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Alexandre Benalla, l’ex-collaborateur encombrant qui fait trembler l’Elysée

Alexandre Benalla avait atteint l’Olympe des gardes du corps. Le problème, c’est qu’il n’en était pas vraiment un…

Portrait - Temps de lecture: 4 min

Depuis Paris

Qui donc est ce jeune homme de 26 ans, totalement inconnu il y a cinq jours, et dont le nom aujourd’hui court sur toutes les lèvres : Alexandre Benalla ? Comment a-t-il pu, lui, le bon petit gars de Normandie devenu un proche d’Emmanuel Macron, se faire passer pour un policier et tabasser un manifestant le 1er mai, déclenchant depuis les révélations du quotidien Le Monde un scandale qui menaçait de prendre les dimensions d’une affaire d’État ? Sa mise en inculpation et l’annonce de son licenciement prétendent calmer le jeu.

« Un bon gamin »

Et pourtant… « C’était un bon gamin, même s’il était parfois impulsif », affirme l’ancien chef du service d’ordre du Parti socialiste, Éric Plumer. Car c’est avec lui que tout a commencé, en 2010, quand le jeune Alexandre Benalla prend la carte du PS, moins pour faire de la politique que pour se mêler aux services de sécurité.

Un bon gamin en effet, né dans un quartier populaire de la ville d’Évreux, en Normandie, élevé par sa mère seule, mais qui fait des études et qui les poursuivra jusqu’à un master de droit. Un peu impulsif déjà : « Il voulait toujours être là où ça se passe, du côté des personnalités, et n’aimait pas quand je lui demandais de surveiller une porte », confie Éric Plumer au Parisien.

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Et ça marche ! En 2012, il assure pour le compte du PS la protection de Martine Aubry pendant sa candidature aux primaires, et il enchaîne avec celle du candidat François Hollande. Tout se passe bien, Hollande est élu, et Alexandre Benalla passe au service du nouveau ministre Arnaud de Montebourg. Mais là ça tourne court : au bout d’une semaine, il provoque un accident en voiture et tente de prendre la fuite sous les yeux du ministre… Congédié !

Dans les années qui suivent, il travaille pour des services de sécurité privés, fonde avec un associé une éphémère Fédération française de sécurité, mais c’est avec Emmanuel Macron que les choses sérieuses vont commencer. Alexandre Benalla est un des premiers à rejoindre La République en marche, et c’est lui qui prend la direction du service d’ordre du mouvement.

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La confiance du chef

Bien organisé, efficace, il gagne la confiance du chef en assurant des meetings qui se déroulent sans problème. Il y a bien de temps en temps des interventions un peu musclées, tel ce journaliste, à Caen, qui se fait ceinturer et expulser manu militari pour avoir eu l’audace de s’approcher trop près du candidat. Mais un journaliste qu’on malmène, est-ce vraiment de nature à fâcher Macron ?

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Et puis il y a des scènes un peu ridicules, comme ce déplacement à Mayotte pendant la campagne. Au moment de l’atterrissage, quand l’annonce est faite de rester attaché, Alexandre Benalla et son équipe se lèvent ostensiblement pour prendre place autour de la porte de l’appareil, comme si la sécurité l’exigeait. « Cow-boys », laisse tomber un des policiers du service de protection officiel.

Mais voilà, fidèle du premier cercle, Alexandre Benalla est devenu un proche d’Emmanuel Macron, presque un ami, disent certains. Le soir de l’élection, quand le nouveau président fait sa marche solitaire dans la cour du Louvre, Benalla est dans l’ombre et le guide, selon Le Monde

On les voit faire du vélo, du ski ensemble ; l’été dernier, pendant les vacances du couple à Marseille, il est là. Le président, qu’on dit aveuglément attaché à ceux qui lui sont fidèles, a créé pour lui un poste inédit à l’Élysée, malgré l’équipe de protection officielle. Il a une voiture de fonction…

Le 1er mai, il voulait suivre les opérations des forces de l’ordre comme observateur. C’était un jour de congé, donc les services de la présidence ont accepté et sollicité la Préfecture de police. On ne refuse rien à l’Élysée, et sur le terrain non plus on ne refuse rien à quelqu’un qui vient de l’Élysée… Il voulait toujours être là où ça se passe. Et ce jour-là, brassard de police illégalement porté au bras, sortant d’un rôle d’observateur qui n’était pas pour lui, il s’est mis à taper…

L’attitude de l’Élysée scrutée

Derrière cette histoire somme toute assez banale et pitoyable, l’attitude de l’Élysée, qui a couvert plutôt que de transmettre à la justice, va désormais passer sous la loupe de l’enquête parlementaire. Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb est attendu ce lundi à Sénat. (TDG)

 

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6 Commentaires

  • Posté par Van Wemmel Thierry, dimanche 22 juillet 2018, 17:30

    Macron souffre aussi de la maladie de tous les "nouveaux" partis : il n'a pas de parti. Bien sûr on décrie les partis, parfois (qui a dit souvent ?) à raison, mais il faut quand même leur reconnaitre un mérite : la sélection des cadres de confiance au fil des années. Comme dans l'armée ou les entreprises, on reçoit d'abord de petites responsabilités et si ça se passe bien, on en reçoit de plus importante. Mais dans les nouveaux partis, il faut démarrer de rien et il faut quand même bien nommer des cadres.

  • Posté par Reginster Jean-luc , dimanche 22 juillet 2018, 18:55

    Vous avez entièrement raison. Mais dans le cas présent, il semble que Monsieur Benalla est un ancien "cadre" du PS qui faisait partie du service d'ordre du parti sous François Hollande et n'avait pas démérité. Ce qui gêne, c'est la confusion entretenue entre une personne qui clairement perd les pédales et la mise en cause de la légitimité d'un Président élu et de la politique qu'il mène. On n'est pas sur le même plan et le silence présidentiel n'arrange pas les choses.

  • Posté par Reginster Jean-luc , dimanche 22 juillet 2018, 16:53

    A priori, pas de quoi en faire un fromage. On est à 100 000 lieues du Watergate, n'en déplaise à ce bonimenteur de Mélenchon. Ce qui interpelle cependant, c'est la gestion pour le moins "légère" de l'incident par le service communication de l'Elysée. Qui ouvre un boulevard à l'opposition et à des journalistes qui, après les rebuffades qu'il leur avait adressées en début de mandat, attendaient Macron au tournant pour lui coller une "affaire d'Etat" aux basques. De la très petite politique mais en période de vacances, de quoi faire quelques juteux papiers et se pousser du col face à un Président qui maîtrise bien mal une posture jupitérienne un tantinet ridicule.

  • Posté par Van Wemmel Thierry, dimanche 22 juillet 2018, 17:35

    Ce qui a finalement fait tomber Nixon, c'est d'une part l'accumulation mais surtout le fait qu'il a menti, sous serment, devant une commission d'enquête qui lui demandait de fournir certains enregistrements réalisé dans le bureau ovale. Enregistrement qu'il a nié avoir réalisé, ce qui s'est révélé faux par la suite. Si un parallèle devait être établi entre les deux, ce n'est pas tant la "faute" initiale mais le traitement qui s'en suit. Et de ce point de vue (pour autant que j'ai bien compris), la captation d'images qui a été faite par 3 policiers non pas il y a 2 mois mais il y a moins d'une semaine est quand même problématique.

  • Posté par Björn Deckers, dimanche 22 juillet 2018, 16:44

    Il y a du Mitterrand dans cette affaire, privilégier aveuglément la fidélité à un proche à la dignité de l'Etat. Ca ne peut en rester là car il y a alignement de fautes les unes sur les autres dans cette sinistre affaire. Le fait de créer un service parallèle à la sécurité présidentielle et d'y nommer un personnage qui n'en a ni les compétences ni les nécessaires aptitudes morales et mentales. Le fait d'avoir mis la faute du collaborateur sous le tapis avant que Le Monde ne fasse éclater l'affaire et encore le mensonge de Gérard Collomb au Sénat jeudi dernier faisant mine de découvrir une affaire qu'il connaissait dès le 2 mai. C'est la première affaire, ou plutôt la deuxième "affaire" du quinquennat (la première étant tout de même ces très nettes et soupçonnables ristournes dans le financement de la campagne). Et cela laissera des traces. Comme le disait un commentaire du Soir, l'ancien monde est de retour, or, c'est celui-ci que les Français avaient brutalement congédié en avril 2017...

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