«Copinage malsain» dans l’affaire Benalla: le préfet renvoie l’Elysée à ses responsabilités

Après le premier flic de France, place au préfet de police de Paris. Michel Delpuech est passé sur le gril de la commission des lois de l’Assemblée nationale ce lundi après-midi. Objectif : répondre aux nombreuses interrogations laissées en suspens par l’audition du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb ce lundi matin et celles des députés sur l’affaire Alexandre Benalla. Le collaborateur de Macron, 26 ans, a été mis en examen ce dimanche pour des violences contre un manifestant. La commission – qui était restée sur sa faim face à Gérard Collomb – a salué la précision des réponses du préfet de police de Paris. Plus tôt, le ministre s’était défendu de toute faute personnelle dans la gestion de l’affaire, renvoyant la responsabilité d’éventuels manquements à Michel Delpuech et au directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda. Avec ses réponses claires, le préfet de police de Paris, qui a confirmé que Benalla « était un interlocuteur connu », a dénoncé « des faits [qui] sont le résultat de dérives individuelles inacceptables, condamnables, sur fond de copinage malsain ». Et renvoyé l’Elysée – qui ne pourra plus se murer dans le silence bien longtemps – à ses responsabilités. [scald=22871559:sdl_editor_representation] « Benalla était traité par l’autorité hiérarchique dont il dépendait » Que savait Michel Delpuech de la présence d’Alexandre Benalla, le 1er mai, au côté des 1.500 policiers et gendarmes déployés à Paris ? Le préfet de police de Paris a adopté la même attitude que le ministre de l’Intérieur, ouvrant la séance par un propos liminaire dans lequel il a déroulé en détail son agenda du 1er mai. Le préfet a expliqué avoir appris, le 2 mai, l’existence « d’une vidéo qui circulait sur les réseaux sociaux » et qui semblait montrer « des violences policières ». Il précise ignorer alors que ces images montraient Alexandre Benalla. Dans la foulée, le préfet précise avoir reçu un appel d’un collaborateur de l’Elysée qui « vient aux nouvelles auprès de moi pour me parler de l’affaire Benalla ». « Je n’ai à cette heure-là jamais entendu parler de l’affaire Benalla », déclare Delpuech. Il visionnera la vidéo auprès de son service de communication dans la foulée, et dit se souvenir, à ce moment-là, de son étonnement de la présence de Benalla dans la salle de commandement le 1er mai au soir. « Au moment de lui serrer la main : « Vous êtes là », sa réponse : « J’étais sur le terrain, je suis venu » ». Le préfet précise alors avoir joint en premier lieu « le cabinet du ministre de l’intérieur, qui me répond qu’il était déjà informé et déjà en liaison avec l’Elysée sur le sujet » : « Il était établi pour moi que le sujet Benalla était traité par l’autorité hiérarchique dont il dépendait. Au demeurant, c’est bien ce qu’il s’est passé puisque M. Benalla a été convoqué par le cabinet de l’Elysée, et a fait l’objet de sanctions ». Le préfet saisit alors l’Inspection générale de la Police nationale le 19 juillet « pour les mêmes faits que ceux pour lesquels le procureur a ouvert une enquête » : les trois fonctionnaires de police qui ont remis à Benalla un double des vidéos des opérations de la place de la Contrescarpe. Pourquoi le préfet n’a-t-il pas saisi l’IGPN en voyant la vidéo le 2 mai ? Delpuech tourne en rond pour se justifier : il n’a pas saisi l’IGPN car les violences ne sont pas le fait d’un policier. Et sur le fait que les CRS présents lors des violences ne réagissent pas pour venir en aide aux victimes ? Le préfet botte en touche et renverra inlassablement vers « l’enquête judiciaire en cours ». « Des dérives individuelles inacceptables » Michel Delpuech – qui s’est gardé de mettre en cause le ministre de l’Intérieur lors de son audition – n’a pas retenu les coups vis-à-vis du cabinet de l’Elysée : « Cette affaire, comme le dit la presse, n’est pas sans conséquences sur la préfecture de police. Fondamentalement, ces faits sont le résultat de dérives individuelles inacceptables, condamnables, sur fond de copinage malsain ». Le préfet a bien reconnu un « point de faiblesse » le concernant : sur le port d’arme accordé à Benalla. Il reconnaît lui avoir accordé un port d’arme non permanent – lié à sa fonction de sécurité auprès de l’Elysée – alors qu’il ne remplissait pas toutes les conditions. L’audition du préfet aura visiblement porté ses fruits puisque l’on apprend que le Sénat auditionnera jeudi matin le secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler, omniprésent dans l’ombre du président. Ce n’est pas tout : cette même commission auditionnera également le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, le directeur de cabinet de l’Elysée Patrick Strzoda et le secrétaire d’Etat Christophe Castaner, entendu en tant que délégué général de La République en marche. Seront-ils en mesure de répondre aux questions qui restent encore en suspens : comment Benalla s’est-il fourni un brassard estampillé « police » et une radio ? Pourquoi jouissait-il d’une voiture de fonction munie d’un gyrophare de police ?

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