Comment la Belgique se prépare à d’éventuelles attaques toxiques

Des milliers de graines de ricin et divers éléments entrant dans la composition d’explosifs : c’est un projet d’attentat « sans précédent », selon les termes employés par le chef de la brigade criminelle, que la police allemande est parvenue à déjouer il y a quelques jours. Un cas inédit en Allemagne mais pas à l’échelon européen. En mai, les autorités françaises ont annoncé avoir déjoué un attentat à l’explosif ou à la ricine prévu à Paris. Faut-il voir dans ces deux affaires les prémices d’une nouvelle forme de terrorisme qui délaisserait lames et douilles au profit de substances hautement toxiques ? Début 2016 déjà, Europol avait rappelé que l’organisation État islamique avait perpétré des attaques au gaz moutarde en Syrie et qu’il était en capacité de produire lui-même cette redoutable arme chimique. L’organisme de coordination des polices européennes avait toutefois indiqué ne pas avoir vent de projets du groupe terroriste impliquant le recours à des armes nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques. Quelques mois plus tard, Europol se montrait plus alarmiste, notamment après le démantèlement d’une cellule marocaine et la découverte de « bocaux contenant une substance pouvant être transformée en une toxine tétanique mortelle ». « Il y a des preuves que IS a montré un intérêt dans l’utilisation d’armes chimiques et/ou biologiques », peut-on lire dans un rapport publié par l’agence en décembre 2016. L’organisation terroriste encourage-t-elle aussi ses « soldats » à jouer les laborantins ? En Belgique, on préfère ne pas attendre la réponse. La police, la Défense, le Centre de crise et l’Institut national de criminalistique et de criminologie collaborent déjà sur certains projets. La veille de l’annonce de l’opération antiterroriste allemande, un exercice simulant une attaque terroriste CBRN (chimique, biologique, radiologique, nucléaire) pendant une finale de la Champions League s’est déroulé sur le domaine militaire de Peutie. C’est aussi cette semaine qu’est entré en vigueur le nouveau plan d’urgence « CBRN terro » détaillant la manière dont les autorités et services concernés doivent organiser la gestion de crise en lien avec ces nouveaux risques. Fin 2017, Bart Raeymaekers, le nouveau patron du Centre de crise, avait en outre annoncé la création imminente d’un centre d’expertise CBRN. La plateforme nationale est aujourd’hui en ordre de marche. Elle a pour mission de soutenir la collaboration entre les services opérationnels, les centres de connaissances et de formation afin d’intégrer leurs expertises dans la planification d’urgence et la gestion de crise. À la Défense aussi, on tente de parer à toute éventualité. On confirme que « l es différentes unités participent à pas mal d’exercices et entraînements en conditions réelles, voire avec des agents réels, afin de savoir comment agir et réagir si un jour une telle attaque se produisait ». C’est le cas par exemple de la Compagnie CBRN qui regroupe, entre autres, les équipes de décontamination CBRN et d’échantillonnage (SIBCRA) et dont l’un des membres est un expert des laboratoires de la Défense (DLD), indique-t-on encore. D’autre part, le Laboratoire fédéral d’orientation (FOL), un des laboratoires de la Défense (DLD), a pour mission de réceptionner des échantillons CBRN en vue d’effectuer les premières analyses et de pouvoir ensuite redistribuer ces échantillons vers le bon laboratoire de référence et ce, en toute sécurité. Ce laboratoire, tout comme le laboratoire d’analyse chimique de la défense (reconnu par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et pouvant effectuer une identification complète des agents chimiques de guerre), fait partie intégrante de différentes procédures impliquant des agents CBRN, dont la ‘procédure Envois Suspects’, anciennement connue comme ‘procédure Anthrax’. « Devant l’augmentation de la menace, les laboratoires de la Défense ont également entrepris d’organiser des exercices mettant en scène différents partenaires belges tels que la Défense, la Protection civile, la Justice, la Police, etc., explique-t-on encore. L’objectif est de développer des procédures permettant de travailler en toute sécurité en milieu contaminé et permettant à chacun de continuer à faire son travail en collaboration avec les autres partenaires. Ces exercices débouchent sur le développement de collaborations de plus en plus fréquentes entre les différents services, permettant ainsi une préparation optimale en cas de gros problèmes CBRN. » Récemment, un nouveau partenaire est entré dans la danse : l’Institut national de criminologie et de criminalistique (INCC) a développé, dans le cadre du projet européen Gift, un dispositif et des outils permettant de traiter et d’analyser plus rapidement et plus effacement les indices et les preuves collectées sur des scènes de crime contaminées par des substances dangereuses. « S’il y a le moindre soupçon que des produits toxiques sont présents sur des pièces à conviction, celles-ci sont traitées par le laboratoire de la Défense qui procède à la décontamination », décrit Bart Nys, chimiste et coordinateur de recherches à l’INCC. « Si les analyses sont négatives, les pièces sont envoyées chez nous et nous procédons à une analyse classique ». Sur le plan de l’échantillonnage aussi, l’objectif est d’harmoniser les procédures et de développer la coopération.

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