Shirley Manson: «Garbage a peut-être tué le grunge»

Il y a vingt ans, Garbage dévoilait le premier album pop de l’ère digitale. Énorme succès à sa sortie, Version 2.0. ressort aujourd’hui en version de luxe. L’occasion de discuter du bon vieux temps avec Shirley Manson, chanteuse flamboyante d’un groupe pionnier qui, s’il s’est éloigné des projecteurs, continue sa route à son rythme. Le premier album de Garbage avait été un énorme succès. Sentiez-vous une pression particulière pour ce deuxième opus qui était très attendu ? Pour être honnête, je pense qu’il y avait effectivement un peu de pression. Mais personnellement, je m’en foutais. On sortait de deux ans de tournée et on était très confiants. Il y avait une bonne entente entre nous, une vraie connexion. Il y avait donc une pression de la part de notre entourage, mais surtout l’excitation de vouloir faire un deuxième album qui soit aussi énorme que le premier. Garbage était un des premiers groupes de producteurs dans le monde pop-rock… À l’époque, producteur était considéré comme quelque chose de péjoratif. Mais aujourd’hui, la ligne est devenue floue entre le producteur et le musicien. Le terme de “producteur” ne veut plus dire grand-chose, il s’agit juste d’un musicien avec quelques aptitudes techniques d’ingénieur du son. Ou avec un ego plus gros que les autres. En gros, avec l’évolution des technologies, tout le monde est producteur. Mais à l’époque, c’était suspect. Je dirais qu’il y a toujours eu quatre producteurs dans Garbage. Comment travailliez-vous ensemble ? C’est pareil pour tout. Tu te retrouves dans une pièce avec trois autres types et tu crées de la musique. C’est une question de connexion humaine plus qu’autre chose. Vous avez été parmi les premiers à mélanger rock et electro… Butch Vig avait cette étiquette grunge qui lui collait sur le dos parce qu’il avait travaillé avec Sonic Youth, Smashing Pumpkins et Nirvana. Dès le départ, il voulait s’éloigner du rock alternatif, être plus pop et expérimenter avec la technologie. Du coup, il y a toujours eu une sorte d’incompréhension avec nous. On nous considérait comme grunge alors qu’on ne sonnait pas du tout comme ça. Quelque part, on a peut-être tué le grunge. À réécouter le disque, il a une atmosphère à la « Matrix ». S’y dégage un sentiment de paranoïa comme si la machine prenait le contrôle sur l’humain. Ce qui rend le disque encore pertinent aujourd’hui… C’est vraiment lorsqu’on faisait cet album que la technologie a explosé. Je crois que c’est le premier disque à avoir été enregistré en digital. Je me souviens que les gars passaient plein de temps au téléphone avec les gens qui avaient développé Pro-Tools qui leur expliquaient comment ça fonctionnait. On a été des cobayes, en quelque sorte. Et je pense que ça s’entend dans le disque, qui a été fait avec des ordinateurs, mais avec une approche analogique, avec tous les défauts que cela implique. Deux ans plus tard, tout le monde passait au numérique ! Les années 90 étaient les années dorées de l’industrie du disque. Comment les avez-vous vécues ? Pour nous aussi, c’étaient les années dorées. On a traversé la planète, on a joué dans des endroits où je n’aurais jamais imaginé aller, Istanbul, Israël, l’Islande, le Japon ! C’était extraordinaire. Même si, quelque part, je me méfiais de tout ce qui nous arrivait. J’imaginais que le succès allait s’arrêter du jour au lendemain. C’est de cela dont parle « I Think I’m Paranoid » ? Une des idées derrière cette chanson est qu’on était effectivement entourés de gens suspects qui nous voyaient comme des vaches à lait. Des gens des maisons de disques dont on ne savait trop d’où ils sortaient, ce qu’ils faisaient. Un d’eux nous avait même lancé : « Vous êtes de l’argent imprimé. » Je me souviens que ça m’avait donné envie de vomir. Et puis, tout ce qui accompagne les grosses tournées rock, les drogues, les groupies, toute cette corruption autour de nous. J’étais très méfiante et j’avais raison d’être méfiante. Pourtant, vous ne gardez que de bons souvenirs de cette époque… Oui. Il y a eu quelques moments difficiles, mais comparé à toutes ces années de disette à mes débuts, c’était splendide. On a célébré le premier album en tournée il y a trois ans, c’était une expérience magnifique. Les fans ont adoré, et nous aussi. Je pensais que ça allait être horrible, mais en fait, revenir sur les plus belles années de sa carrière, lorsqu’on était le “Zeitgeist” de la pop, est assez magique. À l’époque, j’avais 25, 28 ans, je restais méfiante, je n’ai pas profité à fond de toutes ces années. Aujourd’hui, vingt-trois ans ont passé, je peux me permettre de profiter de cette expérience sans aucun sentiment de culpabilité (rires).

Votre compte

Shirley Manson: «Garbage a peut-être tué le grunge»

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

L’expulsion de deux Iraniens du centre fermé de Steenokkerzeel suspendue

Conner Rousseau revient sur ses propos polémiques sur Molenbeek: «Ce n’était pas un jugement de valeur»

«Maman. Maman. Maman»: la vidéo de l’arrestation mortelle de Tyre Nichols choque les Etats-Unis

Retraite: ces régimes spéciaux qui font grincer la Vivaldi

Jusqu’à - 10 degrés: les prévisions météo des prochains jours

Diables rouges: un ancien entraîneur de Leipzig se rapproche, ça se précise aussi pour Franky Vercauteren

Une employée canadienne licenciée car elle n’exécutait pas ses tâches à domicile !

Top Employer : un concept mondial

Quels bénéfices pour l’employeur ?

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel