L’Europe sur le qui-vive avec Trump

Donald Trump est-il « avec nous ou contre nous », pour reprendre la formule utilisée par l’un de ses prédécesseurs, George W. Bush, qui mitraillait ainsi les pays européens réticents à l’accompagner dans l’invasion de l’Irak ? La question hante les Européens. Le 45ème président des Etats-Unis a remis le couvert, à la veille du sommet de l’UE, phagocyté par la question de la migration. Lors d’un meeting dans le Dakota du Nord, Trump a lancé : « Nous aimons les pays de l’Union européenne. Mais l’UE, bien sûr, a été créée pour tirer avantage des Etats-Unis. Et vous savez quoi ? On ne peut pas laisser faire cela ». Sur l’Otan, où le locataire de la Maison-Blanche est attendu avec appréhension par les Alliés pour un sommet à Bruxelles le 11 juillet, le président n’est pas plus amène. Selon de nouvelles révélations, Donald Trump aurait dit dans l’intimité du sommet du G7 au Canada, que l’Alliance atlantique « est aussi mauvaise que l’Alena », le traité commercial avec le Canada et le Mexique, qu’il pilonne. « C’est beaucoup trop coûteux pour les USA ». « C’est effrayant », a tweeté le prochain (en septembre) ambassadeur de Belgique à l’Otan. « Que va dire Monsieur Trump au sommet de l’Otan ? On ne le sait pas », avoue un autre diplomate européen. « Contexte géopolitique » La « hache de guerre » est-elle déterrée ? Donald Tusk, le président du « club » des chefs d’Etats et de gouvernements de l’UE, est alarmiste en diable. Dans sa lettre d’invitation au sommet, le président du Conseil européen invitait les leaders à « garder en tête le contexte géopolitique », après le sommet du G7 au Canada, lorsque Donald Trump était entré en choc frontal avec les Européens et le Canada, tout en cherchant à réinstaller Vladimir Poutine dans ce cénacle exclusif, censé prôner les valeurs de la démocratie et l’économie de marché. « Malgré nos efforts inlassables de maintenir l’unité de l’Occident, les relatons transatlantiques sont sous une immense pression en raison des politiques du président Trump. Malheureusement, les divisions s’étendent au-delà du commerce. Je pense que, tout en espérant le meilleur, nous devons être prêts à préparer notre Union pour les scénarios du pire ». Pas moins… Dans cet océan d’incertitudes, une certitude : la Maison-Blanche et le Kremlin ont annoncé jeudi le premier tête-à-tête officiel entre Trump et Poutine. Ce sera à Helsinki, le 16 juillet, juste après le sommet de l’Otan appelé à renforcer sa dissuasion face à une Russie « agressive », annexionniste en Ukraine et en Géorgie, mais dont le président américain admire ouvertement la poigne du maître du Kremlin, dont il n’a de cesse de nier toute influence dans le scrutin qui a vu sa victoire, malgré les allégations de ses propres services de renseignements. Le « pitch » qui fait déjà trembler : une bagarre homérique entre « Alliés » à l’Otan (sur le partage du fardeau du coût de la défense collective) suivie d’une romance en Finlande. « L’avenir du lien transatlantique est au minium incertain, souligne un haut responsable européen. On ne peut le tenir pour acquis. Nous ne voulons pas y renoncer mais cela implique que les Européens doivent s’organiser. Sur l’économie, la fiscalité, la recherche, la sécurité et la défense, la zone euro ». Comme le répète la chancelière allemande Merkel, l’Europe doit prendre en main son destin. « Bien sûr, cela ne se fera pas en un jour », reconnaît le responsable. Trois points Le sommet, certes accaparé par la migration, devait aussi se pencher au chevet de cette relation transatlantique. A travers trois points : le commerce (et la guerre douanière enclenchée par Trump), la coopération UE-Otan et un debriefing du G7. A l’heure de mettre cette édition sous presse, jeudi en fin de soirée, les conclusions relatives à ces sujets étaient retenues en otage par le nouveau chef du gouvernement italien, pour des raisons tactiques, soucieux d’imposer ses vues sur la philippique du moment. La conférence de presse des présidents des institutions a même été purement et simplement annulée, renvoyée à vendredi en fin de sommet. Mais les textes ne devaient guère évoluer par rapport au projet de conclusions rédigé en amont. Les leaders européens devraient ainsi soutenir l’adoption en marge du sommet de l’Alliance d’une nouvelle déclaration de UE-Otan, où l’Amérique de Donald Trump reconnaîtrait l’apport des récents efforts sur le front de l‘Europe de la Défense au bénéfice de la sécurité collective. Un responsable européen : « Ce serait important d’avoir cette reconnaissance ». Sur le commerce, le sommet devrait avertir les Etats-Unis que l’UE ripostera « à toute action clairement protectionniste ». Car après les exportations d’acier, Trump menace de frapper les exportateurs européens d’automobiles – et les olives espagnoles. « Il doit y avoir des conséquences quand vous ne respectez par les règles internationales », avertissait mardi la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström. A moins d’une bilatérale Trump-Tusk-Juncker sur le commerce en marge du sommet de l’Otan, le président de la Commission pourrait être dépêché à la Maison-Blanche, « pour garder les canaux de communications ouverts et résoudre les questions commerciales à l’amiable », indiquait un porte-parole cette semaine. Une mission… impossible, déjà tentée par Macron ou Merkel.

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