A Flagey, la chair de poule avant le chant du coq

Est-ce la chute des températures ou le stress d’avant-match ? Sans doute les deux. Il y a du frisson dans l’air, ce mardi sur le coup de 18 h. Une chair de poule partagée par tous les supporters belges déjà rassemblés à la terrasse du café « La Loire », à deux pas de la place Flagey, à Ixelles. Au milieu de la troupe fébrile, Michel Sabourin, le tenancier, s’affaire au bar. Cela fait 50 ans (il les fêtera ce samedi 14 juillet, jour de fête nationale française et de… petite finale) que ce Français fait couler la bière belge à flots à « La Loire ». Amateur de foot, il diffuse régulièrement des matchs. Au fil du temps, son bistrot est devenu l’un de ces troquets à l’ancienne où les amateurs du ballon rond se retrouvent pour regarder, une « 33 » à la main, les prestations des Diables rouges sur écran géant. A 77 ans, il en a vu, des France-Belgique. Mais ce soir, c’est forcément particulier. « Que le meilleur gagne », préfère-t-il esquiver, tunique bleue sur les épaules. « On l’a déjà gagnée, alors pour une fois, la Belgique pourrait la gagner, non ? » Un ami belge de passage le salue. « Je reste pas, je vais voir le match à Waterloo, y’a déjà eu une belle défaite française là-bas ! » On se charrie, bon enfant. On invoque le ciel Une grosse centaine de personnes s’amasse dans le bistrot exigu. Michel lance un Grand Jojo à tue-tête. Visiblement apprécié. La domination belge ne fait aucun doute. Le noir-jaune-rouge est partout, sur les murs comme aux tables. L’assistance est à 99 % belge. Tout le monde veut croire à une victoire belge, forcément. « 1-2 », « 2-3 ». Les paris sont lancés. Que des victoires belges. Nouvelle tournée de Grand Jojo. « Olé, olé, we are the champions ! » La journée a paru ne jamais finir. Et tout le monde espère que la nuit sera aussi très longue. « Il y a un vrai contraste avec le match contre le Brésil. Ce jour-là, il y avait une confiance, un relâchement, le temps était au rendez-vous », explique Gilles, 30 ans, habitué du bar. Il a fait le voyage depuis Kinshasa pour voir ça avec ses potes, à « La Loire ». Une tradition, ça se respecte. A la terrasse, on stresse, on pronostique et on invoque le ciel. Il n’est pas bleu ce mardi. Un présage ? Superstitieux, Gilles n’a pas lavé son maillot depuis le début du tournoi. Il va suivre le match à la même place que d’habitude. Et ce ciel si bas ne lui dit rien qui vaille. « Là, ce temps, ça me rappelle Lille et la défaite contre le pays de Galles. » Le « complexe du petit frère » Un drapeau français est suspendu au plafond. « Je suis Français, mais mon cœur est belge », lance Michel à l’assemblée. Applaudissements. Les moqueries sur les Français qui ont émaillé l’avant-match dans la presse et sur les réseaux sociaux ont un peu « énervé » Brieuc. « Ce match ne doit pas tourner au règlement de comptes. » La moitié de ses potes sont Français. « Ça reste un match de frères. » Nadège craint justement le « complexe du petit frère ». [scald=22568366:sdl_editor_representation] Dans la salle, la température est montée d’un coup. Les mains sont moites. C’est tournée sur tournée, pour étancher le stress. Le coup d’envoi vient d’être donné. La confiance grandit à mesure de la première mi-temps. « Ils ont la frousse », lance l’un. Rires à la table. Ça ne durera pas. « Super-triste » A la mi-temps, sur la terrasse, on tente de se convaincre que ça va passer. François, l’un des rares Français présent, concède : « Moi qui pensais que ce serait équilibré, pas du tout ! Les Belges font peur. » Ça ne durera pas non plus. A la reprise, on entend par-ci par-là : « Le premier qui marque a gagné. » Le match bascule. L’ambiance aussi. Le premier à marquer, ce ne sont pas les Diables. Les tournées de 33 et de cervelas moutarde n’y feront rien, les « Come on Belgium » non plus. Quelques mauvais mots fusent. Frustration, forcément. Ça ne passera pas cette fois. « On est super-triste », « Je suis déprimé ». Tête basse, les supporters vident « La Loire ». La fête s’éloigne. Le ciel est gris. Fin de l’aventure, ou presque. Les « petits Belges » ont rendez-vous pour la petite finale samedi, jour de fête nationale française.

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