’assaut, avant que le tueur, Adam Lanza, ne mette fin à ses jours. Surfant sur une opinion publique – enfin – bouleversée par l’ampleur du drame, l’horreur absolue de ces bouts de chou fauchés par les balles d’un désaxé, semblait prête à basculer. Et peser sur leurs élus locaux pour que l’Amérique saute le pas et s’affranchisse de toutes ces armes lourdes qui déciment sa population : 353 fusillades en 336 jours depuis le 1er janvier 2015, 380 morts au bas mot, et 108.000 au total (morts et blessées) si l’on compte les suicides par arme à feu, les morts accidentelles, les balles perdues, etc. La NR, le lobby des armes à feux, la Et puis patatras : le lobby des armes à feu, la toute-puissante NRA (National Rifle Association) a déployé son influence néfaste, dépensé des millions de dollars en faisant pression sur les élus jugés trop mous. Malgré la contre-offensive de l’ancien maire de New York, Mike Bloomberg, le projet de loi soumis par Obama a fait long feu au Sénat, lâché par quatre « traîtres » démocrates alors que le camp présidentiel détenait encore une majorité de sièges. Il n’y aura pas de contrôles d’identité sur les acheteurs dans les foires aux armes ni d’interdiction d’armes de guerre tels que l’AR-15 ni des chargeurs à forte capacité (20 à 30 balles). Mais le 13 novembre 2015 à Paris est survenu. À la surprise générale, l’ombrageux patron de la NRA, Wayne LaPierre, s’est muré dans le silence. Pourquoi tant de réserve, quand les conservateurs les plus radicaux, notamment Ben Carson, le neurochirurgien du Michigan en lice pour la présidentielle, fustigeaient « l’excès de régulation » des armes à feu en Europe.« Si le port d’armes avait été autorisé en Allemagne durant l’entre-deux-guerres, il n’y aurait peut-être pas eu six millions de morts juifs », déclarera même Carson, qui a probablement séché quelques cours d’histoire durant sa scolarité. LaPierre, lui, se tait car, comme le relève le tabloïd très anti-gun New York Daily News, l’Amérique ferait mieux de ne pas donner de leçons à l’UE : sur la liste noire du FBI concernant les sympathisants du terrorisme, près de 2.000 d’entre eux auraient acquis une arme sur les onze dernières années. 91 % auraient réussi dans leur tentative de s’armer, le chiffre grimpant jusqu’à 94 % pour la période 2013-2014. Un sursaut du Congrès ? Un nouveau moment charnière pourrait-il provoquer un sursaut du Congrès et une législation plus sévère avant la fin du second mandat présidentiel d’Obama ? La haine farouche des républicains à l’encontre de ce dernier, leur résolution à torpiller ses treize derniers mois au pouvoir, conjuguées au fanatisme pro-gun de la NRA, inclinent à rester prudent. Entre les deux favoris à l’élection présidentielle, Hillary Clinton chez les démocrates, et Donald Trump chez les républicains, un abysse idéologique illustre de manière saisissante l’ampleur du déchirement bipartisan qui traverse les États-Unis : mercredi sur Twitter, Clinton se refusait à « considérer (cette fusillade) comme l’état normal des choses », conjurant Washington d’« agir maintenant pour stopper la violence liée aux armes à feu ». Trump, pour sa part, louait les forces de police, priait « que Dieu leur vienne en aide », rappelant que « dans ces moments-là, notre police est appréciée ».

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