La BCE déçoit les marchés et divise les économistes

Comme attendu, la BCE a de nouveau assoupli sa politique monétaire. Son principal taux directeur est maintenu à 0,05 % mais le taux de dépôts est abaissé à -0,30 %, le prix à payer pour les banques laissant leurs liquidités à la BCE. Cette dernière a également étoffé son programme d’assouplissement quantitatif (QE : quantitative easing) d’un montant de 60 milliards par mois en s’autorisant désormais à racheter des dettes de collectivités locales et en le prolongeant de 6 mois jusqu’en mars 2017. Pourquoi la BCE prend de nouvelles mesures ? La principale explication réside dans l’évolution de l’inflation. La BCE estime qu’elle doit s’approcher des 2 % pour atteindre l’objectif de stabilité des prix, le seul mandat qui lui a été conféré par le Traité de Maastricht. En novembre, l’inflation annuelle est restée coincée à 0,1 % en zone euro. Même en éliminant les éléments aux prix volatils comme l’énergie, l’inflation sous-jacente a reculé à 0,9 %. La BCE a ainsi revu ses prévisions d’inflation à la baisse à 1 % pour 2016 et 1,6 % pour 2017, justifiant une prolongation de son programme de rachat de titres. Est-ce suffisant ? Les marchés financiers sont clairement déçus, les Bourses ayant plongé de plus de 3 % en une heure. Mario Draghi, président de la BCE, avait il est vrai aiguisé les attentes en déclarant notamment à la fin novembre que « la BCE utiliserait tous les instruments disponibles ». Les économistes se montrent globalement moins sévères. William De Vijlder, économiste en chef chez BNP Paribas, estime ainsi que les « attentes (des marchés) étaient trop élevées ». Maxime Sbaihi, économiste pour la zone euro chez Bloomberg, souligne que la BCE peut encore « adapter son programme à tout moment » si le besoin s’en fait ressentir. Les mesures de la BCE fonctionnent-elles ? Mario Draghi en est convaincu : « Nous en faisons plus parce que la politique de la BCE marche ». Schématiquement, la BCE rachète des obligations d’État et autres titres adossés à des crédits afin d’augmenter le volume de liquidités disponibles et de réduire le coût du crédit dans le but d’inciter les agents économiques (consommateurs, entreprises, États) à dépenser et à investir davantage. La relance de l’économie doit ainsi se traduire par une hausse de l’inflation. La plupart des membres de la BCE se rallient à l’opinion de l’ex-dirigeant de Goldman Sachs à l’exception notable de la Bundesbank dont le président, Jens Weidmann, redoute que la chute des taux n’incite les États à abandonner les réformes réduisant le potentiel de croissance des économies, ce qu’a déjà épinglé le FMI. Axel Weber, qui a troqué le siège de président de la Bundesbank pour celui d’UBS, soulignait pour sa part que le QE était surtout une bonne affaire pour les Bourses, les investisseurs étant incités à miser sur les actions avec la chute des taux au risque de former des bulles financières. Globalement, Mervyn King, ex-gouverneur de la Banque d’Angleterre ayant supervisé le QE britannique, et Stephen Williamson, vice-président du bureau de Saint-Louis de la Fed américaine, doutent que le QE ait véritablement dopé l’économie réelle. Quelles implications pour le consommateur ? Le QE doit faciliter l’accès des ménages au crédit. Le volume de crédits à la consommation a ainsi renoué avec la croissance en zone euro après des années de baisse. Les taux se sont toutefois stabilisés depuis le printemps alors que les taux de référence sur les marchés ont atteint des niveaux planchers - le taux à 10 ans de l’Allemagne évoluant sous 1 % depuis plus d’un an -, et que les banques voient leur marge nette d’intérêt fondre. Pour les épargnants, la conséquence la plus visible est la chute du rendement du compte d’épargne, KBC venant ainsi de ramener son taux de base à 0,05 %. La tendance risque de s’accentuer avec la baisse du taux de dépôts de la BCE à -0,30 %, incitant les banques à limiter les prises de liquidités à leur capacité de prêt. Théoriquement, le QE devrait également augmenter les prix mais l’évolution est jusqu’à présent restée limitée, l’inflation sous-jacente en zone euro ayant progressé de 0,7 % avant le lancement du QE à 0,9 %.

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