L’Afrique demande réparation

Edmond Sossoukpe est soulagé. Ce jeudi, il reprenait l’avion pour Cotonou. Arrivé au pays, il pourra ôter l’écharpe et le gros bonnet de laine blanc qui ne le quittent pas alors qu’il déambule dans le gigantesque centre de conférence abritant la 21e conférence des Nations unies pour le climat, la COP21. Pas de regret : ce mercredi, la pluie s‘est mise à tomber, obligeant le petit homme à presser le pas lorsqu’il passe d’un pavillon à l’autre. Il n’a pas chômé, le directeur général de l’agence béninoise pour l’environnement. Sa quête de partenaires et de financements a été incessante. A l’instar de ses collègues des pays africains, son équation est simple : les pays africains n’ont pas causé les changements climatiques, mais ils en sont les victimes. Côte et mangroves menacées La nouvelle donne climatique transforme la vie des dix millions d’habitants du petit pays d’Afrique occidentale. A Cotonou, la mer grignote le trait de côte depuis des années ; c’est le résultat de la construction du port et de l’élévation de l’océan dans le golfe de Guinée. « Des maisons, des hôtels ont dû être abandonnés, explique Sossoukpe. On a dû relocaliser des habitants. Nous devons construire des épis pour réduire l’érosion. La ville est aussi régulièrement sujette à des inondations lors des fortes pluies. Certaines zones sont situées en dessous du niveau de la mer : l’eau ne s’écoule donc pas, elle stagne. La solution : des collecteurs drainant les pluies vers le lac ou vers la mer ». Les mangroves qui protègent la côte contre l’érosion et contre les tempêtes ont été victimes des populations qui utilisent le bois comme combustible pour produire du sel. Depuis cinq ans, le gouvernement a mis en place un projet pour revégétaliser ces écosystèmes qui abritent les ressources halieutiques et les oiseaux migrateurs Il a aussi lancé le programme « 10 millions d‘âmes, 10 millions d’arbres », encourageant les Béninois à participer à une campagne de reboisement du pays. Edmond Sossoukpe cherche donc « des partenaires ». Car le climat change. « Les pluies deviennent de plus en plus irrégulières. Aujourd’hui, l’agriculteur ne sait pas s’il va pleuvoir après-demain. La pluie arrive de façon plus massive qu’avant. Il peut pleuvoir en trois jours la quantité de trois mois ; c’est une des causes des inondations. Aujourd’hui, la saison des pluies est plus courte et plus aléatoire ; les sécheresses plus rudes. Les cultures sont parfois dévastées par les précipitations avant d’avoir pu pousser ». Dans un pays où 90 % de la population dépend d’une agriculture de subsistance, la sécurité alimentaire est directement menacée. Protéger la forêt congolaise A Paris, tous les pays africains plaident pour que le futur accord fixe l’objectif de maintenir l’élévation de la température sous 1,5ºC. Et face aux dérèglements actuels et futurs, tous attendent l’aide financière des pays du Nord. « Ce sont eux qui sont responsables, ce n’est pas à nos pays de faire les efforts », s’exclame Benjamin Toirambe directeur du développement durable au ministère de l’environnement de la république du Congo. « Notre pays, ajoute le ministre de l’environnement Robert Bopolo, espère 250 millions de dollars d’une initiative lancée par six pays d’Afrique centrale qui veulent protéger leur forêt » ; 60 % de celle-ci sont au Congo où elle fait vivre 40 à 50 millions de personnes. Même s’il est léger actuellement (0,31 % par an en moyenne, mais jusqu’à 2 % dans certaines provinces), le rythme de déforestation va s’accroître, alertent les autorités. Entre 2000 et 2014, la forêt congolaise a perdu une superficie plus grande que la Suisse. Depuis 2008, la RDC est devenue un émetteur net de CO2. « Autour des centres urbains, il y a une déforestation que vous ne pouvez pas imaginer, poursuit Toirambe. Quand vous quittez Kinshasa, il faut faire des kilomètres avant de voir une forêt ». L’accroissement attendu de la population, l’extension des mines et le développement de cultures de rente (cacao, palmier à huile) vont encore augmenter les pressions sur le deuxième « poumon vert » de la planète. Il faut protéger. Reboiser. Réduire l’utilisation du « bois-énergie ». Passer aux renouvelables. Le Bénin, comme le Congo ont fait leur devoir vis-à-vis des Nations unies et ont présenté leur plan climat. Chacun d’entre eux a dressé aussi la facture de leur adaptation au changement climatique. Plus de 21 milliards pour le Congo, « dont 90 % doivent venir de la communauté internationale », 30 milliards pour le Bénin. Pour pouvoir s’adapter, tous deux ont besoin d’une aide financière extérieure qu’ils tentent de trouver à Paris. L’Afrique émet 4 % des gaz à effet de serre de l’humanité. « On ne quémande pas les financements, précise Edmond Sossoukpe. Ce n’est que réparation, ce n’est que justice ! Nous n’avons pas les moyens de faire face tout seuls. »

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